Au parfum
(*) » Eloge de l’odorat « , éd. Odile Jacob.
Vous leur parlez d’arômes ? Ils restent cois. De notes de tête, de fleuri frais, d’embruns, de bouquet, de gardénia, de jasmin vert, pis encore d’ilang-ilang ? Les voilà carrément déboussolés. Indifférents ? Pas sûr. Perdus ? Sûrement. Voire démunis. Car dès qu’il s’agit de mettre des mots sur ces effluves-là, nos hommes se recroquevillent dans leur coquille. Ce n’est pas qu’ils ne les chatouillent pas. Mais c’est juste qu’ils n’ont tout simplement pas appris à le dire.
Le parfum, une affaire de femmes ? Pas sûr. Certes, elles entretiennent un rapport bien plus intime que les hommes avec leur jus. Incollables sur le capiteux, le suave, le poudré, elles savent avec maestria nuancer, affiner, encenser. Mais le message olfactif, c’est pour eux qu’elles le distillent. Ils n’en diront peut-être rien, mais nul doute qu’ils auront capté les vibrations, comme le prouvent les nombreuses études éventées par les parfumeurs ces dernières années.
Pour sa belle, le mâle veut d’abord un parfum » qui sent bon « . Mais un parfum, aussi, qui lui fera perdre la tête. Car autour des senteurs la séduction rôde. » L’odorat, bien qu’il soit le sens le moins éduqué, le moins élaboré verbalement, est inconsciemment le plus puissant dans la communication interhumaine « , prétend le professeur en neurosciences André Holley (*) Un parfum peut donc éveiller les sens, exalter le désir, l’amour, la passion. Il peut trahir aussi une vamp qui sommeille, une dompteuse, une femme plurielle ou, au contraire, une (fausse) timide, une pudibonde, une discrète, une romantique… Attisant ainsi les projections imaginaires parfois jusqu’à l’ivresse.
Mieux. Ce tatouage de l’éphémère laisse souvent une trace indélébile ravivant le passé. Tous, nous avons mémorisé des odeurs depuis notre plus tendre enfance. Un zeste d’orange, un soupçon de bergamote ou de muguet, et voilà l’imagination qui vagabonde, les souvenirs qui surgissent. De toutes ces émulsions primitives, de ces émotions sensorielles, les hommes ne nous diront probablement pas grand-chose, tant ils rechignent à verbaliser leurs sentiments. Pudeur oblige. Mais tout le charme n’est-il pas de deviner, entre soupirs et câlins, leurs sensations secrètes ? Et même s’ils ne sont pas toujours au parfum, de savoir qu’eux aussi savourent pleinement ce plein d’essences ?
Christine Laurent
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici