Dur, dur, la rentrée
(1) » Psychologies « , édition de mai 2004.
Stop, basta, finito, time… Pour défaire les valises, inscrire les petits à l’école, remplir le frigo, repasser la dernière lessive, l’énergie ne manquait pas, nourrie qu’elle était par les doux souvenirs des vacances. Mais à la veille de la rentrée, il est parfois bien difficile d’avoir l’humeur légère. Tempi accélérés, stress, angoisses, autant de vieux démons, subrepticement mis entre parenthèses le temps d’un été, qui resurgissent, menaçants. Courage, fuyons ! Et si, cette fois-ci, on décidait, pour de bon, de changer de vie, de conjoint(e), de job, d’opinions, de décor, d’horizon ? De tourner la page pour en déplier une toute nouvelle, toute belle ?
Mettre les points cardinaux à l’envers, rompre pour mieux se déployer, s’épanouir enfin. Bouger, permuter, remanier, amender pour mieux se métamorphoser. Une tentation d’autant plus lancinante que nos sociétés nous offrent de moins en moins de repères. Plus de ligne tracée à l’avance, de destin esquissé. Juste la perspective de mille chemins embrouillés dans lesquels trop souvent on pense s’égarer. Normal, dès lors, de se croire libre de changer de parcours, de personnalité, de caractère ou d’identité au gré de ses envies et de ses interrogations. Des tâtonnements renforcés encore par les malheurs du monde dont on ne se console pas, et face auxquels nous nous sentons bien impuissants.
Alors, on cherche, on furète, on explore, tant le besoin de perspectives, de lendemains souriants se fait pressant. Un véritable zapping existentiel dont l’un des axes, il faut bien vivre, reste le travail. Ô combien est grande la tentation parfois d’aller voir ailleurs, là où croit-on l’herbe sera plus verte, le patron plus » cool « , les collègues miraculeusement plus sympas. Eh bien, si l’on en croit Pierre Blanc-Sahoun et Eric Albert, deux spécialistes français du coaching, on a tout faux ! » L’important est de sortir du mythe selon lequel il y aurait des boulots plus intéressants que d’autres. Aucun travail n’est intéressant û ou inintéressant û en soi. Ce qui est intéressant, c’est la manière de l’appréhender (…), devenir créatif par rapport à la tâche qui nous est confiée « , affirment-ils (1). En d’autres termes, mieux vaut changer d’avis que d’employeur. Et s’ils avaient raison ? Pourquoi, dès lors, quitter son pré carré professionnel quand il s’agit avant tout de repérer sur quoi l’on peut agir pour retrouver de la vraie curiosité, un plaisir réel à ce que l’on fait ?
Vaste programme tout de même et qui demande du temps. Histoire de patienter, on se repliera, sur de bien plus modestes ambitions : arrêter de fumer, ne plus s’empiffrer de chocolat, ralentir au volant, manger bio… Le conjoint ? Le décor ? Les vastes horizons ? On verra plus tard.
Christine Laurent
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