Qui dit «Ancien Régime» ne pense pas immédiatement à Kate Moss, Rihanna ou Chanel. Pourtant, toutes partagent une fascination pour l’it girl originelle: Marie-Antoinette, mise à l’honneur dans une expo à Londres.
En septembre, le V&A de Londres inaugure une exposition consacrée à la plus célèbre des reines de France. Car Marie-Antoinette n’en finit pas d’intriguer.
Sa vie se lit comme un véritable drame: la plus importante révolution de l’histoire française, matinée d’une dose de glamour, de royauté, d’extravagance et de scandales, sert de toile de fond à une jeune femme incomprise. Bridgerton (ou Emily in Paris) mais «pour de vrai». Mais ce que nous savons d’elle provient en grande partie des fake news qui l’ont conduite à la guillotine, à commencer par sa prodigalité (300 robes par an, qui dit mieux?).
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Sauf que comme souvent dans les tragédies, l’Autrichienne avait simplement mal commencé sa vie. Sa mère, la célèbre Marie-Thérèse, l’avait mariée à 14 ans pour renforcer les liens avec la France. Une fois à la cour, l’adolescente se heurte à la xénophobie, à une étiquette rigide et aux intrigues – et attendre huit ans avant d’avoir son premier enfant n’arrange rien.
La calomnie prend une tournure misogyne et est acceptée comme vérité par le peuple, attisée par une presse à scandale qui l’accuse d’adultère, d’homosexualité et même de pédophilie.
Quand la monarchie s’effondre, Louis XVI est jugé pour trahison politique. Marie-Antoinette, elle, est condamnée plus tard, durant la Terreur de Robespierre qui – fidèle à la pensée des Lumières de Jean-Jacques Rousseau – prônait des rôles traditionnels pour les femmes. Or son image ne correspondait pas à celle d’une «femme vertueuse».
Son exécution devait servir d’exemple, mais ne fit que la rendre plus célèbre.
Cottagecore
Et immortelle, puisque Marie-Antoinette est devenue une figure mythique.
Tantôt icône féministe, tantôt «Madame Dette», responsable toute trouvée des problèmes financiers de la France, son visage véritable s’est perdu dans l’oubli, tout comme nombre de ses possessions, détruites en tant que reliques de l’Ancien Régime. Sur le plan du style et de la mode, elle a cependant laissé un immense héritage.
Elle fut la seule reine à imposer sa marque sur l’intérieur du palais, et ce que nous appelons le style Louis XVI aurait tout aussi bien pu s’appeler le style Marie-Antoinette.
En 1774, son mari lui offrit le Petit Trianon, qu’elle transforma complètement en vitrine de son goût personnel, mais également en reflet de son époque. À l’heure des Lumières, le néoclassicisme rationnel, inspiré par la simplicité et l’harmonie de l’Antiquité, gagne en importance grâce aux fouilles de Pompéi, et cela transparaît dans les meubles typiques Louis XVI ou les boiseries décorées qu’elle fit installer.
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Mais on peut y voir aussi poindre une touche romantique, influencée par – encore lui – la vision idéalisée de la nature chez Rousseau. Il était alors très en vogue d’imiter la vie champêtre de l’aristocratie anglaise, façon cottagecore version 1777, entre jardins à l’anglaise avec prairies vallonnées, ruisseaux sinueux et même un village pittoresque (le Hameau de la Reine) autour d’un lac idyllique.
Perruques fruitées
Et si Marie-Antoinette aimait l’art et la musique, sa plus grande passion restait la mode. Sa styliste personnelle, Rose Bertin, fut la première couturière française digne de ce nom et, grâce à sa réputation, elle habilla également d’autres cours européennes. La mode devint alors un art.
Avec le coiffeur Léonard Autié, Bertin fut l’esprit derrière la coiffure alambiquée qui atteignit des sommets en 1774.
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Sur une pièce montée poudrée, on plaçait une nature morte, en accord avec une humeur ou un événement particulier.
Pour ses fastueuses robes, Marie-Antoinette préférait des modèles plus légers, confortables et offrant davantage de liberté de mouvement.
Elle encouragea la robe à l’anglaise, plus simple et élégante que la lourde et superposée robe à la française. Les tons sobres laissèrent place à des pastels audacieux. La reine fut également peinte par son portraitiste officiel, Élisabeth Vigée Le Brun, dans une nouvelle coupe, la chemise à la reine. Cette robe ample en mousseline blanche devint une tendance majeure et marqua le rejet de l’opulence de l’Ancien Régime, dont Marie-Antoinette devint paradoxalement le symbole.
Son style fit rupture à la cour et bien au-delà, et sous son règne, Paris s’imposa comme capitale mondiale de la mode.
Un style intemporel
Dès le règne de l’impératrice Eugénie (1853), Marie-Antoinette fut réhabilitée, et le style French Revival domina pendant plus d’un demi-siècle l’architecture aux États-Unis et au Royaume-Uni. Durant la période Art déco, elle demeura également une référence, tant dans les arts que dans les créations de Jeanne Lanvin. Aujourd’hui encore, son lien avec la mode perdure grâce à des créateurs comme John Galliano, Vivienne Westwood et Jean Paul Gaultier, et des maisons comme Louis Vuitton, Chanel ou Moschino.
En juin dernier, Jonathan Anderson se rendit au Hameau pour tourner les bandes-annonces de son premier défilé Dior. Et les stars contemporaines continuent de lui rendre hommage, de Madonna aux MTV Video Music Awards de 1990 à Kate Moss et Rihanna en couvertures de magazines.
Plus récemment, Kylie Jenner (Harper’s Bazaar, mars 2020) et Taylor Swift (dans le clip de Bejeweled, 2022) l’ont imitée.
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Et lors de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de 2024 à Paris, le groupe de heavy metal français Gojira fit rouler (virtuellement) sa tête à la Conciergerie, où elle fut emprisonnée. Une ambivalence vécue par la réalisatrice Sofia Coppola lorsque son film Marie Antoinette (2006) fut hué par le public français au Festival de Cannes. Dans une interview à The Observer, elle répliqua alors avec désinvolture que «c’est très français. Je pense qu’elle reste encore aujourd’hui un sujet sensible».
Et d’ajouter dans Vogue qu’on «vous considère comme superficiel et stupide si vous vous intéressez à la mode. Mais je pense qu’on peut être profond et tout de même attiré par la frivolité. Je trouve que Marie-Antoinette était une personne très créative».
Et si vous en doutez, l’exposition que lui consacre le V&A devrait vous en convaincre.
Marie Antoinette Style, du 20 septembre 2025 au 22 mars 2026, vam.ac.uk/exhibitions/marie-antoinette