COUPS DE THéâTRE
Le plus palpitant, dans ces histoires de chiffons et de gros sous, c’est qu’il se passe tous les jours quelque chose. Pas besoin, donc, de dénicher un scénariste susceptible de relancer le feuilleton, les artistes s’en chargent. Et quels artistes ! Le top du top des créateurs, ceux-là mêmes qui font et défont nos ourlets. Dernier coup de théâtre fracassant : le départ, la besace bien garnie (on parle de 25 millions d’euros de stock-options), de Tom Ford, le couturier vedette de Gucci, la maison qu’avec son compère, l’homme d’affaires Domenico De Sole, il avait miraculeusement ressuscitée. Certes, le suspense agitait déjà les coulisses modeuses depuis novembre dernier, date à laquelle le duo, la » dream team » de PPR (le groupe qui rassemble outre Gucci, Boucheron, Bottega Veneta, Sergio Rossi, Yves Saint Laurent, McQueen, McCartney et Balenciaga) avait confirmé son départ pour avril 2004. L’arrière-scène bruissait donc depuis des semaines de rumeurs, pronostics, jacassements. Qui allait donc succéder aux irremplaçables ? PPR s’en remettrait-il, alors même qu’il doit encore débourser 2,4 milliards d’euros pour s’adjuger la totalité du capital de Gucci Group ?
Pour le parterre comme pour le poulailler pas de doute, la saga s’annonçait passionnante, secouée par les grandes man£uvres tant côté cour que côté jardin. Mais PPR, après une véritable chasse internationale aux talents, décidait la mise en veilleuse du » star system » : de modestes stylistes maison succéderaient à Tom Ford (lire page 4).
Il n’empêche. Déjà on guette, tapi dans l’ombre, prêt à surgir sur l’avant-scène, le groupe LVMH (Dior, Vuitton, Lacroix, Loewe, Moët et Chandon, Guerlain, etc.), le numéro 1 mondial du luxe et adversaire de toujours de PPR. Et d’autres acteurs déjà se profilent dans les coulisses. Ils nous viennent de la Péninsule, là où pourraient se jouer les prochains actes d’une pièce aux multiples rebondissements. Ainsi, se détache la silhouette de la toute jeune et encore innocente Allegra. La belle fêtera, dans quelques jours, ses 18 ans. Avec pour cadeau d’anniversaire, 50 % du capital de Versace que lui a légué son oncle Gianni. La marque italienne aurait bien besoin, dit-on, d’argent frais pour développer ses projets. Et le ch£ur des » fashion makers » de s’interroger : un nouveau défi pour Ford et De Sole ? Et que dire de cet autre personnage majeur, Giorgio Armani, certes toujours dynamique, mais qui a pris quelques rides et chercherait, lui aussi, un partenaire pour assurer la survie de son empire ?
Sur la scène impitoyable des griffes, tantôt comédie, mélodrame ou tragi-comédie, on ne connaît donc ni relâche, ni four. Valse des stylistes, investissements, gigantisme… Avec pour seul véritable héros, in fine, le luxe lui-même. Chaque soubresaut qui l’agite le nourrit. Et ça, c’est sûr, c’est bon pour la création.
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Christine Laurent
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