Rencontre avec Diane Venet, collectionneuse de bijoux d’artistes
La journaliste Diane Venet collectionne les bijoux d’artiste. Sa première pièce est une alliance, créée par son mari le sculpteur Bernar Venet, en enroulant un fil d’argent autour de son doigt. Elle possède aujourd’hui plus de 200 pièces, certaines signées Dali, Vasarely ou Kapoor. A découvrir à Bruxelles à la Villa Empain jusqu’au 14 mai 2023.
Une collection est faite pour être montrée.
Les œuvres qui sont mises dans des coffres m’attristent. Si j’expose ma collection de bijoux aujourd’hui, ce n’est pas pour satisfaire mon ego. J’aime partager. Même si par moments j’apprécie la solitude pour «calmer la bouilloire», j’ai besoin d’échanges. Mes parents étaient des grands bourgeois et des collectionneurs d’art. Toute la 4e République a défilé chez eux. Je me rends compte que je n’ai pas assez parlé avec eux de tout ce qu’ils avaient connu, tout ce qu’ils avaient vu car j’étais concentrée sur ma vie à moi.
On ne peut pas aimer sans admiration.
Je me souviens du premier voyage que j’ai fait avec Bernar. Il allait donner une conférence à Anvers. Sur la route, alors qu’il conduisait, j’ai eu une leçon d’histoire de l’art absolument formidable. J’ai pris des notes (que j’ai toujours gardées) sur ce qu’était l’art minimal et l’art conceptuel auxquels je ne connaissais rien. Il m’a beaucoup appris.
L’intensité est la chose qui me fascine le plus chez les gens.
Avec mon premier mari, le père de mes enfants, j’ai fait des rencontres exceptionnelles au début des années 80. A l’époque, il avait une maison de campagne à côté de Paris, à Saint-Loup, où l’on recevait une fois par mois le Président Mitterrand. On lui soumettait une liste de gens qu’il avait envie de rencontrer, cela allait de Françoise Sagan à Catherine Deneuve. On n’était jamais plus que huit. Le jour où j’ai eu le philosophe Emil Cioran à ma gauche et François Mitterrand à ma droite, je n’en menais pas large. Je comptais les points. Je me sentais comme une petite souris.
‘La curiosité, c’est un antidote à l’ennui. ‘
L’expérience du monde est importante.
Il faut ouvrir les yeux. Pour rencontrer des gens, pour apprendre à juger en ayant vu et sans a priori. Mon père a été le premier Français diplômé de Harvard, en 1920. Il était trop jeune pour partir à la guerre de 14. Son père l’a envoyé à 17 ans aux Etats-Unis par bateau, pour faire ce qu’il appelait dans une lettre qu’il lui avait adressée «l’expérience américaine». Cela a été pour lui un enseignement extraordinaire. La curiosité, c’est un antidote à l’ennui. Je suis devenue journaliste pour voir un autre monde. Jamais je n’aurais pu épouser un banquier.
Ce qui est passé est passé.
Je ne suis pas quelqu’un de mélancolique. Ceux qui sont partis sont toujours présents en moi. Je ne crois pas avoir peur de la mort. Cette collection de bijoux que je poursuis, cela fait partie du désir d’aller de l’avant. J’ai encore envie d’apprendre, d’écouter, de découvrir. Quand il n’y a plus d’envie, c’est la mort.
On a tous un lieu secret.
J’aime l’île de Paros à la folie. Je l’ai connue il y a quinze ans grâce à un ami. Hors saison, j’y retrouve mes amis grecs qui ne sont plus débordés par les touristes. Mon père était un voileux, comme on dit. Il s’était fait construire, juste après la Seconde Guerre mondiale, un bateau à voile en Angleterre. Et depuis l’âge de 9 ans, jusqu’à ce que mon papa vende son bateau parce qu’il avait vieilli, j’ai navigué en Méditerranée. J’ai des souvenirs précis de croisières dans les Cyclades où j’étais à la barre à ses côtés. On passait entre toutes ces îles et les rochers. Il me disait: «Lequel de ces rochers veux-tu? Celui-là? Je te l’offre». Paros, c’est ma madeleine.
A 20 ans, on ne peut pas être de droite.
On ne peut qu’être de gauche même si vous avez été une enfant gâtée! En mai 68, j’étais une jeune journaliste qui travaillait à la radio, pour RTL. Comme le gouvernement avait coupé les fréquences des radiotéléphones des voitures de reportages, on montait chez les gens et avec deux petites pinces, on se branchait sur leur téléphone pour assurer le direct à l’antenne. On commentait l’avancée de la police depuis les balcons des immeubles. Je suis de la génération bénie des «Trente Glorieuses». On refaisait le monde jusque 4 heures du matin chez les uns et les autres. Cela a beaucoup changé. On ne se rendait pas compte. On avait la liberté, on avait tout mais on l’ignorait.
Ornamentum, Fondation Boghossian, 67, avenue Franklin Roosevelt, à 1050 Bruxelles. villaempain.com. Jusqu’au 14 mai 2023.
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