Edgar Kosma

Confessions d’un homme-mur

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Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

Ça y est, le délai légal pour souhaiter une bonne année est dépassé, on peut enfin reprendre une activité normale durant onze mois où l’on ne souhaitera rien de plus qu’une bonne journée, ce qui, admettons-le, n’a jamais aidé qui que ce soit à passer une bonne journée.

Si vous avez lu ma chronique précédente, vous savez que je viens d’avoir 43 ans (et si non, maintenant, vous savez aussi). Flash-back. Ce matin M du jour J, dans un rituel bien huilé, j’allume mon téléphone pour vérifier qui me l’a déjà souhaité et qui y a pensé en premier. Ensuite, les heures s’écoulent aussi rapidement que les 364 autres jours de l’année et mon angoisse ne fait que grandir: arriverais-je à battre mon record de l’an dernier?

Au cru0026#xE9;puscule du deuxiu0026#xE8;me jour, au revoir et merci, la fu0026#xEA;te est terminu0026#xE9;e, chacun retourne dans son feed et les boutons seront bien gardu0026#xE9;s

Permettez-moi un petit historique avant de me lancer dans l’exercice de comptabilité: quand j’étais enfant, dans les 80’s, les voeux d’anniversaire ne pouvaient se souhaiter qu’en face-à-face, par voie postale ou par téléphone fixe. Pour cela, il fallait que le souhaité soit là ou alors on demandait au non-souhaité qui avait décroché de prendre le rôle du souhaitant. Tout aurait pu se poursuivre ainsi si, dans les 90’s, le SMS – rapide, fonctionnel, efficace – n’avait pas fait irruption dans nos vies, créant une révolution sans précédent dans le BBV (Business du Bon Voeu). Une croissance à faire pâlir les Chinois et que l’on croyait partie pour durer.

C’était sans compter l’arrivée de Facebook en 2007 et le phénomène du « Ecris sur mon mur et je te dirai si je t’aime ». Et puisque chaque tendance ringardise nécessairement la précédente, on constate depuis environ 2015 le grand retour des messages perso, non plus via SMS mais via les Messenger, WhatsApp et autre Instagram, plébiscités pour entretenir un lien privilégié, en réaction aux messages formatés et dénués d’âme dudit mur.

L’e-mail, lui, n’a jamais eu vraiment la cote pour la communication émotionnelle, si ce n’est de la part d’un grand-oncle éloigné ou d’une mamie geek, et ce sont aujourd’hui surtout les entreprises qui s’y distinguent avec des codes promo du genre « Joyeux anniversaire, Edgar! On ne vous a pas oublié! » En fait, oubliez-moi, merci, et laissez ma boîte déjà bien trop encombrée tranquille.

Lendemain de veille, ou J+1, dans un brouillard alcoolisé, je me sers un espresso bien serré afin de débuter ce que certains pourraient appeler la Comptabilité des Messages Inter-plateformes. Et force est de constater que, malgré les nouveaux réseaux, l’éclaboussure de sentiments sur le mur Facebook reste un must indétrônable, avec plus de 50% des voeux cette année, le reste se répartissant entre les différentes messageries et deux coups de fil (dont une erreur).

C’est sur cette base scientifique que se pose cette question à laquelle personne n’échappe: faut-il liker et/ou répondre à chacun de tous ces messages ou bien se contenter d’un post qui remercie tout le monde? Certains, qui ont envie de faire durer le plaisir, optent pour un système hybride. Tout en sachant que le post de remerciement va bien sûr rameuter tout un nouveau groupe qui sera désolé, mais « mieux vaut tard que jamais, émoji clin d’oeil. » Question subsidiaire: faut-il liker ou répondre à chacun de ces nouveaux messages générés par le post de remerciement ou rédiger un deuxième post? Au secours!

Heureusement, comme toutes les choses, bonnes ou mauvaises, ont une fin, au crépuscule du deuxième jour, au revoir et merci, la fête est terminée, chacun retourne dans son feed et les boutons seront bien gardés. Petite dernière avant de vous quitter: selon vous, jusqu’à quand ce petit jeu se disputera-t-il? Fêtera-t-on encore mes 50 ans de cette façon en 2029? Et mes 60? 70? 80? 90? (Je m’arrête là, même si j’ambitionne d’être centenaire.) J’espère juste que certains n’auront pas la mauvaise idée de venir écrire sur mon mur lorsque je serai passé de l’autre côté. Ça ferait mauvais genre.

Merci à tou.te.s (enfin, pas tou.te.s mais ceux et celles qui y ont pensé et me l’ont souhaité, ce qui fait finalement nettement moins que tou.te.s) pour vos nombreux messages et autres marques d’attention à l’occasion de mon 43ème anniversaire, que ce soit sur mon mur, sur mes fenêtres ou via la messagerie de votre choix (qui appartiennent de toute façon presque toutes à la même entreprise). Y’en a même qui me l’ont souhaité en vrai, pour vous dire à quel point je vieillis. Si vous avez oublié, pas de panique, il vous reste encore 2 possibilités : a- soit me le souhaiter avec un peu de retard ; b- soit le noter dans votre petit pense-bête pour me le souhaiter en temps et en heure l’an prochain. (Attention, ce sera un dimanche.) Bisous et vive 2022 ! Image et « Youhou! » : Valérie Leclercq

Posted by Edgar Kosma on Monday, January 17, 2022

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