Emois, et moi…
(*) » Les pieds dans le moi. Itinéraire de survie dans un monde trop parfait « , éd. Anne Carrière, 277 pages.
Le genre plaît. Normal. Entre les petits et les grands soucis, les angoisses du lendemain, tous les malheurs du monde et les provocations du voisin de palier, on se noie, on se noie. Difficile de reprendre pied ! Même pour les inconditionnels de la zen attitude. Mais heureusement pour nous, nous ne sommes pas seuls. Car ils sont nombreux à avoir flairé le filon et à nous livrer potions magiques et conseils futés. Toute l’année, il en pleut comme des panettone à Noël. Car à côté des ouvrages des gourous qui ont pignon sur rue, avec pour tête de gondole l’inusable Jacques Salomé, de nombreux dilettantes se ruent aussi sur la poule aux £ufs d’or et y vont de leur petit couplet.
Dernier en date, celui de Maud Lehanne, une psychothérapeute parisienne qui, en 1977, a créé le premier » Café Psycho » de la capitale française. Sur pas moins de 277 pages, elle nous livre non pas des solutions miracles, dit-elle, juste quelques réflexions frappées au coin du bon sens (*). En suivant à la lettre les astuces éditoriales des Saint-Just aux petits pieds. Soit dix-sept chapitres bien dilués, truffés des témoignages » vécus » de Pierre, Paul, Jacques, Marielle, ma cousine, Maria, Armand et j’en passe… pour le zeste life. Saupoudrés de maximes de géants de la littérature ou de la philo (normal, on est lettré ou on ne l’est pas), genre Blaise Pascal, Rilke, Camus, Rousseau, Sartre, Montaigne (eh oui)… et même Cocteau qui n’en demandait sans doute pas tant. Tous mobilisés pour se pencher sur la santé, la maladie, la gentillesse, le rêve, nos démons, la cacophonie, le couple, la lassitude, l’amour, le coup de canif dans le contrat, l’amitié, bref, ces petites choses qui nous titillent, voire même qui nous gâchent notre quotidien.
Qu’apprend-on donc au fil de ce digest qui puisse justifier sa parution ? Au hasard : pour être bien dans ses baskets, n’occultons pas nos côtés noirs ; ne passons pas, non plus, à côté de la vie en dramatisant ou idéalisant à outrance, rien de mieux que la prise directe avec le réel ; sachons dire non ; optons pour la modestie, nous ne sommes pas le bras droit de Dieu, nous rappelle la psy aspirante guide spirituel ; pacifions notre passé, sachons tourner la page, acceptons les ruptures et les souffrances pour mieux renaître à une vie nouvelle, renonçons à changer l’autre, n’ayons pas peur du vide, mettons-nous à la place de l’autre… Bref un véritable bréviaire light digne d’un Café du commerce à défaut de philo.
Un trompe-l’£il, véritable trompe-gogo. Car chacun sait qu’une vie ne suffit pas pour atteindre la sérénité. Et que des rustines n’ont jamais pansé les plaies. Mais qu’importe ! Seul compte, dans ce contexte, le juteux commerce éditorial.
Christine Laurent
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