Fidèlement libre
(1) » La Force de la fidélité dans un monde infidèle « , essai, éd. Anne Carrière.
Le thème est certes éculé. On le croyait même jeté aux oubliettes. Mais voilà qu’il nous le ressort tout neuf, tout lifté, tout revisité. Alain Etchegoyen n’est pas pour autant un illusionniste, non. Juste un philosophe. Mais en sortant la fidélité de la naphtaline dans laquelle elle s’était engluée (1), il bouscule la torpeur qui l’enveloppait, tout en visant juste. Car pour ce sage, pas de doute possible : la fidélité revient. Mais toute relookée. Elle aurait donc pris un sacré coup de jeune !
Bien sûr, les sceptiques s’agitent déjà. Comment, face à l’accélération du temps, la multiplication des nouvelles technologies, l’individualisme croissant, le zapping généralisé, les choix toujours plus nombreux, résister aux tentations ? Sans parler de la dissolution des relations en tous genres, de l’atomisation croissante de la société, des éclatements multiples (couples, travail, famille)… L’infidélité ne galope-t-elle pas, au contraire, contaminant ainsi toutes les strates humaines : le politique, le religieux, l’entreprise, le conjugal ?
Certes, certes. Mais Etchegoyen n’est pas un homme résigné, loin de là. » Toujours agir, penser, dire ô tant mieux » « , tel est son credo. Et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas. Lui, ce qui le motive, c’est de tirer le meilleur parti, en bonne intelligence, de l’évolution. Dans cette perspective positiviste, la fidélité prend une tout autre allure. De vertu ringarde, elle devient précieuse exception. Qui ne peut se poser que sur des exceptions.
Peu importe, dès lors, les infidélités patentes (à son conjoint, son entreprise, son église…) qui nous dévorent tout cru. Vive les fidélités successives, librement consenties, gratuites. Elles n’en ont que davantage de valeur. Plus les comportements sont infidèles, plus elles sont valorisées. CQFD. Mieux. Elles se veulent résistance au temps et engagement, lutte perpétuelle contre l’oubli. » Une fidélité librement assumée, c’est un choix personnel qui n’a pas de prix « , note Etchegoyen.
Mais, attention, pas de fidélité sans foi, ni confiance. Et notre philosophe de brocarder, au passage, l’exigence de transparence d’aujourd’hui fondée, elle, justement sur l’absence totale de confiance. » La transparence, c’est la tentation de Satan « , affirme-t-il.
Diable ! Il devient donc urgent de tout revoir. Mais avant d’oser de nouvelles grandes aventures, on pourrait peut-être démarrer modestement, histoire de faire taire les grincheux pour qui être fidèle, c’est, hélas, bien souvent enchaîner l’autre. Alors, c’est décidé : dans ce vaste et ambitieux programme, on commencera, d’abord, par être fidèle à soi-même.
Christine Laurent
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