La nouvelle garde du cinéma européen se féminise

Justine Triet et ses acteurs sur Victoria : Vincent Lacoste, Virginie Efira et Melville Poupaud, à Cannes © EPA

Il n’a pas toujours été facile pour les réalisatrices de boucler un premier film. Mais à l’heure de la parité, le 7e Art leur offre plus d’opportunités et la nouvelle garde du cinéma européen se féminise.

Il n’a pas toujours été facile pour les réalisatrices de boucler un premier film. Mais à l’heure de la parité, le 7e Art leur offre plus d’opportunités et les premières oeuvres se conjuguent davantage au féminin.

La réalisatrice Katell Quillevéré
La réalisatrice Katell Quillevéré © DR

Une étude dévoilée au Festival de cinéma européen des Arcs, qui s’est achèvé samedi dans les Alpes françaises, montre que sur 6.138 films sortis dans 30 pays du continent entre 2012 et 2015, seul un sur cinq a été réalisé par une femme mais la majorité était une première oeuvre. « En France, toutes les figures émergentes, ou presque, sont des femmes », constate le producteur Jérémy Forni, citant la génération des Justine Triet, Katell Quillévéré ou encore Lucie Borleteau. (>>> Lire aussi En images: le nouveau cinéma français au féminin pluriel)

« Ça bouge: beaucoup plus de jeunes réalisatrices se lancent, parfois grâce au concours de productrices de la même génération qui choisissent de faire des films avec des femmes », abonde Frédéric Boyer, directeur artistique du festival des Arcs.

Pour nombre d’observateurs attachés à la question de la parité dans le cinéma, cette progression s’explique notamment par la mise en place, dans la plupart des pays, de politiques régulatrices – comme les quotas – ou incitatives pour réduire les disparités.

La plus singulière d’entre elles se déniche en Espagne, où le système de financement des films, reposant sur un barème de points, joue en la faveur des dossiers les plus féminisés.

Autre exemple: en Belgique, on pousse désormais davantage les jeunes femmes à opter pour la réalisation dans les écoles de cinéma, ou à participer à des stages de coaching sur mesure.

Tous les cinémas européens ne sont toutefois pas logés à la même enseigne. L’Italienne Laura Bispuri confie ainsi ses difficultés à financer Vergine giurata (Vierge sous serment), son premier film sorti en 2015, en raison du propos jugé « trop féministe » du scénario (pour échapper à la tutelle masculine, une Albanaise décide de rester vierge et vivre comme un homme). « Chez nous, on n’encourage pas assez les jeunes femmes dans les écoles. Elles disparaissent souvent aussi vite qu’elles arrivent », regrette-t-elle.

Faire tomber la barrière du genre

Parité dans les commissions, nomination de femmes à la tête de postes-clés, interdiction des quotas… La France jouit, à l’instar de l’Allemagne ou de la Slovaquie, d’un contexte culturel plus ouvert.

Salomé Richard et Swann Arlaud dans Baden Baden de Rachel Lang.
Salomé Richard et Swann Arlaud dans Baden Baden de Rachel Lang.© DR

La proportion de premiers films réalisés par des femmes y a favorablement évolué, bien que n’existe « aucune politique particulière de financement du cinéma féminin », souligne l’étude. « Les générations précédentes ont brisé pas mal de barrières et nous profitons de cette ouverture aujourd’hui », analyse la Française Rachel Lang qui a réalisé en 2016, à 32 ans, Baden Baden, son premier film. « J’ai été hyper protégée par un producteur. On s’est battu pour moi, cela prouve sans doute aussi qu’un changement s’opère. »

Mais pour l’Autrichienne Jessica Hausner, qui a débuté dans les années 1990 et a signé cinq longs métrages dont Amour Fou, en 2015, pousser la porte de la réalisation ne garantit pas d’être reconnue et de poursuivre sa carrière.

L’ancienne élève de l’académie de cinéma de Vienne, qui a fondé sa propre société de production, insiste sur l’importance de redéfinir des critères de « qualité » pour financer les films, comme « l’originalité », qui éviteraient les décisions « subjectives trop souvent défavorables aux femmes ».

« Faisons plus de films de genre et d’autres barrières vont tomber. Dans les studios, il y a encore ce mythe qu’un film d’action ne peut être réalisé que par un homme », renchérit Alanté Kavaïté, remarquée en 2015 pour Summer, son second long métrage.

Pour la Franco-Lituanienne, l’émergence d’une nouvelle vague de réalisatrices s’explique également par une « démystification de la technique ». « Il nous faut aussi essayer d’écrire différemment, en incluant plus de femmes. C’est comme toutes les discriminations: on a une part de responsabilité. Car aujourd’hui, plus rien n’empêche une femme de devenir réalisatrice ».

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