Galeriste humaniste
Fille de Georges Rech, la jeune femme a, certes, la mode dans la peau. Mais Almine a préféré vouer sa vie à son autre passion : l’art. Dans quelques jours, elle inaugure sa nouvelle galerie bruxelloise.
Notre rencontre a lieu dans » l’entre-deux « à la galerie provisoire, aujourd’hui entièrement vide, en attendant l’ouverture de la » vraie » Almine Rech Gallery, encore en travaux. Filiforme, hissée sur des talons vertigineux, habillée aux couleurs d’automne, Almine arrive d’un pas vif, s’excuse du retard, » chantier oblige « , avec un sourire irrésistible. » La rénovation ne sera pas entièrement achevée pour le 20 octobre, confie-t-elle. Toutefois, l’espace se prêtera bien à l’exposition des nouvelles sculptures d’Aaron Young. Artiste iconique, rendu célèbre par ses performances de » moto-painting « , il est à la fois rebelle et constructif, comme ces héros mythiques, Marlon Brando ou James Dean, qui ont fait l’Amérique. Dans son travail il y a un grand équilibre entre la critique et l’amour pour l’Amérique. Je voulais quelqu’un de jeune et de très contemporain. Ses performances sont liées à la dynamique et au mouvement, ce qui correspond bien au démarrage d’une galerie. «
Almine n’est pas une novice. Sa galerie parisienne existe depuis quinze ans. Lorsqu’elle s’installe à Bruxelles en 2006, elle prend contact avec ses clients via mails, puis loue un hôtel particulier qui sert de galerie provisoire et se met en quête du lieu idéal. La faillite de Vitao, éphémère centre de bien-être ixellois, est une aubaine. L’emplacement est parfait. L’espace totalise 2 000 m2 dont la moitié sera dévolue à la galerie.
Durant son enfance parisienne, Almine dessine beaucoup. Elle a un bon coup de crayon. Talent hérité sans doute de son père, Georges Rech, créateur de la griffe de prêt-à-porter éponyme. » Mon père, âgé aujourd’hui de 80 ans, a une sensibilité artistique très forte. Introverti, secret et solitaire, il a toujours évité le milieu de la mode. Il a arrêté à l’âge de 58 ans et a vendu la marque à la fin des années 80. » Adolescente, Almine s’interroge. Les Beaux-Arts la tentent. Lucide, elle sait qu’elle ne pourrait pas concilier l’engagement artistique et la vie de famille qu’elle ambitionne. » Je suis très maternelle, j’ai quatre enfants, de trois pères différents « , souffle-t-elle en passant. Les études de lettres avec la spécialisation » cinéma » lui paraissent un bon choix. Tout se passe bien, maisà suite à un désaccord intellectuel avec le directeur de maîtrise, elle abandonne tout et se lance dans un cursus d’art contemporain à l’Ecole du Louvre. » J’ai fait mes premières armes professionnelles à Drouot. J’y ai vu défiler énormément d’£uvres d’art, de toutes les époques. Devant leur côté « désincarné » j’ai compris que je devais être en contact avec les artistes. J’avais envie d’être proche des êtres humains qui faisaient ces marchandises « .
Au début des années 90, Almine ouvre avec Cyrille Putman (fils d’Andrée, la designer française), son mari de l’époque, une première galerie. Cinq ans plus tard, après la séparation du couple, elle inaugure ses propres cimaises avec » ses » artistes, dont Ugo Rondinone et James Turrell, aujourd’hui très connus. » J’aime des artistes « graves », qui croient en l’art et chez qui on sent un engagement vital. » En 2006, elle se pose avec Bernard Picasso (petit-fils du grand Pablo Picasso), son nouvel époux, à Bruxelles, pour des raisons logistiques. » Nous avons une Fondation à Madrid, la FABA (Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte). Elle abrite une partie de notre collection que nous prêtons à des musées. Les bénéfices sont destinés à soutenir l’art contemporain. » Toujours entre deux avions, Almine est ravie de voir son projet bruxellois aboutir car, souligne-t-elle, » il y a un vrai goût pour l’art en Belgique « .
Carnet d’adresses en page 100.
Barbara Witkowska
J’aime des artistes » graves « , qui croient en l’art et chez qui on sent un engagement vital.
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