La Callas reste unique dans l’art lyrique, 40 ans après sa mort

La Callas. © Isopix

La « divine », la « voix du siècle »: quarante ans après sa mort, Maria Callas brille toujours au firmament de l’opéra, comme l’attestent les parutions en cascade de disques et de livres et les deux grandes expositions que lui consacrent Paris et Milan pour cet anniversaire.

« Si la question est : y a-t-il une autre Callas? la réponse est non », tranche Tom Volf, réalisateur du film « Maria by Callas » (sortie le 13 décembre en France) de plusieurs livres et de la grande exposition qui ouvre à la Seine Musicale, le nouveau temple de la musique en région parisienne.

« Elle est unique », renchérit Stéphane Grant, producteur d’une série d’émissions, « L’été de la Callas », à France Musique et coordinateur d’une journée spéciale le 18 septembre. « On dit souvent que pour chanter La Traviata il faut trois voix dans une seule soprano, mais Callas, c’est mille voix dans une seule voix! »

Née Sophia Cecilia Anna Maria Kalogeropoulou à New York de parents grecs le 2 décembre 1923, la Callas débute à Athènes en 1939/40 avec « des rôles très lourds, comme Cavalleria rusticana, Tosca, qui nécessitent de la voix, de la projection, de la puissance », rappelle Stéphane Grant.

« Elle chante en Italie des opéras de Wagner, et puis dans le même temps à Florence +Les Puritains+ de Bellini qui est l’antithèse de Wagner, qui nécessite une voix élégiaque, et auquel elle apporte sa puissance. Après elle, personne n’a fait ça! C’est là que commence la révolution Callas. »

« Callas a changé la façon dont on interprète l’opéra », rappelle la soprano australienne Jessica Pratt, qui chante le 12 septembre un des rôles mythiques de Maria Callas, « Lucia di Lammermoor », au Théâtre des Champs Elysées à Paris. « Pour moi, comme pour beaucoup de jeunes chanteuses aujourd’hui, elle reste une source d’inspiration formidable ».

Si Maria Callas n’a pas d’héritières, elle laisse un héritage: elle a remis au goût du jour le bel canto italien (Bellini, Donizetti, Rossini) en alliant virtuosité et force d’expression.

« Elle a fait entendre une partie du répertoire qu’on entendait plus depuis près d’un siècle, à quelques exceptions près, parce qu’il était tombé en désuétude, ou parce que les interprètes étaient des coloratures, des sopranos aux voix légères, fruitées, dans les aigus, et qui n’avaient absolument pas la puissance dramatique qu’il faut aussi dans ces rôles », ajoute Stéphane Grant.

Tragédienne

« Callas, elle avait ça, plus le tempérament sur scène, de tragédienne, qu’elle apporte dans les rôles les plus stupides. Je pense à La Somnanbule de Bellini qui est sublime sur le plan musical mais qui est une histoire assez débile, elle en fait un opéra extraordinaire ».

Tragédienne, elle l’est aussi dans la vie. Sa séparation avec son mari Giovanni Battista Meneghini, dans l’espoir d’épouser son grand amour, l’armateur Aristote Onassis, qui lui préférera Jackie Kennedy alimentent le mythe.

L’exposition « Maria by Callas » à La Seine musicale regorge de films inédits, sur sa vie (un film en super 8 tourné sur le bateau d’Onassis par Grace Kelly) et sa musique. Tom Volf, tombé éperdument amoureux de la Callas à 28 ans à l’écoute de « Lucia di Lammermoor » a rencontré les proches de la cantatrice, dont son majordome et sa femme de chambre, et recueilli des archives inédites. L’exposition recèle deux heures de musique, une heure de vidéo, et montre le salon et la loge de la « divine ».

A la Scala, qui a vu ses plus grands triomphes, une soirée spéciale lui sera consacrée le 14 septembre, date d’ouverture de l’exposition « Maria Callas sur scène – Les années Scala ».

Warner Classics réédite un copieux coffret de 42 CD des enregistrements « live » de la diva, dont de nombreux enregistrements « sauvages » de fans à l’époque, après une première parution en 2014 des enregistrements de studio (69 CD).

