METROBOYS

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(1) Lire également notre spécial Hommes du 26 septembre dernier.

Il y a chez lui un zeste de rébellion, mais sans cause apparente. Il est un peu poseur, mais sans ostentation. Il joue habilement avec sa part de féminité, mais sans virer efféminé. Bien au contraire. Il se revendique hétéro, un peu macho. Et en quelques mois à peine, il est devenu le chouchou des pros du marketing. Chic, toujours soigné, cultivant un sens aigu de l’esthétisme, des détails, un art de vivre extravagant teinté de classicisme, le  » metrosexual  » (l’inconditionnel de la ville) a compris que dans cette société dont le corps est le héros, il devait en faire davantage encore pour donner la meilleure image de lui-même.

Ce sont les Anglo-Saxons qui, les premiers, ont flairé le spécimen. Et épinglé ce trentenaire, urbain, aisé, qui adore le shopping et s’inspire sans complexe de la garde-robe de sa copine ou de la  » gay attitude « . Ce néo-dandy apprécie tout particulièrement les tissus soyeux, riches, voluptueux, les bijoux, la lingerie. Un vrai jouisseur. Consumériste en plus. Notre homme est devenu tout naturellement une nouvelle cible commerciale dans un contexte de crise exacerbé. Le joaillier Chaumet a créé pour lui  » Dandy  » (of course), une nouvelle ligne de bijoux, et La Perla  » Grigio La Perla « , des sous-vêtements aux matières délicates et raffinées. Jean Paul Gaultier l’a rêvé maquillé et lui a offert, rien que pour lui,  » Tout Beau Tout Propre « , un anticerne, un khôl et une poudre pour le bout du nez (1). Mieux. Les collections Hommes printemps-été 2004 multiplient les pourpoints, la dentelle ou le taffetas. Bref, on épie, on guette ce  » metroboy  » car, en se distinguant, il est devenu tout naturellement faiseur de tendances.

Le néo-dandysme ne se veut pas subversif. David Beckham, Edouard Baer ou Brad Pitt, ses icônes, même s’ils sont les très lointains héritiers du dandysme du xixe siècle, ne bravent en rien aujourd’hui des tabous ou préjugés sexuels largement dépassés. Ils veulent surtout être différents. Séduire. Intégrer en eux le féminin et le masculin. L’hétérofolie, comme l’ont qualifiée certains médias, serait ainsi à la gent masculine ce que le vintage est à la femme : cousu de flash-back et extraordinairement actuel. L’homme s’affiche sujet et objet de désir. Tout en se rappelant peut-être, comme le notait malicieusement Oscar Wilde dans son merveilleux  » Portrait de Dorian Gray « , que le naturel, lui aussi, est une pose.

Christine Laurent

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