Serena Williams fait la promo d’un médicament amaigrissant: « Qu’un modèle pour beaucoup fasse de la publicité pour cela est préoccupant »

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© Getty images
Lotte Philipsen

La légende du tennis Serena Williams est le nouveau visage d’une campagne pour un médicament amaigrissant… Au grand désespoir de certains pros du sport, de la nutrition et de la santé mentale.

L’icône du tennis de 43 ans, Serena Williams, collabore pour ce projet avec l’entreprise américaine Ro. La joueuse affirme vouloir briser les tabous autour de la perte de poids après une grossesse, mais la campagne soulève également des questions sur la transparence, la santé et les intérêts commerciaux. La psychologue et coach sportive Gudrun Hespel juge ce type de publicité sur les réseaux sociaux choquante.

Un corps qui ne réagit plus de la même manière

Pendant des années, Serena Williams a été l’incarnation même de la force physique et de l’endurance. Pourtant, après la naissance de ses filles Olympia (2017) et Adira (2023), elle a constaté que son corps ne réagissait plus comme avant. Dans un entretien accordé à Vogue, elle raconte : « Je faisais tout correctement : je m’entraînais intensivement, je mangeais sainement, je prenais soin de mon corps. Mais il ne réagissait tout simplement plus comme j’en avais l’habitude. »

Elle renvoie à une scène de son documentaire sur HBO, où son entraîneur lui dit qu’elle doit perdre du poids. « C’était tellement difficile après la naissance d’Olympia. J’étais littéralement sur le court de tennis chaque jour, je ne faisais rien d’autre, mais mon corps ne suivait pas. J’avais toujours été l’athlète ultime, toujours en compétition, toujours en bonne santé. Et pourtant, je n’arrivais pas à revenir au niveau où je devais être, quoi que je fasse. »

Après la naissance de sa deuxième fille Adira en 2023, ce sentiment s’est encore renforcé. C’est alors qu’elle a entendu parler des médicaments GLP-1 et a décidé qu’il était temps d’emprunter une autre voie, en ayant recours à ce traitement.

Juste un petit coup de pouce

Williams insiste sur le fait qu’il ne s’agissait pas pour elle de paresse, mais d’un geste de soin envers elle-même : « Les gens perçoivent souvent cela comme la solution de facilité, mais ce n’est pas le cas. Je n’ai pas travaillé moins dur — cela m’a simplement donné un coup de pouce supplémentaire. »

Pour Williams, il était surtout important de parler ouvertement de son choix. « La perte de poids à l’aide de médicaments reste entourée de nombreux tabous », dit-elle. « Je veux que les gens sachent ce que j’ai fait, car tant de femmes luttent avec leur corps après une grossesse. »

Les effets secondaires des médicaments amaigrissants

Les produits auxquels Williams associe son image — notamment Wegovy et Zepbound — appartiennent à la classe des agonistes du GLP-1. Initialement développés pour traiter le diabète de type 2, ils sont de plus en plus utilisés pour favoriser la perte de poids. Les études cliniques montrent que les utilisateurs perdent en moyenne 10 à 15% de leur poids corporel en quelques mois.

« Promouvoir ce médicament comme un moyen de maigrir après une grossesse, c’est aller trop loin. »

Cette efficacité explique en partie l’engouement, mais les experts alertent aussi sur les risques potentiels. Les effets secondaires les plus fréquents sont les nausées, les troubles gastro-intestinaux et, en cas d’usage prolongé, la perte de masse musculaire. Des cas de chute de cheveux ont été rapportés, et — plus rarement — des pancréatites. Ces avertissements sont peu présents dans la campagne, ce qui rend le débat sur la responsabilité et le marketing de célébrités d’autant plus pertinent.

Psychologue, coach sportive et autrice belge, Gudrun Hespel se dit choquée par cette campagne : « Qu’un modèle comme Serena Williams fasse la promotion d’un tel produit me paraît absurde. Je ne suis pas totalement opposée à l’utilisation de ce type de médication. Pour des personnes qui luttent depuis des années contre l’obésité ou qui présentent un prédiabète, des traitements comme Ozempic ou Wegovy peuvent être un bon coup de pouce. Mais cela doit se faire sous la supervision d’un médecin et d’un diététicien. Promouvoir ce médicament comme un moyen de maigrir après une grossesse, c’est aller trop loin. »

Et d’ajouter: « Certaines de mes clientes en personal training se voient prescrire ce type de traitement par leur médecin. Cela concerne des personnes qui souffrent depuis longtemps de surpoids. Parfois cela se passe bien, mais il y a aussi des effets secondaires à ne pas négliger. »

Entre inspiration et contradictions

Avec cette collaboration, Williams dit vouloir inspirer les femmes et ouvrir un débat sur les transformations corporelles post-partum. En 2023, elle a donné naissance à son deuxième enfant. « C’était il y a peu de temps », souligne Hespel. « Il est normal que le corps ait besoin de temps pour récupérer après une grossesse. Et l’objectif ne devrait pas être de retrouver sa taille d’avant. Les corps des femmes évoluent sans cesse, et ce n’est pas comme si Williams souffrait d’obésité après ses accouchements. En 2024, elle partageait encore sur les réseaux sociaux un message sur l’importance de s’aimer et d’accepter son nouveau corps de jeune maman. Cette publicité va donc à l’encontre de son discours habituel, puisqu’elle promeut désormais un médicament grâce auquel elle a perdu beaucoup de poids en très peu de temps. »

« Williams a toujours été en forme, mais jamais extrêmement mince. C’est sa morphologie. Elle semblait l’accepter. Dans ses vidéos, elle ne parle pas de problèmes de santé dus aux kilos en trop, mais de son ressenti — se sentir moins sexy et mentalement fragilisée. C’est une perception personnelle, et je ne jugerai pas un individu pour ses choix. Mais lorsqu’on utilise cette expérience pour gagner de l’argent et inciter d’autres à consommer ce genre de produits, il est normal de faire entendre des critiques. »

Un business juteux

La campagne est lancée par Ro, une entreprise américaine de télémédecine qui propose des injections de GLP-1 dans le cadre de son Body Program. Ro affirme vouloir rendre ces traitements plus accessibles et réduire les stigmates. Mais la critique surgit : le mari de la championne de tennis, Alexis Ohanian — cofondateur de Reddit — est investisseur et membre du conseil d’administration de l’entreprise. Une situation qui soulève la question des conflits d’intérêts.

« C’est évidemment une campagne marketing habile, quand une figure de proue comme Serena Williams déclare publiquement sa satisfaction vis-à-vis d’un traitement GLP-1 », estime Hesp. « Mais faire la promotion de tels médicaments sur les réseaux sociaux n’est pas responsable. On ne contrôle pas qui est exposé à ce message. C’est nuisible pour les personnes qui souffrent de troubles de l’image corporelle. Hier, c’était la culture des régimes qui diffusait des messages nocifs, aujourd’hui, ce sont ces nouvelles formes de médication amaigrissante. »

La question que posent les critiques reste entière : Williams brise-t-elle réellement un tabou, ou bien son récit personnel sert-il surtout à promouvoir un produit commercial ?

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