L’ex-roi d’Espagne Juan Carlos poursuivi pour harcèlement, sans immunité
La Haute Cour de Londres a refusé jeudi d’accorder à l’ex-roi d’Espagne, comme il le réclamait, l’immunité conférée par son statut de membre de la famille royale, ouvrant la voie à des poursuites pour harcèlement engagées par une ancienne compagne.
Cette décision est un revers pour Juan Carlos Ier, 84 ans, qui vit en exil aux Emirats arabes unis, alors que la justice espagnole avait classé sans suite, début mars, trois enquêtes le visant, notamment pour corruption et malversations.
« Quel que soit le statut dont le défendeur dispose en vertu de la loi et de la constitution espagnoles, il n’est plus un « souverain » ou un « chef d’Etat » lui conférant l’immunité personnelle », a justifié le juge, Matthew Nicklin, en déclarant la Haute Cour compétente pour examiner la plainte.
Il a aussi considéré que le harcèlement présumé dont l’ex-roi est accusé « ne relève pas de la sphère d’une activité gouvernementale ou souveraine ».
Une nouvelle audience a été fixée au 29 mars.
Corinna zu Sayn-Wittgenstein-Sayn, 58 ans, une femme d’affaires danoise, poursuit Juan Carlos devant la Haute Cour de Londres afin d’obtenir des dommages et intérêts pour des faits supposés de harcèlement.
« Le jugement d’aujourd’hui démontre que cet accusé ne peut pas se cacher derrière une position, un pouvoir ou un privilège quelconque pour éviter cette procédure », a salué son avocat, Robin Rathmell.
« Il s’agit ici de la première étape sur le chemin vers l’équité; les faits épouvantables de cette affaire seront enfin portés devant la justice », a-t-il ajouté dans un communiqué.
Livre sur Diana
Selon les documents présentés par ses avocats, Corinna zu Sayn-Wittgenstein-Sayn a entretenu une « relation romantique intime » avec l’ancien monarque entre 2004 et 2009. Après leur rupture, ils seraient restés amis, avant que Juan Carlos ne cherche à raviver leur relation.
Lorsque la femme d’affaires a « clairement indiqué son refus », l’ex-roi a adopté un « comportement relevant du harcèlement », affirme-t-elle, l’accusant d’avoir « organisé » une série d’actes malveillants, lui causant « détresse et anxiété ».
Ses avocats ont fourni à la Cour le détail de nombreux actes – intrusions dans sa propriété en Angleterre ou coup de feu contre son dispositif de sûreté, trou percé dans la fenêtre de sa chambre à coucher en pleine nuit – qu’ils estiment avoir été commandités par Juan Carlos.
Un « associé » de Juan Carlos se serait ainsi montré « menaçant » envers elle et ses enfants pendant une rencontre à Londres en 2012, programmée selon Mme zu Sayn-Wittgenstein-Sayn pour « correspondre aux effractions dans ses appartements à Monaco et à Villars, en Suisse ».
Un jour, un livre sur la mort de la princesse Diana a été ostensiblement déposé sur une table chez elle durant une absence.
Le soir où Mme zu Sayn-Wittgenstein-Sayn l’a découvert, elle affirme avoir reçu un appel d’un inconnu lui glissant en espagnol qu’il « y a beaucoup de tunnels entre Monaco et Nice », dans le sud-est de la France.
Juan Carlos a rejeté ces accusations.
Cerné par les scandales et les révélations sur son train de vie fastueux en Espagne, où il a été une figure centrale de la transition démocratique après la mort du dictateur Franco en 1975, il y est tombé en disgrâce. Il a abdiqué en 2014 au profit de son fils Felipe VI, qui a pris ses distances.
Malgré la clôture d’enquêtes judiciaires le visant dans son pays, qui aurait pu marquer son retour, il a choisi de rester à Abou Dhabi.
En décembre, la justice suisse avait elle aussi classé sans suite l’enquête portant sur des avoirs de l’ancien souverain en Suisse, dont 100 millions de dollars versés par l’Arabie saoudite.
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