Une viscose 100% verte made in Europe, le pari réussi de la marque belge Orta

Marion Schoutteten et Gauthier Prouvost de Orta
Marion Schoutteten et Gauthier Prouvost. © SDP

La marque belge Orta fait bouger les lignes de l’industrie de la mode. Dernier défi en date? Une viscose 100% européenne et verte. Focus sur ce pari réussi.

Derrière l’acronyme Orta, pour Objectif Responsable Tendance Abordable, se cache une marque lancée en 2017, par un couple de Belges d’adoption, Gauthier Prouvost et Marion Schoutteten. A lui la logistique et la technique, à elle la mode et le stylisme. A leur actif déjà: des dizaines de collections capsules aux accents bohèmes et décontractés, qui prouvent que l’industrie de la mode peut devenir propre. De quoi séduire leurs 180 000 abonnés sur Instagram.

«On a voulu mettre sur pied une marque 100% responsable tout en conservant un ADN mode, raconte Marion. On propose une production éthique et transparente à nos clients, avec une confection européenne. On est arrivé en 2017 sur un marché bouché. Le milieu de la mode étant ce qu’il est, avec une offre laissant peu de place à de nouveaux acteurs, on a fait le pari de miser sur de la grande qualité, éthique et à un prix accessible.»

Cette quête de la qualité se joue sur deux niveaux. D’abord celui des matières utilisées et des processus de fabrication choisis. «Toutes nos pièces sont labelisées GOTS, Oeko-Tex, FSC… Ce sont des labels sérieux qui garantissent notre engagement. Et puis, nos usines de production sont basées soit en France soit au Portugal. Elles offrent un savoir-faire exceptionnel», explique Gauthier.

Quant aux pièces elles-mêmes, l’attention est portée sur le détail. « On souhaite prendre le temps de faire les choses correctement, soutient Marion. Nos usines nous suivent depuis le début, elles ont grandi avec nous et nous avons un vrai échange avec elles pour mettre au point nos collections», poursuit le cofondateur. Ainsi, tous les mois, une nouvelle collection composée de 30 à 50 pièces est mise sur l’e-shop de la marque. «Au début, on fonctionnait par précommande mais tout était vite sold-out», se souvient le couple. Depuis, les quantités ont été triplées.

Une tenue de la collection de septembre d’Orta.
Une tenue de la collection de septembre d’Orta. © SDP

Tisser du sens

Dernier défi de la marque, le projet de la création d’une viscose 100% européenne vient de voir le jour. C’est lors de la première leucémie de Gauthier – depuis en rémission – que l’idée de laisser une trace durable et qui fait sens est née chez le cofondateur du label. L’envie de contribuer en quelque sorte à un monde meilleur. Avec énormément de temps devant lui – cette maladie implique un long isolement –, Gauthier se lance donc sur la route de la presque soie.

Un chemin parsemé d’embûches. «Cette matière a été inventée en Europe au XIXe siècle par un ingénieur français. L’idée était de trouver une alternative à la soie produite par les vers à soie d’Asie dont la production venait de chuter, explique l’entrepreneur. La viscose est une matière composée de deux fils créés à partir de fibre de bois. Le but était donc de mettre au point une chaîne de production 100% européenne pour ces deux fils.»

‘On a donc une viscose qui, à la place de voyager plus de 50 000 kilomètres, n’en parcourt plus que 5 000.’

Malheureusement, les savoir-faire semblaient avoir déserté le Vieux Continent… «On a fait des recherches et on s’est rendu compte que les acteurs, on les avait. Ils sont en Europe. Mais ils ne communiquaient pas entre eux. L’un faisait une étape puis envoyait son fil en Chine, pour que l’autre le fasse importer pour l’étape suivante…», raconte Gauthier. Ni une, ni deux, le Bruxellois d’adoption a donc rassemblé ce petit monde et commencé à tisser son fil, en créant du lien.

Ainsi, le bois est sourcé en Autriche ou en Suède et y est transformé en pulpe de bois, qui est elle-même transformée en fil: le premier – le fil de fibrane – est fabriqué au Portugal, le second – le fil de filament continu – vient d’Allemagne. Ces deux fils sont alors tissés en Espagne, puis stabilisés et imprimés en Italie. Enfin, le tissu obtenu est envoyé dans les ateliers de confection de la marque au Portugal ou en France. «On a donc une viscose qui, à la place de voyager plus de 50 000 kilomètres, n’en parcourt plus que 5 000. Et est vraiment 100% made in Europe et ultraclean», résume Gauthier.

Cependant, Gauthier et Marion sont unanimes: s’ils ont réussi à créer une viscose green, ils ne comptent pas la décliner à l’infini. «On ne souhaite pas lancer de collection en 100% viscose par exemple, expliquent-ils. Mais on veut petit à petit intégrer cette matière à nos vêtements et à nos créactions.»

L’usine au Portugal où Orta fabrique ses fils.
L’usine au Portugal où Orta fabrique ses fils. © SDP

Partager les idées

On ressent toutefois chez le couple l’envie d’aller un cran plus loin. L’exclusivité de cette viscose, la marque ne la souhaitait que pour six mois. Aucun brevet n’a été déposé. «On a beaucoup bossé sur ce projet et on aurait pu le garder pour nous. Mais ce n’est pas notre objectif. Notre but, c’est de faire bouger les lignes. Si on ne partage pas ça, jamais ça ne changera. Ce n’est qu’en incluant d’autres acteurs du milieu que ça pourra se faire.» Car si Orta a su le faire, à son échelle, qu’est-ce qui empêche les géants du secteur – souvent pires pollueurs – de suivre l’exemple?

Orta ouvre un pop-up à Anvers (dont l’adresse n’est pas encore révélée), du 17 au 21 octobre prochain. orta-store.com

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