DES BLEUS ET DES BOSSES
(1) » Les Pères et les Mères « , éd. Odile Jacob, 329 pages.
Il adore jeter des pavés dans la mare. Provocateur, le pédiatre Aldo Naouri ? Pas seulement. Certes, depuis quarante ans, il aime titiller, agacer. Mais toujours pour la bonne cause, celle du bien-être de notre progéniture. Or le voilà inquiet, très inquiet. Car si aujourd’hui nos bambins n’ont jamais été en aussi bonne forme physique, ils présentent un nombre impressionnant de troubles liés à leur éducation. Nos enfants vont mal, dénonce Naouri, ils souffrent d’un gros retard psychologique et affectif (1). Enfant superstar, enfant tyran, enfant que plus personne n’ose frustrer, hyperprotégé… Enfant chouchouté par des mères trop couveuses, omniprésentes, de plus en plus angoissées aussi. Des femmes fusionnelles, qui refusent de se séparer de leur petit, accuse-t-il. Alors que le petit, justement, doit retrouver sa place dans le nid, entre papa et maman.
» Je suis féministe « , proclame Naouri. Dont tout le discours pourtant n’est qu’un long plaidoyer pour un vrai retour de l’autorité des pères dans la cellule familiale. Le père, celui qui va permettre à l’enfant de se détacher de sa mère, de couper le cordon ombilical. Un père, un beau-père ou un amant qui jouera le rôle de la tierce personne qui seule peut neutraliser les abus de pouvoir maternels. Bref, un homme, un vrai qui, même s’il partage les tâches ménagères avec sa compagne, saura s’imposer.
Un discours qui ferait le miel de ces superpapas britanniques divorcés qui, pour pouvoir exercer leur droit de visite saboté par leurs ex, se déguisent, une fois par mois, en héros de bande dessinée pour partir à l’assaut des monuments londoniens et y installer leurs banderoles revendicatives. » Tout ce que nous voulons, c’est voir nos enfants « , clament-ils. Un peu usés, mais pas désespérés, les » Fathers for Justice » annoncent un grand coup d’éclat pour le 20 juin prochain, jour de la fête des pères en Angleterre. Qu’ils ne misent surtout pas sur le soutien de la bimbo américaine, Angelina Jolie. Car la belle l’a dit tout net : elle compte adopter de nombreux enfants… mais toute seule, » parce qu’on ne sait jamais si un homme c’est pour toujours et quel genre de père il sera » (sic).
L’enfant, valeur suprême qui focalise l’attention de tous… Des pères, des mères, souvent maladroits certes, mais toujours animés des meilleures intentions. Des parents de plus en plus perdus, aussi, dans une société en phase de mutation, de recherche d’équilibre entre les deux sexes. Mieux, encore mieux, toujours mieux : hommes et femmes affrontent crânement un apprentissage sans écolage, truffé de bouffées de découragement, un voyage sans boussole parsemé de bleus et de bosses. Un chemin bien sûr difficile, mais éclairé, aussi, et c’est là leur précieuse récompense, du sourire des petits anges.
Christine Laurent
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