Edmundo Castillo : une vraie pointure chez Sergio Rossi

Barbara Witkowska Journaliste

Depuis trois ans, il perpétue le savoir-faire du grand chausseur italien et insuffle à cette marque féminissime une touche incomparable de poésie et de modernité. Un talent hors pair. Rencontre exclusive à Milan.

Résolument citadine, inspirée par l’ambiance new-yorkaise, la collection hiver 07-08 flirte avec des réminiscences subtiles des films noirs des années 1940. Les talons, vertigineux, tantôt élancés, tantôt incurvés, sculptent des jambes interminables. Parfois, ils jouent la carte du  » jamais vu « , en s’habillant de facettes miroirs qui reflètent superbement la lumière. Les matières affichent le summum du luxe : l’agneau métallisé voisine avec le crocodile mat, le cuir de kangourou ou d’autruche côtoient le python  » Brunelleschi  » (le serpent d’eau) à l’aspect à la fois si précieux et fragile. Parmi les pièces phares, citons les bottines et les escarpins réalisés avec le tissu high-tech en fil d’aluminium présent dans les doublures des combinaisons des astronautes. L’autre nouveauté ? Des talons et des semelles en gomme à effet caoutchouc. Ils confèrent à la chaussure ce côté urbain, fil conducteur de la collection. Par ailleurs, le cuir verni ultrabrillant s’invite partout. Edmundo Castillo l’apprécie pour son côté moderne et très frais. Les escarpins classiques à talons aiguilles, redessinés à chaque saison, se hissent, çà et là, sur des plateaux de forme inédite et combinent une jolie bichromie noir et fuchsia ou encore noir et bordeaux. Le derby à talon, pièce incontournable de l’hiver, existe en version fermée ou ouverte à l’arrière. Pour arpenter les trottoirs d’un pas énergique, Edmundo a aussi dessiné de sublimes bottes plates en cuir ou, pour les frileuses, en mouton et en fourrure. Le clou du programme ? Ces spectaculaires cuissardes en cuir doré, doublées de soie, qui s’enfilent comme des gants ! Les sacs, encore peu nombreux, affichent une forte personnalité. Le modèle Vintage, avec sa délicieuse touche rétro, se pare de cuir argent et de velours noir ou de crocodile noir et de léopard mais aussi en total look python doré. Lust avec ses poignées précieuses en chaînes dorées, opte pour le cuir bronze ou violet et le python argent. Jealousy, le futur classique, est un splendide cabas en cuir noir, marron ou bronze et en python doré. Pour le soir, la très jolie minaudière Compact,  » chouchou  » des stars, est proposée en python argent ou doré, en serpent d’eau ou en lézard lamé.

Né à Porto Rico, Edmundo s’est formé à la Altos de Chavon School of Design, la meilleure école de design en République dominicaine. La rencontre avec Antonio Lopez sera déterminante. Le célèbre illustrateur de mode lui conseille de… dessiner les chaussures.  » Pour moi c’était une révélation, comme si, d’un coup, la route s’ouvrait devant moi.  » Il débarque à New York, à la boutique de Fausto Santini où il vend des chaussures au design singulier et minimaliste. Très vite pourtant, à force de patience et d’obstination, il se fait engager chez Donna Karan où il en dessinera pendant quinze ans, dont six comme free-lance .  » J’adorais sa mentalité et son style, chic et moderne. Chez elle, on commençait toutes les collections de prêt-à-porter par les chaussures. J’ai compris ainsi leur importance. Elles signent la silhouette et peuvent détruire le plus beau vêtement et habiller le plus simple. C’est aussi la chaussure qui conditionne l’humeur et l’attitude. « 

Fort de cette belle expérience, Edmundo lance sa propre marque et ouvre une boutique à New York. Au bout de cinq ans, la mésentente avec son partenaire commercial met un terme à l’aventure. La prestigieuse maison italienne Sergio Rossi l’engage alors comme directeur artistique des souliers féminins en 2004. Edmundo exulte :  » Je pense qu’il était temps pour moi de travailler avec un chausseur. Chez Donna Karan on travaillait toujours la silhouette. Chez Sergio Rossi il n’y a rien à quoi se raccrocher. Or j’adore le style de la chaussure qui vit sa propre vie, toute seule et qui habille une femme nue « .

Aujourd’hui, secondé par une petite équipe, Edmundo dessine trois collections par an et s’implique à fond dans ce qu’il appelle  » des petits projets « . Partant d’une idée commune au créateur et à la direction, Sergio Rossi est présent, depuis 2006, au Festival de Cannes. Dans une suite au Martinez, les stars peuvent choisir entre 250 paires de chaussures, pour arpenter en beauté la Croisette. En 2007, Edmundo imagine la collection Red Carpet, dont les 10 modèles proposés à Cannes étaient vendus également dans toutes les boutiques

Le concept  » foot chaussure « , la toute dernière idée d’Edmundo (qui planche aussi sur le développement des sacs et de la petite maroquinerie tout en rêvant de dessiner des chaussures pour homme) se met en place dans toutes les boutiques du monde, dont Bruxelles. Les femmes qui aiment le rare, le beau et l’exclusif, pourront dessiner avec Edmundo la chaussure de leurs rêves. Lors d’un premier rendez-vous, à Milan ou à Bruxelles, on discutera du style et on prendra les mesures. Par la suite, il y aura une séance d’essayage, comme en haute couture. Les formes, fabriquées spécialement pour chaque cliente et pour chaque modèle (escarpins, sandales, bottes), resteront… ad vitam aeternam chez Sergio Rossi.

Barbara Witkowska

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