Violaine Bellet, psy des personnages de séries

" Ce vertige d'être projetée au coeur de l'intime. " © RENAUD CALLEBAUT

Psychologue et scénariste, elle a participé à la construction des failles de certains des plus beaux personnages de séries d’outre-Quiévrain, notamment ceux d’Un village français, dont l’ultime chapitre est actuellement à l’antenne.

Si Violaine Bellet apparaît douce et posée, elle est aussi déterminée ; pas du genre à se laisser interrompre au milieu d’une phrase. En jeans et tee-shirt blanc le jour de notre rencontre, elle peut aussi jouer des codes d’une féminité sexuée. De sa silhouette fine et son visage qui trompe le temps qui passe, elle déclare sans concessions, en spécialiste de la psychomorphologie :  » C’est sans doute mon noyau psychotique, assez saillant, pour ne pas dire un brin Asperger « . Décrypter en un coup d’oeil ce qu’un physique va renvoyer comme image, comment le téléspectateur va percevoir un acteur, c’est l’une des multiples cordes que la consultante en psychologie des personnages a ajoutées à son arc au fil des années.

Elève au Conservatoire de théâtre d’Orléans, puis à l’école du mime Marceau, Violaine Bellet était plutôt tournée vers le travail du corps quand elle a décidé de s’inscrire à l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son (Femis), pour devenir scénariste.  » J’étais jeune, davantage portée sur la force chorégraphique d’un plan, les effets sonores ou l’esthétique que sur les personnages, que j’avais tendance à utiliser comme support à tout ça. La Femis nous incitait alors à creuser plus le contexte sociologique dans lequel évoluait un héros que ses failles psychologiques.  »

Elle part ensuite écrire pour une réalisatrice, également psychanalyste, au Brésil. De retour à Paris, convaincue que les outils de la psycho vont lui ouvrir les portes d’une juste caractérisation de personnages, elle étudie la PNL, l’hypnose, la sexothérapie, l’analyse systémique, la psychogénéalogie ou encore l’EMDR, l’analyse des mouvements oculaires.  » J’ai retrouvé dans ce milieu cette intensité émotionnelle que j’ai toujours cherchée à travers le théâtre et le cinéma, mais démultipliée par le fait que les interactions avaient lieu en direct. J’y ai ressenti aussi ce vertige d’être, comme dans un film, projetée au coeur de l’intime d’une personne et de son histoire, kidnappée en quelque sorte par l’empathie.  »

Ces compétences, c’est avec Frédéric Krivine qu’elle pourra les appliquer aux séries télévisées. A partir de la saison 3 du Village français – on en est ajourd’hui à la septième -, elle devient consultante  » hystérique « , comme aime à la taquiner le scénariste qui travaillait déjà avec un consultant  » historique « . Depuis, elle joue la  » psy à l’envers « , celle qui veille à ce que les protagonistes aillent de moins en moins bien pour ne pas risquer de lasser le spectateur :  » Le moteur de tout, dans la vie comme dans une scène, c’est le conflit, équivalent de l’essence dans le moteur de la narration.  »

Entre sa série QI, axée sur une actrice porno frigide qui découvre l’orgasme en étudiant la philo, Profilage, Ainsi soient-ils, Engrenages et Dix pour cent, elle a allongé des dizaines de héros et anti-héros sur son divan. Accro aux rebondissements euphorisants et sous-textes jubilatoires, la Française voit aussi les séries comme une sorte de répétition générale d’une société plus accomplie.  » Si l’on plante des profils féminins forts, des jeunes femmes reléguées au rang d’objet ou des quinquas et plus, parfois jetées aux oubliettes de la fiction, vont par exemple pouvoir plus facilement s’autoriser à exister en tant que sujet dans la vraie vie. Ce sont des modèles identificatoires, les seuls miroirs qui influent sur notre apparence.  » Militante féministe et antispéciste, deux causes qu’elle trouve fondamentalement liées, Violaine Bellet se heurte à la nécessaire lenteur de l’évolution. Elle s’impatiente aujourd’hui et développe des projets pour le cinéma,  » un milieu plus libre, car sans annonceur  » , comme le très beau court-métrage Hyménée, sur le mariage arrangé, Poulain d’or du Festival panafricain du cinéma et de la télévision.

BIO EXPRESS

Naissance à Lyon puis études de cinéma (La Femis) et de psychologie à Paris.

2006. Ours d’Or pour le court-métrage Le Petit Martin.

2008. Rencontre avec le scénariste Frédéric Krivine, début de la collaboration sur Un village français (France 3).

2011. Création et écriture de QI saison 1 (OCS), avec le réalisateur Olivier De Plas.

2014. Ecriture de la psychologie des personnages de Dix pour cent (France 2).

2016. Poulain d’or pour le court-métrage Hyménée.

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