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Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

La plupart du temps, ils sont à moitié consentants. Ont-ils vraiment le choix ? A l’heure de la mondialisation, des économies drastiques imposées dans les entreprises, ils ont dû dire oui, même si c’était du bout des lèvres. Oui à la mobilité, aux déplacements fréquents, oui à l’expatriation temporaire, oui à l’exil de plus ou moins longue durée. Obligés de faire leurs valises pour aller gagner leur vie ailleurs. Contraints de laisser là leur conjoint pour une durée (in)déterminée. Séparés par le travail. Contraints de faire home à part.

Certes, le phénomène n’est pas nouveau. Mais aujourd’hui, les  » missions  » à l’étranger explosent. Et si autrefois certains pouvaient encore espérer emporter dans leurs bagages femmes et enfants, il n’en est plus rien désormais. Trop cher, trop lourd pour les bilans. Résultat : les  » intermittents  » du foyer multiplient les entrechats et les pirouettes, jonglent avec les horaires des trains et des avions pour tenter de passer le week-end en couple. Le  » split family « , comme l’ont déjà baptisé les spécialistes, est une maladie typiquement européenne qui touche toutes les classes sociales. Du cadre sup à l’ouvrier, en passant par les techniciens ou les enseignants. Beaucoup de jeunes diplômés aussi qui veulent booster leur carrière. Avec le temps, les femmes se sont faufilées également dans les rangs. Et chacun de tenter de se frayer une piste amoureuse stable dans ce chassé-croisé permanent qui impose bien souvent de faire le grand écart. Sans parler des allers-retours qui lassent et fatiguent.

Envie d’arrêter, de se poser enfin. Où, quand ? Et puis lequel suivrait l’autre et pourquoi ? Que faire de cette envie de créer une famille que contredit souvent la lancinante volonté d’épanouissement perso ? Autant d’interrogations et de tourments qui ne se résolvent pas facilement. Il paraît que le  » split family  » peut avoir des effets désastreux sur le couple. Surtout si les séjours à l’étranger, pour l’un ou l’autre, durent plus de six mois. On parle même de taux de démission qui, chez les femmes, pourrait atteindre les 90 %.

Conjoint à distance ? Tous les avantages de la vie amoureuse sans les inconvénients de la cohabitation ? Un fantasme, un vrai. Car la vie de célibataire géographique peut sembler longue, bien longue à l’expatrié provisoire. Pourquoi s’enraciner quand le c£ur est ailleurs ? La vie en solo, c’est pas toujours rigolo, même à l’heure du téléphone portable et du Net. Et puis, c’est bien connu, quand on est loin de chez soi, on travaille plus, bien plus, histoire de passer le temps. Tout bénéfice pour l’entreprise !

En ce début de xxie siècle, 2 % des Européens résident dans un pays de l’Union autre que leur pays d’origine. Et demain ? Le double, le triple sans doute. Avions, Thalys, TGV, boulot, dodo, l’heure sera aux navetteurs et à la mondialisation amoureuse. Un sacré chambardement en perspective.

Christine Laurent

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