Sex-toys
Il paraît que ça se vend comme des panetone à Noël. La vague sulfureuse est partie de San Francisco, il y a belle lurette, pour gagner Londres et, désormais Paris. Elle a échoué, entre autres, dans le sous-sol de la très sélecte boutique Sonial Rykiel Woman, rue de Grenelle, devenu depuis l’automne dernier l’antre modeux du batifolage sexuel (1). Sur les étagères couvertes de soie, rien moins que l’étalage de l’intime, des joujoux hot vendus en douce, il y a quelques années à peine, dans les arrière-boutiques. Essentiellement des vibromasseurs (« godes » pour les initiés), relookés, of course, par de grands designers, et quelques accessoires érotiques devenus les indispensables du porno chic. On se précipite, on achète, la waiting list déborde. Plus d’interdit, que du plaisir, du fun, de l’humour. Clientèle visée: les femmes « libérées », branchées, qui revendiquent haut et fort leurs plaisirs sexuels en solo ou en duo (qui le leur conteste?), soucieuses qu’elles sont de faire voler en éclats tous les codes puritains qui sévissent encore dans notre société. Plus d’hypocrisie, vive la déculpabilisation, un credo qui prend des vraies allures trendy puisqu’il conjugue désormais mode, luxe et sexe. L’usine de rêves se mue ainsi en usine à fantasmes pour devenir le snobisme ultime de la fashion victim. Déjà les psys s’agitent. Pour mieux se diviser. Les femmes affirment leur ras-le-bol de la phallocratie; la dédramatisation autour de l’achat de ces sex-toys leur permet de s’approprier et d’assumer totalement leur féminité, d’être bien dans leur corps, se réjouissent certains. Les rabat-joie, eux, pointent la solitude des femmes dans les grandes villes, la difficile communication avec l’autre sexe, la quête d’amour et de liens de plus en plus délicate à assouvir. Sexualité triomphante contre manque de l’autre… Eros y reconnaîtra les siens. Nul doute en tous les cas que ce sacré charivari fait plutôt l’affaire in fine des as du marketing. Certes, l’offre n’existe que parce qu’elle est chatouillée par une vraie demande. Mais le coup de génie de ces marchands du IIIe millénaire, c’est d’avoir réussi à faire passer d’obscurs objets de désir tabous en produits hype. Les transformant en une formidable source de profits juteux. Mais pas pour très longtemps peut-être. Pas de chance, les trendsetters nous prédisent déjà des lendemains plus angéliques et pudiques. « Dura sex, sed sex ».
Christine Laurent [{ssquf}], (1)Lire également l’interview de Nathalie Rykiel dans notre spécial Mo
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici