Ni ange, ni démon
La relation est délicate. Très délicate. A flux tendu, elle demande beaucoup de finesse, de subtilité, de tolérance, de respect. Mère-fille. Un couple complexe qui oscille, souvent, entre osmose et rivalité, passion et désamour. Une liaison dangereuse ? Parfois. Si l’on en croit la prolifération d’ouvrages au féminin avec pour c£ur de cible » maman « . Autant de témoignages, de souffrances, d’interrogations, de descentes en apnée au plus profond de soi pour comprendre et se libérer. Des chaînes invisibles qui subrepticement se sont substituées au cordon ombilical pour devenir progressivement autant d’obstacles à un mieux vivre.
» La mère est une étoile majeure de la constellation affective d’un enfant « , affirme le psy Boris Cyrulnik. Soit. Mais le temps passe, les enfants grandissent. Comment trouver sa juste place dans la relation ? Comment être mère sans étouffer sa fille, et devenir femme sans rejeter sa mère ? C’est la question majeure posée par Véronique Moraldi, » fille de sa mère, mère de sa fille et aussi parfois mère de sa propre mère » (1). Grâce à une introspection sans faux-semblant, elle esquisse des pistes. Pour mieux se comprendre et évoluer ensemble de manière harmonieuse. Première étape, indispensable, la séparation, qui seule permettra à la fille de prendre son envol. Pas question pour la mère de rester collée à la chair de sa chair. Bien au contraire, elle lui trouvera une juste place désormais dans sa vie. Une place qui impose plus de distance, certes, mais qui ne privera pas la » petite » de l’amour maternel présent en toutes circonstances.
» Maman reste une énigme, l’énigme de ma vie et vice versa « , affirme Véronique Moraldi. Peut-on en dire autant d’Edith Vallée qui s’est penchée sur ces femmes qui, tout comme elle, refusent de devenir mères ? (2) (lire aussi l’article d’Agnès Trémoulet, pages 36 à 40) Parce que » ne pas faire d’enfant, c’est d’abord être différente de sa mère « , expliquent-elles. Et puis aussi pour dire que sans enfant, elles assurent ainsi l’envie de pérennité de leur mère. Ou bien encore que, si un espace de désir existe bel et bien en elles, ce désir est ailleurs, dans la création par exemple. Grosses d’un enfant déjà né, jamais né, elles-mêmes. Et qui doit se trouver vraiment, » découvrir son île, le trésor qui est le sien, donner un plus de vie à la vie « .
Oui, Véronique Moraldi a raison. La mère est une énigme. Cet été, dans le petit cimetière de Mariakerke, une araignée géante (9 mètres de métal et de marbre), féconde de nombreux £ufs, veillera la modeste tombe de James Ensor (3). Signée Louise Bourgeois, la doyenne de l’art contemporain, elle enserre de ses huit pattes tentaculaires la pierre, devenue minuscule, qui protège la sépulture du grand artiste belge. Son nom ? » Maman « . Tout un symbole.
(1) » La Fille de sa mère « , Les Editions de L’Homme.
(2) » Pas d’enfant, dit-elle « , éd. Imago.
(3) Dans le cadre de » Beaufort Outside 2006 » , 10 cités du littoral se mettent à l’art contemporain. A voir jusqu’au 1er octobre prochain.
Christine Laurent
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