Gaspi le magnifique
Courir, toujours courir. Dans ces moments-là, plus question de faire du lèche-vitrine. Pas le temps. Il faut encore trouver le cadeau du petit dernier, celui de la tante Agathe, de la belle-mère du beau-frère de la nouvelle compagne de papa, bref regarder vite, vite, choisir rapido, acheter, payer, faire emballer et passer au suivant. Un marathon éreintant qui exige dynamisme, réactivité et bonne santé.
Dure, dure, la période de fin d’année ? Peut-être. Mais nécessaire. Indispensable même. Car au c£ur même de l’homme sommeillerait un besoin irrépressible de dilapidation, véritable exutoire à une énergie excédante dont il ne parviendrait pas à se libérer tout seul. Un nécessaire gaspi qui sévit sous toutes les latitudes et toutes les longitudes, aussi obscur que la nuit des temps. Et qui seul peut expliquer la folie des achats qui s’empare de nous au moment des fêtes ou des soldes. Autant de messes collectives, véritables célébrations de la consommation. Des fêtes orgiaques qui échappent à toute logique, hors de toute utilité, si ce n’est celle, non négligeable, de doper le business. Rien moins que de véritables moments d’effusion collective qui révéleraient, selon les spécialistes (ethnologues, psys, etc.), l’envie profonde et inconsciente, pour les individus comme pour les sociétés, de subir de vraies pertes.
Surtout, mais pas seulement, quand l’abondance règne. La voilà valorisée par les multiples désirs. Rares sont ceux qui résistent, la tornade entraîne même le plus grognon, le plus stoïque. On suit le mouvement parfois dans la joie, souvent en maugréant. Normal, la culpabilité rôde. Osera, osera pas ? Cher, pas cher ? Trop, trop peu ? Un combat délicat qui se solde, in fine, par des bras encombrés de paquets et un portefeuille désespérément plat. On râle, mais apparemment c’est pour la forme. Car sur le fond, en se délestant, on se sera fait plus léger pour mieux démarrer un nouveau cycle. Ainsi le veut le rite ancestral, celui auquel donc on n’échapperait pas, celui qui fait fi de l’affrontement entre l’utile et le futile, le vertueux et le dispendieux. Un irrésistible jeu social dont nous serions les marionnettes impuissantes.
Bigre ! Et le cyber Papa Noël dans tout ça ? Et les internautes qui boostent chaque année davantage le commerce en ligne ? Privés de grand-messe ? Pour le délestage, pas de problème, la carte de crédit chauffe assez pour plomber le compte en banque. Reste le flirt avec la grande foule. Un élément essentiel de cette saga. Des petits futés l’ont déjà bien compris. Ils nous concoctent pour très bientôt de véritables magasins virtuels dans lesquels on pourra tous se bousculer. Du moins nos images en 3 D, bien sûr. Trôôôôôôôp cool !
Joyeux Noël et bonnes fêtes à tous !
Christine Laurent
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