On a discuté écriture et confiance en soi avec Myriam Leroy

myriam leroy rencontre
© Laetitia Bica
Anne-Françoise Moyson

Myriam Leroy (43 ans) a fait de l’écriture sa nécessaire ossature. En hyperphage assumée, elle embrasse la chronique radiophonique, le roman, le documentaire, le podcast, les planches et le scénario, sans hiérarchie. Pour le théâtre, elle signe une comédie sur fond de thriller politique, Cellule de crise.

Le théâtre, c’est une aventure collective

Tout le monde est tendu vers un même but: faire le meilleur spectacle possible et que ce soit une fête quand on y parvient. Je n’avais jamais vécu ça avant, j’avais toujours écrit dans mon coin, rarement fait partie d’une équipe ou alors vraiment en électron libre… Clairement, cela a été une révélation. Et puis susciter le rire d’une salle sans devoir soi-même aller au front, laisser les comédiens le faire, s’asseoir à l’arrière d’une salle et sentir la clameur monter comme un vent chaud pour un truc qu’on a écrit, c’est tellement gratifiant.

Je suis hyperphage

Je lis, je vais au théâtre et au cinéma, vachement. Ma consommation de la culture est presque utilitaire, puisqu’il faut que je crée, j’y vais pour voir comment la saucisse est faite chez les autres. J’ai l’impression que les créations des autres me donnent des autorisations, des incitations et me montrent certaines voies possibles.

Je suis aussi hyperphage de l’actualité, malheureusement, parce que je ne pense pas que ça me nourrit toujours dans un bon sens. J’aimerais beaucoup vivre une vie très éloignée des contingences du monde, mais je n’y parviens pas. Et pour que ce ne soit pas tout à fait vain, je les recycle dans ce que j’écris. C’est aussi pour ça que je n’écris jamais sur l’amour. Non pas que ce ne soit pas un enjeu dans la vie, l’amour, l’amitié, c’est vraiment ce qui me sauve, mais ai-je quelque chose à raconter là-dessus? Je n’en ai pas l’impression.

L’écriture est parfois une terrible souffrance

J’ai écrit comme une forcenée tout l’été. Au péril de mes nuits et de ma vie sociale. Et à la fin, je me suis rendu compte que ça ne tenait pas, j’avais tiré sur un fil pensant dévider une pelote et finalement, il n’y avait rien… Quand je n’écris pas de roman, je trouve que la vie est très difficile. Il y a quelque chose qui me maintient à flot quand j’ai un projet sur le feu. Et là, c’est officiel, je n’en ai pas, c’est donc assez compliqué.

Il faut se défaire de la morsure du doute

J’ai eu une épiphanie lorsqu’un ami m’a dit: «Arrête de surjouer la partition de la femme qui n’est jamais sûre de rien et trouve que ce qu’elle fait est mauvais.» Il avait raison, je surjouais. Je me suis rendu compte que c’était une posture et que c’était un exemple que je n’avais plus envie de montrer aux autres femmes. Même si je ne suis pas très inspirée par des nanas qui surjouent le pouvoir, je pense que quand on se sent à sa place et qu’on fait les choses correctement, il faut arrêter de se draper dans une fausse modestie qui ressemble finalement à de la vanité.

‘On m’a souvent collé une image de grande gueule. En fait, je suis assez docile.’

Désormais, quand on me demande si j’ai confiance en moi, je dis oui. Quand on me demande si je m’aime bien, je dis oui. Évidemment, tout est plus complexe que ça… Et globalement, j’ai attrapé confiance en moi mais je pense que les raids de cyberharcèlement n’y sont pas tout à fait étrangers. Peut-être que si je n’avais pas vécu des trucs qui me confrontaient aussi violemment à des regards négatifs, je serais toujours en train de surjouer le doute.

«Arrête d’être un bon petit soldat.»

C’est ce que je dirais à l’adolescente que j’étais. On m’a souvent collé une image de grande gueule. En fait, je trouve que je suis assez docile comme meuf. Surtout dans les milieux professionnels où j’ai toujours eu peur de ne pas bosser et j’ai souvent dit oui à des trucs que je détestais. Et ça ne m’a servi absolument à rien, juste à m’enliser dans des niches dont je ne voulais pas.

Il y a deux ans, mon nom a été donné à la promotion des rhétos de Don Bosco, je suis leur marraine. C’est un costume un peu grand pour moi mais c’est hyper flatteur. J’ai dû alors faire un discours qui s’adressait à ces étudiants qui allaient prendre des trajectoires importantes dans leur existence. Je leur ai dit en substance: «Si ça ne vous plaît pas, si vous êtes mal à l’aise, si ça ne vous ressemble pas, refusez.» C’est ce qu’il me semble avoir appris du travail, et peut-être de la vie.

Je traque les punchlines

Parce je ne me trouve pas du tout en position de faire la leçon à qui que ce soit sur aucun sujet. J’ai cependant des certitudes: l’état du monde me désespère, c’en est une. Je suis une Cassandre, c’en est une autre − d’ailleurs mes potes se foutent de ma gueule, ils m’appellent «Mage Mimi». Autres certitudes: toutes les étiquettes qu’on m’a collées m’ont déplu, je ne me suis pas retrouvée dans une seule; l’injustice me fait péter les plombs et je suis loyale. Voilà, je ne serai pas gênée si je relis ceci dans dix ans.

Cellule de crise, du 16 octobre au 29 novembre, au Théâtre de la Toison d’Or, à Bruxelles.
ttotheatre.be

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