Psys sur le divan

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

David Servan-Schreiber est formel :  » Tous les psys que j’ai rencontrés ont eu un environnement familial chaotique.  » A la demande de la journaliste Isabelle Giordano, le fils aîné de  » JJSS « , devenu le gourou des consommateurs d’oméga-3, s’est laissé aller à la confidence. On apprend ainsi que c’est une grand-mère infirmière qui lui a transmis le virus de la médecine. Que ce métier le fait vibrer et donne du sens à sa vie. Un entretien plutôt mou, mais qui, à la grande stupeur de l’intervieweuse, s’achèvera dans un émoi extrême, des  » larmes coulant même sur la joue  » du célèbre chercheur alors qu’il évoquait ses souvenirs professionnels. Une image à contre-courant de celles que l’on se fait souvent de ces nouveaux  » dieux « , de ces guérisseurs charismatiques qui ont envahi aujourd’hui les médias.

Ils sont sept, en fait, à avoir accepté de s’allonger sur le divan de notre cons£ur (*). Sept psys célèbres qui ont bien voulu lui révéler la face cachée, les coulisses, l’arrière-boutique d’une profession en réalité plutôt méconnue. On découvre ainsi l’univers de Michèle Freud, l’arrière-petite-fille de Sigmund, qui a tenté de fuir, un temps, l’héritage de son célèbre aïeul, pour tomber quand même dans la marmite la quarantaine venue. On croise aussi le neuropsychiatre et éthologue Boris Cyrulnik.  » Le métier procure plus de blessures narcissiques que de gratifications de l’ego. (…) Aucun metteur en scène, aucun romancier ne peut inventer ce que les gens nous racontent « , affirme-t-il. Jean-Pierre Winter, un ancien élève de Lacan et un ami de Françoise Dolto, va plus loin encore.  » C’est un métier où l’on se pose chaque jour la question de savoir si l’on est dans l’imposture, dans l’escroquerie, et on n’est jamais totalement convaincu de ne pas y être.  » Bigre, un aveu qui ne devrait pas plaire à tout le monde ! Quant au bouillant Marcel Rufo, LE grand spécialiste de la pédopsychiatrie en France, il reconnaît être un père bien démuni devant sa propre fille. Et avoir peur, parfois, que les adultes se prennent pour des grandes personnes.

Pas simple, on le comprend, de se confronter à la souffrance d’autrui. Surtout si l’on est soi-même blessé. Un défi relevé, sans aucun doute, par l’hypermédiatisé Gérard Miller, lui qui aime jouer au chat et à la souris avec les journalistes,  » un petit monde sans importance où je baguenaude la tête ailleurs « . Magicien amateur, Miller s’est pris d’une réelle passion pour le cirque et le music-hall. Un goût pour la pirouette et le saut qui lui font porter davantage d’attention aux lapsus, aux faux pas. Rien dans les mains, rien dans les poches, ses comptes sont à zéro.  » Aider l’autre, très bien, mais surtout ne pas l’encombrer.  »

L’envers du miroir ? Des hommes et des femmes de chair et de sang pour un métier épuisant mais passionnant. Et qui demande un vrai travail sur soi-même, un réel recul. Surtout quand on a une fâcheuse tendance à se laisser émouvoir par les fêlures de l’autre.

(*)  » Voyage au pays des psys « , éd. Albin Michel.

Christine Laurent

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