Christian Wijnants, L’Amant de la mode

Barbara Witkowska Journaliste

Avec sa collection été 2007, Christian Wijnants nous convie à un voyage sensuel dans le Sud-Est asiatique. En exclusivité pour Weekend, le talentueux créateur belge signe un shooting de mode inspiré par les ambiances tropicales de son opus estival.

Cet été, Christian Wijnants avait envie de nous emmener en voyage dans les pays chauds et plus particulièrement de nous offrir une balade dans le Sud-Est asiatique. Alors, il a regardé en boucle les films  » Indochine  » (de Regis Wargnier, 1992) et  » L’ Amant  » (de Jean-Jacques Annaud, 1992) tiré du roman éponyme de Marguerite Duras (Prix Goncourt 1984). Le premier l’a imprégné de paysages merveilleux aux couleurs chaudes et brumeuses. Du second, il a retenu l’histoire de l’amour torride, des séquences sensuelles frisant l’érotisme et la personnalité de la jeune héroïne, avec son regard hésitant entre l’adolescence et l’âge adulte et sa peau moite et brillante, gorgée de soleil et de chaleur. Superposées,  » digérées  » et réinterprétées, ces images ont donné naissance à de superbes créations citadines, saupoudrées d’un zeste d’exotisme.

Fluide, nonchalante et féminine, la collection est rythmée par les volumes amples des pantalons, inspirés des vêtements traditionnels des pêcheurs vietnamiens, ainsi que par des tops et des cache-c£urs glissants, mouvants et sensuels. Le côté ethnique est parfaitement contrebalancé par la modernité des tissus urbains. Des jerseys, des soies, des viscoses et des lins s’animent de brillances lumineuses et de tonalités précieuses.

La pièce maîtresse est sans conteste cette très longue veste  » caméléon  » noire ou anthracite. Vu de dos, elle ressemble à un mini-manteau. De face, le bas du vêtement se transforme en short. A épingler aussi, ces imprimés inspirés des temples d’Angkor au Cambodge. Christian Wijnants a créé un tissu exclusif, en réalisant un collage de photos représentant des ruines de temples enfuies dans la jungle. Le même paysage est interprété en maille. Les ruines et la jungle sont figurées par la maille ajourée à effet dentelle.

Les leggings, incontournables cet été, sont coupés en biais pour donner un joli mouvement sur les jambes. Parfois, ils s’accompagnent de chaussettes qui se nouent et se drapent autour des chevilles. Empruntées au raffinement de la mode indienne, des applications et des broderies à effets spéciaux s’invitent sur des robes et des shorts. Christian Wijnants a imaginé et créé lui-même des coloris extrêmement sophistiqués. Des marrons, des gris, des roses, des mauves et des vert-de-gris sont relativement sourds et opaques. La brillance des matières leur confère pourtant une belle luminosité.

De Bruxelles à Anvers

Considéré comme créateur anversois, Christian Wijnants est pourtant un  » pur  » Bruxellois. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans la capitale auprès d’un père pharmacien et d’une mère artiste peintre. Ses parents le voyaient ingénieur ou architecte. Mais l’adolescent avait découvert la mode, par le biais de la presse et avait, déjà, d’autres idées en tête, beaucoup plus chatoyantes. Dès l’âge de 14 ans, il est fasciné par la mode belge en général et plus particulièrement par le rayonnement de la célèbre Bande des Six d’Anvers. Sa décision est irrévocable : il ira étudier la mode à Anvers.

 » On me pose souvent la question de savoir quels sont les points forts et caractéristiques de la mode belge, embraie Christian Wijnants. Je réponds que la mode en Belgique n’a pas d’histoire. La tradition est absente, les codes aussi. D’où cette liberté et cette fraîcheur que chaque créateur peut se permettre et qui se ressentent très fort dans son travail.  » Les prémices de cette liberté, Christian les goûte à l’Académie d’Anvers. On le pousse à l’introspection, on l’incite à creuser toutes les facettes de sa propre personnalité pour aboutir à un résultat unique, original et personnel.

