Croustillant

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(*)  » Comment se faire passer pour un critique gastronomique sans rien y connaître, 50 leçons pour être bien traité au restaurant « , éd. Albin Michel.

 » U n plat, un restaurant, c’est comme un c£ur à prendre, il faut l’attendre, le guetter, l’écouter…  » Voilà pour la mise en bouche. Prometteuse. La suite du menu sera digne de cette première gourmandise. Car le critique gastronomique François Simon s’est juré de  » nous aider à nous tailler un empire dans la république bananière de la gastronomie « . Pas pingre pour deux cents, il nous offre 50 leçons, aussi didactiques que corsées, pour se régaler sans se faire plumer (*). Car manger n’est pas une mince affaire. Surtout quand on s’aventure chez certains professionnels, des restos qui ont pignon sur rue, tout sucre, tout miel et dont on peut sortir barbouillé, pas bien dans son assiette. Trop ceci, pas assez cela, mets bâclés, produits à la fraîcheur douteuse, carte insipide, sans parler de la note salée difficile à digérer. De quoi en avoir l’estomac tout retourné.

C’est bien pour nous éviter ce type de déconfiture que François Simon est passé à l’acte. Premier conseil :  » Un restaurant, il faut le regarder droit dans les yeux, dans sa vérité et voilà tout « . Mais au détour des pages, il nous aura tout de même appris comment le choisir, réserver sa table (de préférence loin des cuisines et de la porte des toilettes), repérer les premiers pièges (apéros qui se prolongent, entrées trop chères, couverts luxueux pour camoufler la pauvreté du contenu de l’assiette), lire une carte, se mettre en appétit, snober un sommelier prétentieux, parler à un chef, tester les desserts… Pas de bla-bla gastronomiques, non, juste quelques pistes pour éviter d’avaler de travers. C’est drôle, enlevé, incisif, même si, on s’en doute, certaines situations paraissent plus parisiennes que carolos. Il n’empêche. Les vieilles recettes, quand il s’agit de faire son miel sur le dos d’un client trop naïf, ne connaissent pas de frontière.  » Le miracle n’existe que rarement. Il faut le pister, ne pas l’exiger « , rappelle judicieusement notre mentor. Qui nous met aussi en garde :  » Attention aux restos où l’on atterrit et qui ne nous ressemblent guère. Lorsqu’on s’y assoit, il est déjà trop tard.  »

Notre sherpa, caustique, nous apprend aussi judicieusement à décoder les critiques que l’on serait tenté, parfois, de suivre aveuglément. Trop de compliments, de descriptions gargantuesques ? Pas de doute possible, l’auteur a été invité (bravo pour l’indépendance rédactionnelle !), le chef lui a fait la totale et il s’est tapé toute la carte ! Méfiance aussi quand le chroniqueur appelle le chef par son prénom, ça sent le copinage à plein nez.

Trucs, ficelles, le tout persillé d’humour, on boit du petit lait avec ce petit essai mi-figue, mi-raisin à prendre presque pour argent comptant. Délice des délices, le chapitre consacré aux restaurants à la mode  » où il ne faut pas aller cueillir l’éternité et la vérité, mais bien respirer les nouvelles attitudes « . Peu de bouffées de plaisir, donc, mais beaucoup d’esbroufe. Il n’empêche. Magnanime, Simon nous rappelle, in fine, à l’indulgence, la gastronomie n’étant pas un distributeur automatique de frissons.

Christine Laurent

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