Féministe et engagée | Hannah Geeraeerts: « Pourquoi les protections hygiéniques ne sont pas disponibles dans les toilettes? » (8/8)
Hannah Geeraeerts a fait de la précarité menstruelle son cheval de bataille. Elle est coordinatrice à BruZelle, une organisation qui lutte contre la précarité menstruelle en distribuant des produits menstruels gratuitement et en dispensant des formations dans les écoles.
Être réglée plus tôt que prévu et devoir demander une protection hygiénique à des amies, des collègues ou au secrétariat : une situation peu agréable que toutes les femmes connaissent. Une jeune femme sur huit serait confrontée à ce scénario chaque mois. Pourtant, la précarité menstruelle n’est presque jamais abordée. « C’est un double tabou ».
D’après une enquête réalisée par la branche flamande de l’organisation contre la pauvreté Caritas, en Flandre, environ 12 % des jeunes filles n’ont parfois pas d’argent pour acheter des produits menstruels, et 5 % ont déjà dû manquer les cours pour cette raison. Derrière ces chiffres se cachent des histoires de filles ou de femmes qui doivent redoubler de créativité en utilisant du papier toilette, des chaussettes usées ou de vieux pantalons à la place de protections dignes de ce nom. Et qui doivent parfois mettre leur vie en pause chaque mois parce que la honte est trop lourde.
« Beaucoup de filles ne demandent pas de serviettes hygiéniques ou de tampons à la maison. Parce qu’elles n’osent pas, ou parce qu’elles savent que leur famille n’a pas assez d’argent pour en acheter. Un double tabou entoure ce problème », nous explique Hannah Geeraeerts, de BruZelle, une organisation qui lutte contre la précarité menstruelle de manière très concrète. « Presque toutes les écoles sont convaincues que la précarité menstruelle ne touche pas leurs élèves. Par expérience, je sais que ce n’est pas vrai : la précarité est partout. Il n’y a pas de place pour la mauvaise foi lorsque certaines élèves sont absentes quelques jours par mois. »
Les règles n’ont rien à voir avec les émissions nocturnes
La précarité menstruelle couvre trois aspects: l’absence d’accès aux produits menstruels, l’absence d’accès à des installations sanitaires et le manque de connaissances au sujet des menstruations. Cette dernière catégorie touche beaucoup plus de personnes qu’on pourrait le croire. « Les cours classiques dispensés dans les écoles sont axés sur la biologie et sont très pragmatiques, nous explique Hannah, l’aspect social est totalement ignoré, ce qui crée un énorme tabou. De nombreux jeunes n’osent tout simplement pas poser leurs questions. Et je ne parle pas que des jeunes défavorisés, cela s’applique à presque tout le monde. Les garçons de 12 ou 13 ans pensent souvent que les menstruations sont l’équivalent des émissions urinaires nocturnes. Et beaucoup de filles ne savent pas que le vagin et l’urètre sont deux choses différentes. Je suis toujours étonnée de voir à quel point peu de jeunes filles s’intéressent à ce qu’elles ont entre les jambes. »
La sensibilisation aide, selon Hannah. « Après chaque formation, les élèves remplissent un formulaire d’évaluation. Après une heure de cours, ils cochent encore qu’ils ont une certaine réticence à parler des menstruations. Après deux heures, ils admettent souvent être prêts à discuter ouvertement du sujet. Une seule heure peut déjà faire toute la différence ».
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Sale et impur
La précarité menstruelle s’inscrit souvent dans un cadre plus vaste. Les familles les plus vulnérables utilisent souvent leur argent pour acheter du pain ou d’autres produits alimentaires de base. Les produits menstruels étant chers, ils font alors rarement partie des achats. Alors que ce sont aussi des produits essentiels. Nous constatons également des problèmes dans les familles où les finances sont gérées par un homme. Il ne se rend pas toujours compte de l’importance de ces produits, qui sont donc facilement oubliés dans les dépenses. Aux yeux de nombreuses personnes, les menstruations sont encore quelque chose de sale et d’impur. Merci le patriarcat. »
« On constate fréquemment que de nombreuses organisations de lutte contre la pauvreté négligent également l’importance des produits sanitaires. Les sans-abri peuvent se rendre dans les banques alimentaires ou demander un toit pour la nuit, mais les tampons ou les serviettes hygiéniques font rarement partie des services proposés. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les serviettes hygiéniques ne sont pas simplement disponibles dans toutes les toilettes, gratuitement et discrètement. C’est aussi essentiel que le papier toilette. Nous ne nous promenons pas dans la rue avec un rouleau de papier toilette dans notre sac à dos. Alors pourquoi trimballons-nous des serviettes hygiéniques partout où nous allons? Là encore, nous pouvons remercier le patriarcat. »
BruZelle est une ASBL créée en 2016 par deux amies voulant aider les sans-abris lors de leurs menstruations. Basée à Bruxelles, l’organisation collecte et distribue gratuitement des serviettes hygiéniques aux personnes vulnérables dans tout le pays. Elle déploie également beaucoup d’efforts pour sensibiliser les élèves les écoles.
Envie d’en savoir plus ou d’aider BruZelle ? Rendez-vous sur bruzelle.be
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