Et s’il ne fallait retenir qu’une seule leçon de la formation anversoise ?  » Rester soi-même.  » Christian Wijnants en a fait son credo lorsqu’il termine l’Académie en 2000. Il enchaîne avec un stage chez Angelo Tarlazzi à Paris, tout en poursuivant son travail personnel. L’année suivante, il remporte le Grand Prix Festival des Arts de la Mode à Hyères, puis  » se pose  » chez Dries Van Noten pendant un an. En 2002, il est prêt à lancer sa propre collection. Raisonnable et prudent, il suit le conseil de Dries  » d’y aller doucement « . Au début, il renonce aux défilés et £uvre sans attaché de presse. Il est fier de pouvoir s’autofinancer ce qui lui permet de jouir d’une grande liberté.

Deux prix prestigieux apporteront un coup de pouce financier bienvenu. En octobre 2005, Christian Wijnants est lauréat du Swiss Textiles Award, décerné par la Fédération Suisse du Tissu et, en octobre 2006, il décroche le prix Landam. Depuis deux ans, il donne aussi des cours de techniques de maille à l’Académie d’Anvers. Sa griffe se développe bien depuis neuf saisons, sa notoriété ne cesse de grandir. Aujourd’hui, le créateur belge organise des défilés à Paris et travaille avec un attaché de presse… parisien. Il exulte car son rêve s’est réalisé. Bien sûr, son ambition ne s’arrête pas là, il voudrait continuer à grandir, il souhaiterait lancer une ligne d’accessoires et une collection pour Homme. Mais le conseil de Dries est toujours présent à son esprit… et il avance donc lentement et sûrement, sans se presser.

La casquette de styliste

Voyez les photos 3. et 4. (en page 35), 4. (en page 36) et 1. (en page 38). En exclusivité pour Weekend, Christian Wijnants a endossé le  » job  » de styliste avec curiosité, plaisir et enthousiasme.  » Je le fais pour la première fois dans le cadre de mon propre travail et cet exercice m’a beaucoup plu, commente-t-il. Il est complètement différent des défilés. En photo, on peut dire beaucoup de choses et, parfois, un shooting se prête davantage pour refléter l’ambiance de la collection. Ici, j’ai utilisé mes propres vêtements et des pièces d’autres jeunes créateurs.  » Pour interpréter l’atmosphère du film  » L’Amant  » et les scènes d’amour à Saïgon, Christian a imaginé une pièce sombre et dépouillée, meublée d’un lit très simple. Les stores filtrent des lumières douces, tantôt ocre et dorées, tantôt bleutées et grisées qui reflètent bien les palettes lumineuses de l’Asie du Sud-Est. L’ambiance est feutrée, silencieuse et intime.

La personnalité de Helen, mannequin de 19 ans, s’est imposée tout de suite. Elle correspond bien à l’héroïne de Christian Wijnants, une fille fragile au premier abord, mais en réalité forte, sachant bien ce qu’elle veut. Le jeune créateur a procédé de manière intuitive et spontanée, sans étudier les poses à l’avance. La séance s’est déroulée en complicité la plus totale avec la photographe néerlandaise Viviane Sassen qui  » travaille sans tabous, de façon anticonformiste et montre des choses vraies et nouvelles « . La photographe a proposé une atmosphère  » hamiltonienne  » et y est parvenue en déposant un voile très léger sur l’objectif. Le fond des photos est feutré et artistiquement flou.  » J’aime bien le regard de la fille assise qui porte le combi-short, conclut Christian Wijnants. J’ai aussi une préférence pour la photo en noir et blanc. J’aime cette idée de veste qui protège pendant la mousson où l’épaulette devient chapeau. Les photos proposent un bon équilibre de douceur et de poésie et en même temps elles dégagent une force, une réalité et une modernité.  »

Carnet d’adresses en page 166.

Barbara Witkowska

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