Portrait de Stéphanie Pécourt directrice des Halles Saint-Géry (à publier)

Stéphanie Pécourt © philippe cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Comment une (ex-)fan de Cure mouscronnoise revitalise les Halles Saint-Géry grâce à une programmation transversale qui entend rassembler les publics. Démonstration avec Nova XX, festival de création digitale féminine.

« Vous savez que moins de 20 % des créateurs des start-up – champ où l’homme, blanc et occidental, règne toujours en maître – sont actuellement des femmes ? Mais les premières à reproduire ces dysfonctionnements, c’est nous justement, par notre manque de capacité à exiger et à revendiquer l’égalité dans un système dominé par les comportements masculins. Cela ne veut pas dire que je m’inscris dans l’actuelle hystérie collective à la #balancetonporc, mais disons que les déterminismes sont encore présents.  » La discussion avec Stéphanie Pécourt démarre sur le sens du féminisme contemporain… Et pourquoi pas ? Même si la native de Mouscron – février 1979 – avoue s’être un jour évanouie, en pure groupie, alors que Robert Smith, le chanteur bariolé de rouge à lèvres de Cure, s’approchait d’elle. Quel rapport ? La gestion des émotions que la trentenaire, en robe verte et bottillons pimpants, retient d’une jeunesse mélangée et gothique. Membre d’une fratrie de neuf enfants, la jeune femme cumule des racines belges, hexagonales et algériennes. Son père, parisien, a bénéficié d’une ascension sociale via une usine de Comines, France, liée à notre spéculoos national. Sa maman, Christiane Vienne, femme politique PS et ministre wallonne de la Santé entre 2004 et 2007, complète ce tableau d’un milieu qui a soif d’ouverture.

Parler du patrimoine, ce n’est pas être régionaliste mais être une agora.

Diplômée d’un master en sociologie de l’ULB et d’un autre en crimino à l’UCL, la Bruxelloise d’adoption s’avoue  » allergique aux dogmes et aux corporations « .Tendance anar plutôt que Di Rupo, fan de l’auteur de science-fiction Philip K. Dick et du groupe Cure, mariée à 21 ans et assez vite divorcée…  » J’ai été gothique jusqu’à l’âge de 22 ans à peu près, sourit-elle. J’étais fanatique de poésie et vouais un culte immodéré à Baudelaire et à la littérature allemande à la Hölderlin, trimballant une mélancolie profonde et un comportement assez radical. D’ailleurs, je n’ai pas abandonné l’amour du genre fictionnel, celui d’un Lewis Carroll : si rien n’a de sens, tout est donc permis.  »

A l’automne 2016, Stéphanie Pécourt est embauchée comme directrice des Halles Saint-Géry, ancienne institution maraîchère bruxelloise de la fin du xixe siècle. Après une décennie comme responsable de l’Agence Wallonie-Bruxelles, secteur théâtre et danse, et l’expérience plus underground du Belgian Artistic District – squat géant culturel près du canal -, la voilà au coeur d’une capitale 2.0. Le lieu appartient à la Région depuis 1999 et la jeune femme y insuffle une approche personnelle.  » Il faut qu’on soit ambassadeur du patrimoine et de ce qui distingue Bruxelles : cela passe aussi par une vision hybride dans les propositions culturelles. Parler du patrimoine, ce n’est pas être régionaliste mais être une agora, un des seuls endroits de la ville ouvert sept jours sur sept et entièrement gratuit, sur trois niveaux. Un touriste va pouvoir y côtoyer un étudiant en art ou en audiovisuel : les Halles sont une sorte d’îlot utopique avec une polymorphie d’offres.  » Un vent alternatif caresse donc la vieille structure modernisée, à deux minutes du critiqué piétonnier bruxellois : cinq permanents, Stéphanie comprise, font tourner les missions  » élastiques « , brassant des parfums d’avant-garde, un regard urbain – l’actuelle expo consacrée à la forêt de Soignes -comme la réalité des ados de l’athénée voisin, Léon Lepage.  » Avec eux et d’autres, on pose la question de la diversité, explique-t-elle. On propose le champ des possibles, dans une version ouverte aux contre-courants, voire à l’iconoclaste, et certainement à la transversalité.  » C’est aussi l’esprit de Nova XX, festival qui, ce mois-ci, ouvre les Halles Saint-Géry aux créatrices d’art digital, montrant  » l’innovation scientifique, technologique et numérique en mode féminin, à l’aube de la quatrième révolution industrielle « . De quoi plaire à Marie Curie – que Stéphanie cite – comme à ses descendantes.

Nova XX, Halles Saint-Géry, à 1000 Bruxelles, hallessaintgery.be Du 9 au 30 décembre.

BIO EXPRESS

Février 1979. Naissance à Mouscron.

1998. Déménage à Bruxelles.

2004. Prend la direction de l’Agence Wallonie-Bruxelles, secteur Théâtre-Danse.

2014. Crée le Belgian Artistic District, squat culturel près du canal bruxellois.

2016. Devient directrice des Halles Saint-Géry.

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