DE LISBONNE À PORTO L’APPEL DU DESIGN

Si les deux grandes villes portugaises ont gardé de profondes racines, audace et création y fleurissent également. Ici, histoire et modernité se côtoient et se respectent sans se faire de l’ombre.

Baignée de lumière atlantique, Lisbonne est l’une des seules capitales européennes ouvertes sur l’océan. Beaucoup gardent l’image d’une cité un peu désordre, très méditerranéenne dans l’âme, mais depuis quelques années, elle bruisse d’une nouvelle effervescence, tant architecturale que culturelle. Restos, bars et boutiques branchés, musées modernes, audace urbanistique et nouveaux quartiers : le contemporain n’hésite plus à se confronter aux merveilles ancestrales et la capitale portugaise en devient du coup très  » lifestyle « .

Place Terreiro do Paço, sur les rives du Tage, vient ainsi de s’ouvrir un musée pas comme les autres : le Lisboa Story Centre (www.lisboastorycentre.pt). Techniques digitales et effets spéciaux y réconcilient le visiteur exigeant avec les musées historiques. En passant devant les panneaux et les écrans, les audioguides s’enclenchent automatiquement et, grâce aux technologies les plus modernes, on revit le tremblement de terre de 1755 comme si on y était. Ainsi réactivé, le passé de Lisbonne en devient palpitant !

Total contraste et ambiance post-nucléaire rua Augusta, à quelques pas de là, au musée du design et de la mode, le MUDE (www.mude.pt). Murs mis à nu, plafonds éclatés : le ton est minimaliste, mais du coup, l’attention est entièrement tournée vers les collections. Impossible de deviner qu’ici siégeait une banque. Ce musée surprend aussi parce qu’il mélange mode et design, ce qui au fond semble logique. La salle principale dévoile un parcours passionnant qui prend son départ dans les années 40. Les robes Courrèges et Versace et les manteaux de Walter Van Beirendonck côtoient ainsi la mini kitchen de Joe Colombo, le fauteuil en forme de boule d’Eero Aarnio, la mythique Vespa et les constructions d’Ettore Sottsass. Encore une hésitation ? Le catalogue ne coûte que 5 euros et l’entrée, elle, est gratuite…

Depuis quelques années, les concept stores fleurissent un peu partout, mais à plus forte concentration dans les quartiers de Bairro Alto & Chiado. Rua Anchieta, plongée dans l’âme portugaise chez A vida Portuguesa (www.avidaportuguesa.com). La déco est résolument vintage et les objets 100 % made in Portugal : carnets Emilio Braga, savons Ach. Brito, sardines à l’huile en boîte rétro et chocolats Arcadia sont autant de sympathiques pieds de nez à la globalisation. Au 26 de Praça do Príncipe Real, le regard est attiré par un singulier bâtiment de style mauresque. Construit en 1857 par un riche homme d’affaires ayant fait fortune au Brésil, il était abandonné jusqu’à ce que les pièces à haut plafond de ce petit palais soient récemment investies par une foule de boutiques et d’ateliers. On peut, sans s’en rendre compte, passer une ou deux heures à shopper à Embaixada LX. Même concept à la LX Factory, rua Rodrigues de Faria (www.lxfactory.com), sous le Pont du 25 avril : ateliers design, restaurants, école de cuisine et boutiques de déco ont pris la place d’une ancienne fabrique textile un temps reconvertie en imprimerie. Webdesigners, stylistes, artistes et mannequins viennent y déjeuner à la Cantina, là où jadis venaient s’attabler les ouvriers de l’usine !

UN AQUARIUM SUR L’EAU

L’Expo qui s’est tenue au Parque das Nações en 1998 sur le thème de l’eau a sorti Lisbonne de sa douce léthargie urbanistique. Ce nouveau quartier, élevé sur la rive du Tage, a conservé les réalisations les plus réussies, à commencer par l’aquarium (www.oceanario.pt), posé comme un gigantesque navire de verre en bordure du fleuve. Rien que le bassin central est un prodige en soi, puisqu’il contient l’équivalent de quatre piscines olympiques d’eau de mer ! Grands requins, raies géantes, thons et un étrange mola mola, immense poisson-lune venu du fond des âges, se laissent admirer sur deux étages. Plus loin, un récif corallien multicolore attire les yeux. Autres stars locales : les loutres marines et les manchots de l’Antarctique. Le Parque das Nações préfigure la ville idéale du futur. A commencer par la fantastique gare d’Orient aux lignes aériennes et lumineuses, signée Calatrava. Et par le pavillon du Portugal. Conçu par une pointure de l’architecture contemporaine, le portugais Alvaro Siza, il se distingue par son immense dalle de béton incurvée.

