L’ÉMOTION PLUS QUE LA PERFECTION
Chaque année, quelque 70 millions de tonnes de matières premières sont injectées dans la fabrication de biens en tout genre. Et on devrait franchir la barre des 82 millions en 2020 (1). Là où ça coince, c’est que 80 % d’entre elles ne sont pas récupérées lorsque les produits qu’elles ont servi à créer arrivent en fin de vie. Tout cela terminant salement au rebut, on comprend facilement que la démarche n’est pas tenable à terme. Surtout si l’on tient compte de la finitude des ressources naturelles et, démographie galopante oblige, des besoins qui vont croissant…
D’où certaines propositions, encore trop timides, dans le sens d’une économie non plus linéaire, soit » fabriquer-consommer-jeter « , mais circulaire. C’est l’exemple tout bête des vieilles bouteilles en plastique réutilisées pour en produire de nouvelles. Parfois, la seconde vie de ces matériaux dont on ne veut plus peut même se révéler plus belle que la première. C’est le cas avec la chaise Sparkling, imaginée par le designer Marcel Wanders à partir de ces mêmes flacons en PET et éditée chez Magis. Ou de la 111 Navy Chair d’Emeco, confectionnée avec… 111 d’entre eux. En son temps, Andrée Putman avait déjà dessiné une chaise longue réalisée à partir d’un stock de ceintures de sécurité d’avion. Quant aux frères Campana, nourris à la culture de la rue brésilienne, ils ont fait de l’upcycling leur marque de fabrique et collaborent aujourd’hui avec la maison Vuitton, dont ils transforment les chutes de cuir en objets de désir.
C’est d’autant plus tendance que le vintage, sous toutes ses formes, n’a jamais été autant valorisé. Après la mode, la déco confirme à son tour son (bon) goût pour les madeleines de Proust millésimées. Le 16 octobre dernier, Christie’s a ainsi mis aux enchères – pour un montant de 5,2 millions d’euros – la collection de raretés que Jacques et Galila Hollander ont acquises au hasard des marchés aux puces et des ventes publiques au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Ici, animaux empaillés, crânes ou coquillages côtoient des oeuvres d’art plus conventionnelles. » Il y a cinq ans, nous n’aurions jamais mis en vente cette série, confirme Lionel Gosset, expert de l’institution. Ce genre de curiosités ne rencontrait qu’un intérêt limité. » Un signe, peut-être, que l’on préfère aujourd’hui l’émotion à la perfection…
(1) Source : rapport 2012 de la fondation Ellen MacArthur, Vers une économie circulaire.
Delphine Kindermans
La déco confirme son (bon) goût pour les madeleines de Proust millésimées.
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