Juan Carlos Ier, portrait du roi d’Espagne autrefois hyper populaire, désormais lessivé par les scandales
Personnage-clé de l’histoire espagnole du XXe siècle, Juan Carlos Ier, qui a bénéficié ce 2 mars 2022 d’un classement sans suite des enquêtes le visant en Espagne, a guidé son pays vers la démocratie et empêché un coup d’Etat, avant que les scandales aient raison de son règne. Portrait.
Couronné le 22 novembre 1975, deux jours après la mort du dictateur Francisco Franco qui l’avait placé sur le trône, le monarque fut longtemps très populaire pour son rôle central dans la transition de l’Espagne vers la démocratie après 36 ans de dictature. Mais il a fini par abdiquer en 2014 au profit de son fils Felipe VI, sur fond de scandales entachant de plus en plus sa réputation.
Soupçonné de corruption, cerné par les enquêtes judiciaires, il s’est exilé en août 2020 aux Emirats arabes unis pour, avait-il dit à l’époque, faciliter à son fils « l’exercice de (ses) fonctions », devant « les conséquences publiques de certains événements passés de (sa) vie privée ».
Né à Rome le 5 janvier 1938, Juan Carlos, petit-fils du roi Alphonse XIII qui s’était exilé en 1931, a grandi dans une famille royale « pas très tendre », qui le place en pensionnat en Suisse, selon l’historien britannique Paul Preston. Il n’a que 10 ans quand on lui fait prendre un train vers un pays qu’il ne connaît pas: l’Espagne.
Dans l’ombre de Franco
Franco, qui dirige le pays depuis sa victoire dans une guerre civile sanglante (1936-1939), veut le faire éduquer près de lui. Le père de Juan Carlos accepte, dans l’espoir de récupérer un jour le trône d’Espagne.
Un drame terrible marque la jeunesse du prince: en jouant avec une arme chez ses parents au Portugal, il tue accidentellement d’une balle son frère Alfonso.
Formé dans les académies militaires, Juan Carlos passera 27 ans dans l’ombre de Franco, qui le considère peut-être comme le fils qu’il n’a pas eu, mais le place sous une étroite surveillance.
En 1962, il épouse la fille du roi de Grèce, Sofia, avec laquelle il aura trois enfants, Elena, Cristina et Felipe.
Une fois sur le trône en 1975, le souverain fait évoluer le pays vers la démocratie avec la légalisation du Parti communiste, l’amnistie des délits politiques et, en 1977, les premières élections libres depuis 1936.
Il s’impose définitivement comme le « roi de la démocratie » en neutralisant la tentative de coup d’Etat militaire du 23 février 1981. Ce jour-là, le lieutenant-colonel Antonio Tejero Molina surgit à la tête de quelques gardes civils dans la chambre des députés, revolver au poing, et prend en otage les parlementaires.
Après avoir passé la nuit à parler avec des militaires pour dissuader l’armée de soutenir les putschistes et faire échouer le soulèvement, le souverain de 43 ans apparaît à la télévision en uniforme pour déclarer que « la Couronne (…) ne peut en aucune façon tolérer les agissements de personnes prétendant interrompre par la force le processus démocratique ».
Scandales
Passionné de ski, de moto, de voile, de chasse et de tauromachie, le monarque connaît l’apogée de sa popularité en 1992, au moment des Jeux olympiques de Barcelone et de l’Exposition universelle de Séville. Le pays ferme alors les yeux sur ses innombrables liaisons amoureuses, ses amitiés compromettantes et ses affaires en coulisses.
Mais 20 ans plus tard, une fracture de la hanche lors d’un safari de luxe en 2012 au Botswana marque la fin de sa popularité. La crise financière mondiale a mis le pays à genoux et l’Espagne découvre, effarée, que son chef d’Etat est allé chasser l’éléphant, aux frais d’un entrepreneur saoudien, en compagnie de Corinna zu Sayn-Wittgenstein, femme d’affaires allemande qui partageait alors secrètement sa vie.
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La boîte de Pandore s’ouvre et les révélations se sont multipliées sur le train de vie fastueux du monarque, soupçonné d’avoir servi ses intérêts en servant ceux de l’Espagne et d’avoir amassé une fortune occulte à l’étranger, notamment grâce à ses relations étroites avec les monarchies du Golfe.
Depuis 2018, la justice, en Suisse et en Espagne, avait lancé plusieurs enquêtes sur lui, finalement toutes classées. Ces affaires ont sapé l’image de la monarchie et amené son propre fils Felipe VI à prendre ses distances en lui retirant en mars 2020 une dotation annuelle de près de 200.000 euros et en annonçant qu’il renonçait à son héritage.
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