TO EAT OR NOT TO EAT
(1) » The Independent « , extraits publiés dans un Hors-Série de » Courrier International « , mars 2002
On a peine à le croire, mais ils en font bel et bien tout un plat. Si l’on en croit une étude réalisée outre-Manche auprès de pas moins de 1 000 personnes (1), plus de la moitié des Anglais souffrent de » kitchen performance anxiety « . Traduction : dès qu’il s’agit de mettre la main à la pâte, c’est la panique. La faute à Jamie Oliver, Nigella Lawson ou Gary Rhodes, des toqués étoilés, des superstars des pianos du xxie siècle qui, avec leurs recettes salées-sucrées ont envahi le petit écran. Car ces » TV chef « , outre leurs bons conseils, flanquent carrément des complexes à leurs admirateurs. Résultat : recevoir des amis à dîner devient, pour les British, une telle source d’angoisse qu’ils en ratent carrément leurs plats. Les sauces tournent, les rôtis brûlent, les dessert s’affaissent. Un véritable cauchemar. Pis : pas moins de 61 % des interviewés jugent plus stressant d’organiser un dîner que d’aller à un entretien d’embauche.
Ah, la vie était bien plus simple au temps du porridge et du pudding. Il n’empêche. Plutôt que de se laisser tétaniser par la télé, peut-être nos voisins du nord seraient-ils mieux inspirés de plonger dans un bon livre de cuisine. Il n’en manque pas, même à prix modéré. Rien qu’en France, on publie pas moins de 700 livres de recettes par an, soit deux par jour en moyenne. Les saveurs et gourmandises représentent ainsi 35 % du secteur de l’édition pratique. Une véritable révolution boostée avant tout par la photo culinaire. Des images travaillées comme dans les magazines féminins par des photographes… de mode et des stylistes pointus, histoire d’allécher le » consomm’acteur « , le jeune parent urbain, cible de toutes les convoitises commerciales.
Chic et pas cher. Même le livre de recettes à prix modéré est devenu un bel album, richement illustré. Solar, Minerva, Flammarion, tous mettent le couvert. Avec une toque en prime pour Marabout-Hachette qui, pour un prix moyen, joue avec brio les maîtres queux branchés. Peu de blablas gastronomiques, des recettes simples, originales, inattendues. On évite les plats en sauce ou les saucisses. Aujourd’hui, la tendance est plutôt » nature naturelle « . Les légumes sont à peine cuits, on exhibe les fibres de la matière, version dégraissée. Bref, il faut faire saliver, apporter de vraies émotions gourmandes. En toute simplicité. Et au diable, le » TV chef « .
Christine Laurent
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