Anne Bouillon
Ancienne gymnaste et professeure de philo, Anne Bouillon remet sur le devant de la scène la gymnosophie antique. Dans son approche, postures de yoga et systèmes de pensée s’entrecroisent, Occident et Orient se rencontrent.
« Je fais la même chose qu’avant, mais ailleurs. On parle parfois de ce qui se passe au niveau intellectuel ou de l’esprit, comme si c’était quelque part dans les nuages, détaché du corps. En réalité, ce ne sont que différents niveaux de corps que l’on essaie de faire vibrer. La pensée fait corps avec soi, c’est un retour vers soi, à l’intérieur. La gymnosophie remonte aux yogis, aux sages de l’Antiquité qui pratiquaient nus – principalement parce qu’il faisait chaud mais aussi pour se retrouver nu face à la vérité. Ce n’est pas nouveau, je pense d’ailleurs qu’avec quelques textes de l’Antiquité, on peut apporter des réponses aux questions du moment. En méditation, on guette et on regarde le vide entre deux affects. C’est également dans cette pure conscience que s’inscrit la philosophie. Le yoga comme la philosophie demandent une discipline, une acceptation de ne rien comprendre. Le yoga commence quand on n’est plus sur le tapis de yoga. La philosophie commence dans toutes ces choses que l’on ne comprend pas en les lisant mais qui sont là, dehors, dans le monde extérieur. Il est important d’accepter la déception de ne rien comprendre. C’est normal quand l’on débute, il faut laisser vivre les idées. C’est comme les postures de yoga, on n’y arrive pas du premier coup, et si on croit y arriver c’est encore pire. Ce n’est pas compatible avec la recherche d’immédiateté de notre société, avec l’efficacité instagrammable. Je ne suis pas non plus en accord avec les injonctions du yoga qui poussent à devenir de grands ascètes. Pour comprendre les énergies, il y a cette notion que j’ai trouvée chez Deleuze, qui vient de sa lecture de Nietzsche et donc de l’Antiquité grecque: faire couler un peu de sang de Dionysos dans les veines organiques d’Apollon. Pour moi le yoga, c’est exactement ça. Ce n’est pas plan-plan, il y a beaucoup de folie là-dedans, d’intensité, d’énergie. »
‘Il est important d’accepter la du0026#xE9;ception de ne rien comprendre.’
Son livre Gymnosophie, une pratique du yoga et de la philosophie a été publié à l’automne dernier par Almora
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