Pourquoi certaines personnes aiment la surprise alors que d’autres détestent ça

Pourquoi certaines personnes adorent les surprises (et d'autres pas) - Canva
Pourquoi certaines personnes adorent les surprises (et d'autres pas) - Canva
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

La lecture n’est pas un passe-temps, c’est une promesse, celle de voyager dans le temps et l’espace au gré des ouvrages. Ivre de livres, Kathleen Wuyard vous emmène page à page dans ses périples papivores. Parmi lesquels La surprise, Une innocence renouvelée, publié par Valérie Zenatti chez Autrement.

«Ferme les yeux et tends les mains». Selon le contexte, la phrase peut aussi bien s’appliquer à l’offrande imminente d’un cadeau qu’à de la torture, et au fond, ce n’est pas vraiment un hasard – même si, un bourreau, lui, la prononcerait avec un peu moins d’enthousiasme, et encore. Pardonnez notre vision cynique, mais au fond, même quand la situation implique déballage de paquet et «oh» et «ah» de joie, il persiste toujours, sinon quelque chose de douloureux, à tout le moins, une forme d’inconfort.

C’est le propre même de la surprise, à laquelle Valérie Zenatti consacre l’excellent ouvrage du même nom. Au sujet de cette injonction à fermer les yeux et à ne les rouvrir qu’une fois le cadeau en mains, l’écrivaine française s’interroge: est-on conscient qu’en lui réclamant de fermer les yeux, on place le destinataire dans une position de vulnérabilité?

Pourtant, elle est la première à noter que les partisans de la bonne surprise, organisée dans le seul but de faire plaisir à autrui, avancent sous la bannière «altérité, générosité, inventivité, fébrilité» – n’en déplaise à celles et ceux pour qui le concept est plutôt synonyme de «mystère et malaise». Car le monde se divise en deux camps: les fans de la surprise, à qui la simple mention du mot fait miroiter un plaisir exalté par le sentiment de secret, et puis les autres, qui ne seraient pas plus pétrifiés face à un peloton d’exécution qu’à une salle remplie de proches qui hurlent joyeusement «Surpriiiiiiiiise!» sur fond de mirlitons.

Jour et nuit

«Mon âme a plus soif d’être étonnée que de tout autre chose», affirmait Paul Valéry. «La surprise est l’épreuve du vrai courage», assurait quant à lui Aristote.

Deux sages, deux ambiances, et une polarité choisie par Valérie Zenatti comme ouverture à son exploration de l’inattendu résumée en quatrième de couverture: «Lorsque la surprise est bonne, il fait soudain jour en pleine nuit; lorsqu’elle est mauvaise, il fait nuit en plein jour.»

Mais si, au fond, c’était simplement la forme, et non la surprise en tant que telle, qui avait le pouvoir d’illuminer ou d’assombrir l’humeur?

Pourquoi l’un adorera-t-il être surpris tandis que l’autre tentera d’y échapper à tout prix? Parmi les adeptes de l’a-surprise, que l’auteure décrit comme un groupe «disparate et souvent touchant», on retrouve les maniaques, qui paradoxalement aiment souvent autant surprendre qu’ils détestent eux-mêmes être saisis, mais aussi «ceux pour qui la routine est synonyme de bonheur absolu» ou encore les blasés, dont le propre est de savoir «tout sur tout, ou tout avant vous, toujours, et de ne jamais se laisser emporter par aucune de vos allégresses».

La surprise, sel de la vie?

Entre contrôle, peur ou sentiment de suffisance, il y aurait donc toujours un relent de négativité derrière le refus d’être désarçonné? L’aptitude à la surprise pourrait non seulement s’acquérir mais aussi être bénéfique, un élan pour être capable d’oser et de s’étonner soi-même, car après tout, «à travers les sens affûtés, une joie surgit. C’est l’étonnement premier, celui de l’existence».

Pour en profiter pleinement, elle a compilé les dix commandements de l’aptitude à la surprise, de «tu n’attendras rien mais tu t’attendras à tout» à «tu laisseras ta psychorigidité au vestiaire». Un conseil que chacun d’entre nous mériterait de suivre? Voguant entre histoire, anthropologie et psychiatrie, cet ouvrage passionnant rappelle que si rester figé dans la surprise est un danger, l’oublier est tout aussi risqué. Et de nous enjoindre à aspirer à une attention à la surprise.

«C’est la surprise, l’étonnement qui nous oblige à évoluer», a affirmé un jour Edgar Morin.

Sachant que le sociologue et philosophe français a récemment soufflé ses 104 bougies, on ne peut pas s’empêcher de se dire qu’il tient peut-être là le secret d’une vie longue et accomplie.

Surprise!

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