« Quand on se plonge dans les +live+, c’est phénoménal! » lance Stéphane Grant. « Tout à coup, elle lâche un contre-mi ou un contre-ré, elle balance une note au-dessus du choeur, c’est ahurissant! »

Maria Callas en quelques moments clés

Retour sur quelques moments marquants de la vie de la « prima donna assoluta », relatés dans les archives de l’AFP.

Et Maria Kalogeropoulou devint La Callas

Le 2 août 1947, le rideau tombe sur le dernier acte de « La Gioconda » de Ponchielli dirigée par le chef Tullio Serafin dans les arènes de Vérone. L’ovation qui s’élève salue la naissance d’une étoile. Née le 2 décembre 1923 à New York, la jeune cantatrice a fait ses classes en Grèce et chante déjà depuis 8 ans lorsqu’elle rencontre en 1947 Gian-Battista Meneghini, un industriel passionné de bel canto de 28 ans son aîné qui devient son impresario et l’épouse en 1949.

En 1954, elle perd 30 kg et se mue en diva absolue, se produisant dans les plus grands opéras, sans ménager sa voix. « Depuis qu’elle a obligé l’opéra à se souvenir qu’il était aussi une manifestation théâtrale, les défilés de chanteurs ventripotents et de cantatrices rondelettes venant pousser leur air sur le devant de la scène ne sont plus acceptables », écrira l’AFP au moment de sa mort.

Le scandale de Rome

Le 2 janvier 1958, Maria Callas ouvre la saison de l’opéra de Rome, en présence du président de la République italienne. A la fin du premier acte de « Norma », elle affirme avoir perdu sa voix et refuse de poursuivre. La direction dénonce un caprice de l’ombrageuse diva, alors que quelques sifflets avaient jailli du +poulailler+ pendant un de ses airs.

Quelque instants plus tard, elle s’explique « avec volubilité » devant la presse: « A la fin du premier acte, je suis devenue aphone. Comme vous pouvez le constater, je ne peux plus parler ».

Le 16 janvier à Paris, c’est une diva « épuisée et fourbue » qu’un journaliste de l’AFP interroge dans l’ambiance morose d’un salon particulier chez Maxim’s: « J’ai beaucoup souffert le soir de Rome », lui confie-t-elle.

Onassis, le grand amour

En 1959, elle rencontre l’armateur grec Aristote Onassis et se sépare de Meneghini. Suivent neuf années d’un amour passionné.

« Tard dans la nuit, on pouvait le voir, avec la Callas, dans une taverne athénienne où, ayant ôté sa veste et dénoué sa cravate, il couvrait l’orchestre d’or et cassait, suivant l’usage grec, des piles d’assiette », racontera plus tard l’AFP. L’idylle prend fin en 1968, quand l’armateur épouse Jackie Kennedy.

Les adieux à l’opéra

En 1965, la diva fait ses adieux à l’opéra. Le 20 février, elle triomphe à Paris dans « Tosca ». Le journaliste de l’AFP témoigne de la ferveur du public pour la cantatrice « plus sensible que jamais, même si elle manque parfois d’ampleur ». « Dès qu’elle est apparue dans l’église du premier acte, en robe rose, couverte d’une vaste écharpe tango, les bras chargés de fleurs, les applaudissements furent tels qu’ils couvrirent la musique et que les premières répliques furent inaudibles », écrit-il.

Le 29 mai, elle fait un malaise à la fin du troisième acte. Le 5 juillet, « malgré les conseils de son médecin », elle monte une dernière fois sur scène à Londres devant Elizabeth II.

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ltime retour

En 1973, elle entame une ultime tournée internationale de récitals. A Paris, « les bouquets pleuvent sur la scène, accompagnant les ovations et les +Viva Maria+ », mais les critiques sont « moins enthousiastes ». « Si la technique, la musicalité de la voix ne sont pas en cause, les aigus sont jugés particulièrement pénibles », relate l’AFP.

Dernier soupir

Le 16 septembre 1977, Maria Callas meurt à son domicile parisien d’une crise cardiaque, à l’âge de 53 ans.

« Je viens de la voir sur son lit. C’était l’image même de La Traviata telle qu’elle l’a jouée en 1956 à la Scala de Milan. Son visage n’a pas une ride. Elle a l’air de se reposer », témoigne Michel Glotz, son ancien directeur artistique.

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