Nétiquette, etc…
» Sur la route, le conducteur est courtois avec tous et toutes, même avec un poulet. » C’était au temps où…. Les années 1920, plus précisément, quand Louis Baudry de Saunier, cartonnait avec son best-seller » L’art de bien conduire une voiture » (1). Aujourd’hui, on cherche désespérément un poulet sur nos routes. Normal, élevé en batterie, il file ensuite en ligne directe sur l’assiette. Tout passe. Reste la politesse au volant. Une question de vie ou de mort, certes, mais dont les poulets sont désormais définitivement exclus.
Shocking ! De tous les côtés on s’insurge, on se plaint. Envolé le savoir-vivre, disparu. Et chacun de pointer le jet continu d’impolitesses de l’autre, en fermant soigneusement les yeux sur les siennes. Il n’empêche. Au boulot, dans la vie privée, bref à chaque fois que l’on se frotte aux autres, à l’autre, inévitablement on flirte avec l’étiquette, les conventions, les normes. On se rencontre, on se reçoit, on dîne, on se salue, on s’aime, on se fiance, on se marie, on se quitte… A chaque situation son code. Autant de circonstances où l’on peut se sentir à la fois gêné et sans gêne.
Le mal du siècle ? La tare du IIIe millénaire ? Faux, archifaux. Car si l’on en croit Frédéric Rouvillois, l’histoire de la politesse, c’est bien une histoire de flux et de reflux, avec ses marées subtiles, ses modes byzantines (2). Un exemple ? La France. Ultraraffinée au xviiie siècle, elle bascule dans l’anarchie totale au moment de la Révolution de 1789. Pour mieux se policer avec Bonaparte et l’arrivée au pouvoir de la bourgeoisie du xixe siècle. Et plonger à nouveau dans le désordre, dans l’incertitude dès 1950, et couler à pic en 1968…
Tout bouge, tout change. En vrac, la libéralisation des m£urs, la dictature du téléphone portable (qui permet de planter tout de go un ami pour passer, ouvertement, sous son nez, à un autre), l’omniprésence d’Internet, qui a créé de nouvelles formes de sociabilité… Voilà toutes les données de la bienséance à nouveau chamboulées. Des chapitres entiers à écrire encore. Prenez la nétiquette. Dans cette bulle virtuelle mondiale surdimensionnée, mais aux normes assez molles et incertaines, comment se comporter face à l’autre ? Car ici, pas de sanction, pas d’autorité, pas encore vraiment de savoir-vivre. Juste un peu de feeling, du bon sens. Quelques relents d’éducation. Et dans cet espace-là aussi, même si on y croise bien peu de poulets, un zeste de courtoisie, juste un zeste, ça fait du bien.
(1) Flammarion.
(2) » Histoire de la politesse « , Flammarion, 551 pages.
Christine Laurent
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