10 livres de (non-)fiction chaudement recommandés par la rédaction
Quand on aime jongler avec les mots, on apprécie autant de les écrire que de les lire. Mordus de papier et de trames bien ficelées, nos journalistes partagent avec vous les livres récemment lus et adorés.
Parce qu’au fond, il n’y a rien de plus agréable que de déjà préparer sa (ou ses, on voit vos piles à livres qui débordent) prochaine lecture alors même qu’on a toujours le nez en plein livre. Fans de fiction, de non-fiction, de romance de policier ou d’évasion: cette sélection de livres compilée par la rédaction devrait vous plaire.
Les nuits que l’on choisit, par Elise Costa, Marchialy
L’histoire: Tous les chroniqueurs judiciaires se sont déjà vu poser cette question : « Comment fais-tu pour dormir la nuit ? » Ce livre est la réponse de l’une d’entre eux, Élise Costa, qui s’attarde sur les détails et explore les rouages d’une justice aussi implacable que fascinante. Mais alors, avec la nuit vient le doute.
Pourquoi on aime: S’il est tout à fait compréhensible d’avoir des auteurs fétiches, dont on attend chaque nouvel ouvrage avec impatience, cette anticipation admirative est aussi d’application pour les maisons d’édition. En l’occurrence, Marchialy, dont chaque nouvelle parution est comme une fenêtre vers un univers fascinant et inconnu, et la promesse de tourner chaque page en se sentant un peu plus érudit. Et passionné, aussi, car cette jeune maison d’édition française « raconte le réel », et ses livres de non-fiction se lisent comme des romans drôlement bien ficelés.
À l’image de ces Nuits que l’on choisit, donc, plongée vertigineuse dans l’univers des chroniqueurs judiciaires. Sillonnant les palais de justice à travers la France, la journaliste Élise Costa, créatrice du podcast Fenêtre sur cour, suit les affaires criminelles les plus médiatiques de France. Et livre en 216 pages une approche des coulisses des faits divers, qui questionne notre fascination collective pour le true crime mais est aussi et surtout un passionnant portrait de femme. Une parution réussie de plus pour Marchialy, où l’on pioche allègrement parmi les titres pour se constituer une bibliothèque atypique et maline. Si d’aventure, vous deviez rester sur votre faim après les nuits d’Elise, Le Faussaire de Salt Lake City est un bijou, tout comme Le voleur de plumes.
Hope, par Andrew Ridker, Editions de l’Olivier
L’histoire: « Les Greenspan mènent une vie agréable dans une banlieue de Boston. Le père, Scott, est un cardiologue renommé ; Deb, sa femme, joue un rôle primordial dans la communauté du quartier en accueillant les nouveaux voisins et en aidant des réfugiés ; la fille, Maya, travaille dans une maison d’édition réputée à New York et le fils, Gideon, s’apprête à marcher sur les pas de son père… Mais tout va s’effondrer en quelques jours ».
Pourquoi on aime: Cette satire de la famille parfaite et d’une certaine idée de l’Amérique est un pied de nez à la croyance selon laquelle on ne peut pas juger un livre à sa couverture. Celle-ci, en l’occurrence, est nostalgique, follement cinématographique, tendre et un peu loufoque, et c’est pile ce qui se dégage des pages de ce roman intelligent aux dialogues écrits au couteau. Si vous avez aimé Les Altruistes, le précédent ouvrage d’Andrew Ridker, vous allez adorer Hope. Et si vous ne l’aviez pas encore lu, la bonne nouvelle, c’est que vous avez deux nouveaux livres à ajouter à votre pile à lire.
Le Grand Magasin des Rêves, par Mi-ye Lee, Editions Picquier
L’histoire: Il existe une ville où l’on ne peut se rendre que dans son sommeil. L’endroit le plus populaire de cette ville est le Grand Magasin des Rêves, qui semble un immense paquebot tout miroitant de lumières et haut de quatre étages où l’on propose et vend tous les rêves imaginables : rêves d’enfance, de voyage, de nourriture délicieuse, mais aussi cauchemars, songes prémonitoires ou consolateurs… Un endroit fantastique que l’on découvre avec la jeune Penny, engagée comme réceptionniste au rez-de-chaussée.
Pourquoi on aime: Quel que soit le genre qu’on privilègie, on lit parce que ça procure un moment d’évasion. Au gré des pages, on peut passer des plaines arides de l’Ouest américain aux cimes enneigées des Alpes, à moins de préférer laisser son esprit voguer vers des contrées imaginaires. Grâce au Grand Magasin des Rêves, on oscille entre le fantastique et le réel, la promesse de pouvoir choisir ses rêves semblant à la fois illusoire et pas si lointaine, si l’on a tendance à croire au scénario du futur déroulé par la série Black Mirror.
