DANS LES COULISSES DU GRAND BUDAPEST HOTEL

Le dernier long-métrage de Wes Anderson s’annonce comme une réussite visuelle de plus à épingler à sa filmographie.  » Production designer  » du prodigieux Texan, Adam Stockhausen y a largement contribué.

Dans la république imaginaire de Zubrowka, l’estimé concierge du Grand Budapest Hotel est pris au coeur d’un imbroglio monstre. Un meurtre dont il est accusé, un héritage disputé, une toile de maître volée, il n’en faut pas plus à Wes Anderson pour bricoler une nouvelle pépite cinématographique. Entre thriller et aventure, romance et comédie, The Grand Budapest Hotel(*) retrace les derniers jours de gloire d’un palace dans une Europe sur le point de vaciller, et l’on y retrouve avec plaisir les ingrédients qui ont fait le succès du Fantastic Mr Anderson ; à savoir une galerie d’inénarrables personnages – outre les jeunes Saoirse Ronan et Tony Revolori, le casting hallucinant réunit Ralph Fiennes, Bill Murray, Owen Wilson, Jason Schwartzman, Tilda Swinton, Adrien Brody, Edward Norton, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Jude Law, Harvey Keitel, F. Murray Abraham, Léa Seydoux et Mathieu Amalric ! – et l’esthétique délicieusement barrée qui lui sert de signature. S’il se chuchote déjà que le Grand Budapest relève de la prouesse visuelle (voire qu’il s’agit de son meilleur film), Adam Stockhausen y est certainement pour quelque chose. Ni directeur artistique, ni chef décorateur, et pourtant un peu tout cela à la fois, il est  » production designer  » et a pour mission d’assister le réalisateur dans son travail d’orfèvre. Tentative de décryptage d’un rôle crucial.

En quoi consiste le boulot d’un production designer ?

Je suis responsable de l’apparence physique du film. Pas de la photo ou des costumes, mais des plateaux et de toute la déco. Je m’occupe des repérages, de coordonner les peintres, les charpentiers et toutes les équipes qui participent concrètement à l’élaboration du lieu de tournage.

Vous avez déjà assisté Wes Anderson sur deux autres films (A bord du Darjeeling Limited et Moonrise Kingdom), comment se déroule votre collaboration ?

Entre nous, le courant est passé tout de suite. On commence toujours par un paquet d’idées, qui s’éclaircissent à mesure qu’on rassemble des images et finissent par composer ces histoires très soignées dont Wes a le secret. Il a un don pour créer des mondes inimitables, emplis de choses qu’on ne rencontre pas tous les jours.

Comment décririez-vous cet univers ?

C’est quelque chose que je ne ferais surtout pas. Pas pour me défiler, mais parce que je ne veux pas me poser cette question du langage visuel de Wes Anderson. Nous servons une histoire et pas une idée de style. Chacun de ses films est unique et le Grand Budapest Hotel ne fait pas exception.

On retrouve quand même des points communs d’un film à l’autre…

Oui, mais il est difficile d’expliquer exactement quoi, même si l’on remarque certaines lignes directrices dans le ton, mais aussi dans l’utilisation des objets et des environnements. C’est très excitant pour moi de travailler avec quelqu’un

qui a un oeil aussi affûté, un tel amour du détail. Puis il y a le travail sur la couleur. Pour chaque film, Wes déploie une palette extraordinairement audacieuse. Dans le Grand Budapest, l’hôtel est rose et violet, jaune et doré, des teintes qu’a priori on aurait peur de mélanger, mais ça marche !

Tant pis pour le conseil déco alors…

Le guide pratique de la  » Wes Anderson touch  » n’existe pas. Moi-même, je ne saurais pas comment la recréer. Elle apparaît au fur et à mesure qu’on habille le plateau d’objets authentiques, qui véhiculent un feeling particulier. Pas le genre de bibelots qu’on trouverait au magasin du coin, un peu comme l’antique table de ping-pong qu’il a fallu transporter depuis un vieux manoir pour le tournage de Moonrise Kingdom. C’est celle-là qu’on voulait.

Qu’est-ce que vous avez préféré dans le film ?

J’adore les scènes à l’intérieur de l’hôtel, que l’on a recréé dans un ancien grand magasin d’avant-guerre, le Görlitzer Warenhaus, un immense bâtiment Art nouveau désaffecté où l’on a construit tout le lobby. Il est devenu notre camp de base pendant le tournage, tout le monde bossait là, nous avions nos bureaux aux étages.

Est-il plus amusant pour vous de travailler avec Wes Anderson qu’avec d’autres réalisateurs ?

C’est incroyablement fun. Mais j’ai pris énormément de plaisir à travailler avec d’autres grands noms (NDLR : dont le  » maître de l’horreur  » Wes Craven pour ses deux derniers films et Steve McQueen sur l’un des films-événements de l’année, 12 Years a Slave) et si chacun a son approche, mon job reste le même.

Mais il a toujours l’art de rassembler un casting hors norme !

Ça, c’est vraiment particulier et c’est aussi ce qui rend l’expérience inoubliable. Wes réussit à chaque fois à convaincre d’immenses acteurs d’embarquer dans l’aventure avec lui. Pour le Grand Budapest, on était tous dans l’est de l’Allemagne et la plupart du temps, tout le monde mangeait ensemble et logeait dans le même hôtel. On se sentait en famille, on a vraiment vécu des moments exceptionnels.

(*) En salle actuellement.

PAR MATHIEU NGUYEN

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