Ladies Sing The Blues

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le 10e Festival Voix de Femmes s’installe à Bruxelles, Liège et Anvers pour écouter chanter poésie et engagement au gré d’identités multiples. Cinq raisons pour y aller.

1. Billie, la pionnière. L’affiche de la manifestation montre Billie Holiday, en extase naturelle, dans une photo de 1947 : simplement, elle chante. Radiographie immédiate de ce qu’une vocaliste éblouissante peut amener au monde : du charnel imprégné d’histoire graniteuse. Lady Day (1915-1959) a traversé une époque particulièrement électrique marquée par la ségrégation et ses addictions perso, tout en laissant une trace qui continue à inspirer le festival Voix de Femmes (1).

2. Nena Venetsanou, la lionne. Cette Athénienne, née en 1955, possède une crinière qui n’est jamais que la métaphore ourlée d’une voix incroyablement résonnante. Étudiant l’histoire de l’art et l’archéologie en France, Nena retourne au pays, nantie d’un vaste désir de musique, identifié à l’émancipation des femmes grecques. Alors, bien sûr, Nena va se conjuguer à tous les compositeurs en  » is  » (Theodorakis, Namagakis, Léondis, Mavroudis) tout en construisant une présence vocale d’une folle dignité. Au festival, elle présente 1000+1 cities, conte chanté dédié à la ville.

3. Dobet Gnahoré, le groove. Vingt-neuf ans et une présence magnétique entre une afro-Beyoncé et un Fela Kuti revenu des limbes en corps de femme : cette sculpturale Ivoirienne est la marque groove de l’édition. Au-delà du look qui attire les superlatifs, elle a une façon forte d’incendier le chant sur des rythmes qui n’en finissent pas, donnant la certitude que nuit et danse font intégralement partie des Droits de la femme. Éduquée par un père maître-tambour dans un village proche d’Abidjan, Dobet incarne aussi la transcendance de l’éternel africain en vision urbaine.

4. Caci Vorba, l’Est. Ses yeux sont charbonneux et ses lèvres frémissent au chant. Quand Maria Natanson de Caci Vorba lance sa voix, les instruments de ses comparses ondulent et la suivent dans un maelstrom bluffé d’accordéon, de bouzouki, de contrebasse et de darbouka. Il faut voir ce splendide clip sur YouTube (2) pour saisir la beauté de cet ensemble polono-ukrainien épris de musiques tziganes. Qu’il sert avec une inspiration parfumée et parfois jazzy.

5. Deba, le sacré. Elles ont étonné au Festival de Fez comme partout où elles se produisent. Ces quinze femmes venues d’un confetti de l’océan Indien – Mayotte – vont de l’adolescence à l’entame du troisième âge : sur foi de leur islam, elles ondulent en ch£ur, évoquant à la fois le mystère vinaigré des chants touaregs et l’acrobatie polyphonique des liturgies de l’Est. De la tradition soufie, ces voix ont pris tout le message d’amour – divin ou terrestre – et rappellent, si nécessaire, que l’islam est également source de douceur et de sensualité.

(1) Du 17 au 25 novembre, www.voixdefemmes.org

(2) Tapez Caci Vorba et vous arriverez sur Te astept neica de-o luna

Philippe Cornet

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