S’immerger dans l’univers créé avec minutie par Mi-ye Lee est grisant à souhait, et le livre réussit le pari de transcender préférences de style et tranches d’âge pour plaire à un grand panel de lecteurs. Décrit par sa maison d’édition française comme » un roman pétillant comme un diabolo menthe pour les adultes qui ont gardé le goût de l’enfance », le livre de l’autrice coréenne lue par plus d’un million de paires d’yeux dans son pays natal parvient à titiller la fibre nostalgique de chaque grand enfant d’une manière qui fait attendre son prochain roman avec impatience.
Reykjavik, par Ragnar Jonasson et Katrin Jakobsdottir, La Martinière
L’histoire: C’est le récit de « la plus grande affaire non résolue d’Islande », nous promet la quatrième de couverture. A savoir la disparition, en 1956, d’une jeune fille de 15 ans sur une petite île située au large de Reykjavik. Trente ans plus tard, alors que la capitale s’apprête à fêter son 200e anniversaire, une journaliste décide de remonter aux sources de l’enquête, convaincue que certaines pistes n’ont pas été fouillées.
Pourquoi on aime: Parce que ce polar nordique est cosigné par l’une des figures du genre, alias Ragnar Jonasson, qui a récemment rédigé le captivant Dix âmes, pas plus. L’ambiance s’annonce glaciale, tandis que l’intrigue nous plonge dans une Islande des années 80 en pleine mutation sociale et… politique. Justement : l’histoire a été coécrite par une certaine Katrin Jakobsdottir, qui n’est autre que la… Première ministre d’Islande. Férue de littérature et d’énigmes à dormir debout, celle-ci n’avait évidemment pas le droit de décevoir ses (é)lecteurs. Le roman parfait pour quelques longues soirées au coin du feu.
Veiller sur elle, par Jean-Baptiste Andrea, L’Iconoclaste
L’histoire: La vie de Mimo ne commence pas sous les meilleurs auspices. Atteint de nanisme et vivant dans une famille sans le sou, il est envoyé chez un aïeul pour parfaire ses talents de sculpteur. Mais l’homme est peu scrupuleux et ne prend pas la mesure de l’or qu’a l’artiste dans les mains. De son côté, Viola, une grande héritière, vit dans un palais génois et se voit promise à un destin étriqué, calibré par la société patriarcale de l’époque. Leur rencontre fortuite va déclencher quelque chose d’indéfectible entre eux. Ils seront emportés dans un flot d’aventures qui tantôt les éloigneront, tantôt les rapprocheront. Tout cela sur fond de montée fasciste en Italie.
Pourquoi on aime: Les avis divergent sur ce livre fleuve romanesque qui a été primé par le Goncourt cette année. Préférant se faire une idée par nous-mêmes, nous n’avons pas hésité à en faire une de nos lectures hivernales, ce bouquin se lisant lentement, pour en comprendre les méandres et s’imprégner des personnages, des lieux, de l’époque. Pas vraiment une lecture d’avant-garde, mais une belle histoire pour se faire du bien quand il fait froid dehors et qu’on ressent l’envie irrépressible de se blottir sous un plaid.
Les Dragons, par Jérôme Colin, Allary Editions
L’histoire: Jérôme, 15 ans, est un ado en colère sur ses parents et contre le monde qui l’entoure. Sur une décision de justice il est interné en centre psychiatrique pour jeunes. Il va découvrir la vie d’autres « dragons », leurs colères, leurs angoisses, leurs histoires de vie à l’école ou en famille. Il va tomber sous le charme de Colette qui veut mourir. Il veut la sauver… l’aider à trouver sa place. Grâce au livre Des souris et des hommes de John Steinbeck ils vont faire un chemin ensemble.
Pourquoi on aime: Nous avons aimé la démarche de Jérôme Colin d’être allé sur le terrain, de faire connaissance avec tous ces jeunes en souffrance, de nous livrer la vision de leur monde. Roman poignant et tellement réalise.
La danseuse, par Patrick Modiano, Gallimard
L’histoire: De cette danseuse qui a traversé un instant la vie du narrateur, on ne connaîtra jamais le nom, ni l’âge. Ni même les circonstances qui les ont un jour mis en présence puis séparés. Il était là pour elle et pour son fils Pierre. Etaient-ils amis ou amants? Peu importe. Ce que Modiano raconte ici, c’est la possibilité pour un souvenir de se rappeler à vous, au moment où on l’attend le moins. L’importance des rencontres aussi, avec un art – la danse ou l’écriture -, avec un être qui changent à jamais le cours de l’existence.
