Un futur mastodonte de la mode est sur le point de naître, il s’appelle Amazon

Avec le goût du secret qui lui est cher, le groupe de commerce en ligne Amazon effectue depuis plusieurs mois de grandes manoeuvres pour se positionner comme un des géants du prêt-à-porter et une menace pour tous ses grands acteurs.

Le groupe de Seattle a déjà révolutionné la distribution avec son site de commerce sur internet et s’est aussi attaqué à la télévision en ligne, dont il est aujourd’hui l’un des mastodontes, ainsi que très récemment au fret aérien.

Amazon vend des vêtements depuis plus de dix ans et a déjà racheté le site de mode Shopbop en 2006 et le spécialiste de la chaussure en ligne Zappos en 2009.

Mais les mouvements opérés ces derniers mois témoignent d’une accélération marquée.

Suki Waterhouse, ambassadrice de la marque Amazon Fashion, lors d'une séance photo au Studio Amazon dans l'est de Londres, en juillet 2015
Suki Waterhouse, ambassadrice de la marque Amazon Fashion, lors d’une séance photo au Studio Amazon dans l’est de Londres, en juillet 2015 © Reuters

Les indices

Il y a la partie émergée de l’iceberg, symbolisée par le lancement, début mars, d’une émission quotidienne d’une demi-heure sur la mode diffusée gratuitement sur internet, le premier programme en direct jamais proposé par Amazon.

Le groupe lancé par l’Américain Jeff Bezos s’est aussi donné de la visibilité en devenant le partenaire principal de la toute jeune semaine de la mode masculine de New York, qui a vécu en janvier sa deuxième saison.

Amazon a également repris la production et la diffusion de l’émission « The Fashion Fund », compétition entre jeunes créateurs sponsorisée par le syndicat américain de la mode (CFDA) qui organise la Fashion Week de New York.

Quant à la partie immergée, elle est visible sur le site étendard du groupe, avec des marques qui étaient encore inconnues il y a peu.

Les noms Lark & Ro, North Eleven ou Franklin Tailored ont été déposés ces derniers mois par Amazon, selon les données accessibles sur le site de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, consultées par l’AFP.

Après s’être cantonné à distribuer les vêtements conçus, fabriqués et vendus par d’autres, le géant qui a passé en 2015 la barre des 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires développe ses propres lignes.

Contacté par l’AFP à ce sujet, Amazon s’est refusé à tout commentaire et une porte-parole d’Amazon Fashion a indiqué que le groupe n’était pas encore « prêt » à « communiquer sur sa stratégie globale » en matière de mode.

« Amazon a fait du vêtement une priorité », ont considéré les analystes de KeyBanc Capital Markets dans une note publiée fin février après avoir sondé le milieu lors du salon professionnel MAGIC à Las Vegas.

Large éventail de choix

Devenu designer de fait, Amazon est aussi « vu comme une opportunité stratégique et un partenaire » clé pour les marques extérieures, selon ces analystes, certains vendeurs considérant que le site « peut devenir un de leurs trois principaux clients à moyen terme ».

Côté client, la sauce prend. « Il y a cette capacité d’avoir le monde au bout de ses doigts en un seul endroit », résume Marshal Cohen, analyste au sein du cabinet de conseil NPD Group.

Animal à part dans le monde du commerce en ligne, Amazon est en passe de réussir dans la mode et le prêt-à-porter ce qu’il a réalisé pour les livres ou les films: devenir incontournable. « Les sites de marques ou les portails de distribution traditionnels ont une offre limitée, tandis que celle d’Amazon donne le tournis », insiste Marshal Cohen. « Cela donne le sentiment d’avoir plus de chances de trouver le produit que vous voulez », avec un éventail de tailles, de marques, de styles et de prix inégalé.

Pour lui, Amazon n’a pas vocation à s’imposer seulement dans le prêt-à-porter bon marché de masse, mais peut légitimement aspirer à une position significative dans la confection plus haut de gamme.

Dès juillet 2015, les analystes de Cowen voyaient le groupe devenir la première enseigne de vêtements aux Etats-Unis en 2017, devant les Wal-Mart ou Macy’s. Ils évoquent 27,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires l’an prochain et 52,0 milliards en 2020, rien qu’aux Etats-Unis. Plus internationales, les chaînes H&M ou Zara ont, malgré tout, également du souci à se faire.

Si l’expérience de la librairie physique inaugurée fin 2015 à Seattle se révélait concluante, Amazon pourrait même aller les chercher sur leur terrain, en ouvrant des magasins de prêt-à-porter, imagine Marshal Cohen.

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