MONEY in the city

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Sept cents millions de touristes… et moi et moi et moi. Agités, fébriles, qui sillonnent la planète dans tous les sens, du nord au sud, d’est en ouest, paniqués à l’idée de rater l’ombre d’une colonne  » rare « , le clocher baroque  » exceptionnel « , la vue plongeante  » extraordinaire « , le musée  » fashion  » ultradesign, le patio millénaire  » légendaire « . Une nuit à Paris, deux nuits à Rome, cinq nuits à New York. Tout voir, tout visiter, tout photographier, tout noter, tout tester. Surtout ne rien manquer, de peur de rentrer idiot. Une véritable boulimie qui conduit souvent à sauter d’un coin à l’autre, avec sur notre boussole une aiguille davantage aimantée par le célèbre petit Guide Vert que par notre curiosité magnétique personnelle. Et puis qui sait ? On ne reviendra peut-être pas. Normal, dès lors, de se bousculer pour admirer un maximum de choses en un minimum de temps, explorant ainsi une toile, il faut l’avouer, d’autant plus hétéroclite que ses fils n’ont, bien souvent, aucun rapport entre eux.

Deux milliards de touristes… et moi et moi et moi, peut-être. L’Organisation mondiale du tourisme a fait ses comptes : en 2020, les flux nomades, toujours titillés par l’exploration de nouveaux horizons, la recherche d’émotions inattendues, auront triplé. Autant de voyageurs soucieux de découvrir, non seulement les dunes des déserts lointains, les couchers de soleil sur les plages léchées par une mer scintillante, mais aussi le label patrimoine estampillé par l’Unesco. Riche aujourd’hui de pas moins de 754 sites éparpillés dans le monde (avec au top l’Italie, l’Espagne, la Chine et la France), la vénérable institution verra tout naturellement, dans les années à venir, son catalogue gonfler. Villes, villages, régions, on se bouscule au portillon pour être reconnu. Tous ont flairé le filon. Car figurer sur LA liste peut rapporter gros. Pas moins de 30 % en moyenne de recettes en plus sur à peine deux ou trois ans. Qui dit mieux ?

Et qui s’en plaindrait ! Eh bien, l’Unesco pardi. La voilà qui tire même la sonnette d’alarme : notre beau patrimoine serait en danger. Car le trop plein de globe-trotteurs, s’il remplit les caisses du business, menace l’intégrité même du patrimoine. Déjà de nombreux sites frisent la saturation. Et à terme, une véritable détérioration. On parle désormais de tourisme durable, de protection, de précaution. A terme, il faudrait presque aller se faire voir ailleurs. Frustrant ! Alors c’est reparti. Même au pas de course, on va se les avaler toutes ces villes à feuilleter, ces lieux encore à dénicher. Car il est plus que temps !

Christine Laurent

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