Pourquoi on aime: L’écriture fluide sans un mot inutile qui convoque comme par magie le Paris – celui, perdu, d’hier et celui d’aujourd’hui – si cher à Patrick Modiano. On n’a qu’un seul regret : que le livre soit si court, c’est peut-être sa force d’ailleurs, tant l’histoire en suspens qu’il nous conte se plaît à nous accompagner encore, une fois la dernière page tournée.
Le café où vivent les souvenirs, par Toshikazu Kawaguchi, Albin Michel
L’histoire: Sur l’île d’Hokkaido, au nord du Japon, le café Dona Dona offre une vue imprenable sur le port de la ville. Mais ce n’est pas pour cela que l’on s’y presse. Comme au Funiculi Funicula, à Tokyo, dont il est la succursale, les clients viennent ici pour voyager dans le passé, le temps d’une tasse de café. Les quatre protagonistes que l’on croise au fil des pages ont tous en commun d’avoir perdu un être cher. Le revoir sans que cela ne change le présent – c’est une des conditions de l’expérience – les aidera-t-il à surmonter le deuil qui les frappe?
Pourquoi on aime: Quoi de mieux pour se blottir sous un plaid au coin du feu qu’un roman feel good, tendre mais pas niais où il est avant tout question d’amour, de pardon et de reconnaissance face aux petits bonheurs de la vie? Chaque chapitre du troisième opus de la saga Le café du temps retrouvé vous conte une histoire singulière. Même si elles se mêlent parfois et se complètent, nul besoin d’avoir lu les autres volumes pour se plonger avec délice dans ce récit fantastique. Tout ce que vous risquez c’est de vous jeter, une fois la dernière page tournée, sur les deux premiers tomes.
Rouge Western, par Isabelle Wéry, Au Diable Vauvert
L’histoire: Dans l’Espagne profonde, dans cette Andalousie aride et torride, Vanina prend quelques jours de vacances à la Ferme du Poisson. L’héroïne a la particularité d’avoir 1000 ans et « à bien des âges de sa vie », eu peur de son corps, « de cette bonne vieille trouille qui vous agrippe les tripes et vous pique et vous nique. J’ai eu peur dans toutes mes cours de récré pour mes seins naissants, pour mes fesses, mes culottes, mon sexe, peur des moqueries, des attouchements, de la violence. Et peur en famille aussi. » L’envers du décor est planté. Dans ce Far-West « chorizo », dans ce Rouge Western, la vieille dame fantasque croise Le Chat, Le Chien, La Fille Girafe, des histoires de famille, des arnaques grandeur nature et ses souvenirs traumatiques.
Pourquoi on aime: Parce que l’autrice, également actrice et metteuse en scène, ose le déferlement inventif, le langage pris à bras le corps, les torrents d’étrange et les jeux de langage et de narration jubilatoires. Parce que, en 24 chapitres qui laissent haletant.e, Isabelle Wéry galope de phrase en fable, d’idée en image sans craindre l’humour et l’ailleurs déjanté. Et enfin, parce que peu avare de sa créativité, la belge autrice nous propose une expérience vivifiante, IRL, avec un Rouge Western performé en 2024 au Festival International de La Littérature à Montréal sous forme de « sieste sonore
Western, par Maria Pourchet, Stock
L’histoire. Un comédien, Alexis Zagner, surnommé « la gueule du siècle », fuit Paris et le Dom Juan qu’il s’apprêtait à incarner sur scène, en proie à l’intuition animale que le cataclysme n’est pas loin de s’abattre sur lui. A la manière d’un cow-boy qui pousse toujours plus à l’Ouest, il frappe un soir à la porte d’Aurore, essorée par la vie et réfugiée avec son fils dans cette vieille demeure paysanne au creux d’un causse du Quercy. « J’entends par Western un endroit de l’existence où l’on va jouer sa vie sur une décision », prévient l’autrice qui veut laisser une chance à l’amour et au couple, un homme et une femme, la somme de leurs échecs.
Pourquoi on aime. Non pas parce que Western a reçu le Prix de Flore 2023 mais parce que Maria Pourchet s’empare du post-romantisme dans un grand galop et décortique finement les sentiments, les sensations, les vibrations. Et parce que son écriture inventive, musicale, est faite d’arrêts sur image et de fulgurances, dans un roman à trois voix qui se demandent sans fards, très humainement, parfois grandioses, parfois si lâches et si petites, comment aimer après #MeToo.
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