De l’autre côté de la ville, le quartier de Belém s’enorgueillit de quelques-uns des monuments phares lisboètes : tour de Belém, monastère des Hiéronymites, Monument aux Découvertes… Au milieu des trois, le Museu Berardo (www.museuberardo.com) abrite les collections amassées par un enfant pauvre de Madère devenu riche homme d’affaires. Dalí, Miró, Picasso, Warhol, Paul Delvaux, Mondrian, Pollock… On y voyage du surréalisme à l’art conceptuel, en passant par le minimalisme et le pop art. Vous en demandez encore ? Prenez donc la direction du nord de Lisbonne pour visiter le musée de Calouste Gulbenkian (www.museu.gulbenkian.pt). Multimilliardaire arménien installé sur les bords du Tage en 1942, l’homme vivait pour ses collections d’art. Qui s’avèrent époustouflantes et vont de l’Antiquité à la période contemporaine. Depuis la fin des années 50, elles sont rassemblées dans un immense bâtiment érigé en harmonie avec la nature du parc de Palhavã.

UN OVNI DANS LA VILLE

A 300 km au nord, Porto est moins courue que la capitale mais n’a pourtant rien à lui envier. Etagée sur les rives escarpées du fleuve, la cité donne d’emblée l’impression d’un glorieux passé. Eglises et couvents, palais et immeubles richement décorés d’azulejos ou de bas-reliefs grimpent à l’assaut des hauteurs (bons mollets de rigueur pour arpenter ses rues !) Porto possède ce charme puissant et suranné d’une ville autrefois très bourgeoise, enrichie par son commerce du vin, qui se suffisait à elle-même et n’avait certainement pas besoin de Lisbonne pour prospérer. Une époque révolue, mais un patrimoine toujours bien présent que la ville et des initiatives privées restaurent depuis une dizaine d’années. Porto renoue avec ses racines et s’offre en plus l’audace de projets architecturaux avant-gardistes, comme la Fondation Serralves (www.serralves.pt). Installée dans un immense domaine boisé proche de l’océan, elle attire avant tout pour sa magnifique maison et ses jardins Art déco. Mais aussi pour son tout récent musée d’art contemporain très lumineux et aux lignes fluides, dessiné par Alvaro Siza. Comme il ne contient pas de collection permanente, l’intérêt des expositions dépend bien sûr de l’artiste présenté. La promenade dans le parc dessiné dans les années 30 est rythmée de sculptures parfois monumentales et mène à la villa aux façades roses dont la visite fascinera les amateurs d’architecture de la première moitié du XXe siècle.

Un OVNI au milieu de la ville : c’était le projet fou de l’architecte néerlandais Rem Koolhaas lorsqu’il dessina la Casa da Música (www.casadamusica.com). Pari réussi haut la main ! On dit qu’il a fallu un peu de temps aux habitants pour se faire à ses lignes atypiques. Mais aujourd’hui, il fait quasi l’unanimité. Façade aux facettes de béton tournées dans tous les sens, intérieur de verre, aluminium et plexiglas : les matériaux sont  » spatiaux « . Du rez-de-chaussée, un interminable couloir longe en spirale le grand auditorium. A intervalles réguliers, de petits espaces ont été pensés afin de recevoir des événements plus restreints. Chacun présente un aspect différent et étonnant : un coin Renaissance en azulejos, un autre, dédié à la relaxation, violet et sombre, un troisième où la musique répond à votre chorégraphie… Une visite guidée inoubliable.

Bien sûr, Porto ne serait pas vraiment ce qu’elle est sans ses innombrables entrepôts de vin. Très récemment, Porto Cruz (www.myportocruz.com) a eu l’audace de réinventer la cave traditionnelle. Son bâtiment du XIXe siècle vient d’être entièrement refaçonné en véritable centre multimédia. La visite commence en se mettant à table… autour de plans de travail interactifs ! En répondant à quelques questions, le visiteur découvre le porto qui est susceptible de lui plaire le plus. Et pourquoi pas l’insolite mais très agréable rosé ? A boire frais. Tout aussi surprenantes, les dégustations du breuvage avec du fromage ou du chocolat. Et pour les petits, le dimanche, une session de dégustation de jus de fruits frais. Aux étages, des petites expos d’artistes, mais aussi quatre films – dont un en 3D – sur le porto. Plus haut, un restaurant et, enfin, une terrasse lounge panoramique face au Douro, pour vivre de divins instants au coucher du soleil…

ERIC VANCLEYNENBREUGEL

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