Le sportainment: entre (re)découverte des joies du sport et dangers potentiels pour le corps

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Le sportainment, une pratique jouissive qui n'est pas sans risques - Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Hybride de sport et d’entertainment, le sportainment fait toujours plus d’adeptes, séduits par la perspective de suer en s’amusant. Une pratique ludique qui n’est toutefois pas sans risques.

Imaginez: dans une pénombre festive, brisée par les éclairs épisodiques de stroboscopes, vous vibrez au rythme d’une musique endiablée qui semble s’emparer de votre corps tout entier. Baigné·e de sueur mais aussi et surtout d’endorphine, la fameuse « hormone du bonheur », vous irradiez de joie, chassant le stress, la fatigue et la sinistrose à chaque mouvement. Vous êtes… en boîte de nuit, en soirée? Loupez, la scène se passe à la salle de fitness, et est emblématique de la pratique du sportainment, drôle de néologisme venu tout droit des États-Unis, où, depuis le début des années 2000, l’idée de s’adonner à une activité physique dans un contexte ludique voire même carrément festif fait toujours plus d’adeptes. Et depuis quelques années, ces derniers se comptent aussi sur le Vieux Continent, où le phénomène Soul Cycle, né à New York en 2006, a fait des petits – et ne se limite plus aux vélos stationnaires.

Rien qu’à Bruxelles, GOBOX propose ainsi des cours de boxe collectifs dans une ambiance endiablée qui rappelle celle d’une discothèque (musique et spots colorés compris), tandis qu’Animo propose des cours d’indoor cycling qui se tiennent dans le noir, ambiancés par des chansons qui ne dépareraient pas sur le dance floor. Lequel se transforme parfois littéralement en salle de fitness, lors des soirées Exhale Your Sins, lancées par la salle de sport The Studio en collaboration avec la boîte de nuit bruxelloise Spirito. On l’aura compris, si le concept de sportainment aura mis un moment à franchir l’Atlantique, il déferle désormais sur les salles de fitness, et séduit non seulement les sportifs confirmés mais aussi les novices ou les découragés, qui découvrent dans cette approche joyeuse et décomplexée la motivation qui leur manquait.

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Le sportainment, un concept à double tranchant?

Car au-delà des bandes-son endiablées et de l’esprit de camaraderie qui s’empare des élèves lors de ces cours à haut potentiel énergétique, qui dit sport dans le noir dit aussi une manière pour celles et ceux que leurs complexes empêchent de profiter pleinement de leur pratique sportive, voire même, de faire de l’effort, de bouger à l’abri des regards.

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Malheureusement, cet avantage du sportainment a aussi un pendant négatif, le revers de la médaille étant que si vos partenaires d’exercice ne vous voient pas, la personne qui donne le cours, non plus, ou du moins, pas aussi bien que lors d’un cours moins survolté, donné à la lumière du jour ou d’un éclairage artificiel. Et si votre posture n’est pas correcte, il se peut donc qu’elle ne soit pas corrigée, avec tous les risques que ça entraîne.

« L’avantage du sportainment, c’est que c’est très motivationnel, or les gens ont besoin d’une motivation pour venir bouger, le simple fait d’entretenir leur forme physique ne suffit plus. Si les gens bougent, c’est bien, mais le problème avec cette approche c’est qu’elle sacrifie la facette éducationnelle au profit du ludique. Les corrections risquent de passer un peu à la trappe » explique Olivier Massart, professeur d’éducation physique et diplômé en pédagogie sportive, qui exerce depuis 20 ans le métier de coach sportif en région liégeoise.

« Sur un vélo d’indoor cycling, il y a moins de risques d’erreur qu’avec des haltères, mais si on boxe, c’est déjà plus compliqué. Dans une ambiance night club, la vision est obstruée, or elle est très importante pour s’assurer d’avoir une posture correcte ».

Olivier Massart

Et le Liégeois d’en profiter pour démonter quelques idées reçues potentiellement dangereuses, quelle que soit votre pratique sportive de choix.

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La quantité et la qualité

« Beaucoup de gens pensent qu’ils doivent s’étirer avant une séance, or ça va désensibiliser les insertions musculaires, ce qui donne une mauvaise perception de son corps. Si on se fie simplement aux sensations, on court donc le risque d’aller trop loin dans certains mouvements, avec des blessures potentielles à la clé ». La règle d’or pour une pratique safe du sport? « Le placement du bassin est extrêmement important. S’il n’est pas bien placé, on n’arrivera jamais à mettre le dos droit, et on risque de forcer dans la mauvaise posture ». Avec, là aussi, risque de blessures.

Et que dire de l’attrait de « tout donner » au son d’une musique endiablée puis de reprendre le rythme effréné de sa vie une fois la séance finie? Là aussi, Olivier Massart recommande d’être attentif, afin de s’assurer d’obtenir les effets escomptés.

« Une personne qui va monter dans les tours lors d’une séance d’indoor cycling va plutôt brûler les glucides consommés le jour-même au lieu des graisses stockées ».

Olivier Massart

Et le Liégeois de vanter les mérites d’une approche plus mesurée. « Pour une pratique saine du sport, mieux vaut une activité physique régulière plutôt que de se dire que vu qu’on a une vie chargée, on va faire une seule séance ultra intensive par semaine. Plusieurs petites séances hebdomadaires sont plus bénéfiques ». Et il n’est pas nécessaire de suer à grosses gouttes: « Parfois, c’est bien d’avoir des séances relativement faciles, en allant marcher par exemple. La marche est un super exercice parce qu’il est fonctionnel. C’est comme un pari sur l’avenir: contrairement à quelqu’un qui enchaîne les squats, la personne qui prend l’habitude d’aller marcher régulièrement utilise son corps d’une manière dont il ou elle aura besoin toute sa vie ». Et rien n’empêche de vous mettre en route avec une playlist dansante dans les oreilles…

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