La précarité menstruelle, inégalité dans l’inégalité: où en est-on en Belgique?

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Aurélie Wehrlin Journaliste

Les règles ont aussi leur journée internationale, via la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, qui tombe ce 28 mai. Une journée pour faire le point sur une problématique qui touche plus d’un quart de la population mondiale, et plonge une partie de cette population dans une situation critique. Car au-delà de la honte et de l’inconfort, cette précarité menstruelle implique également de nombreuses conséquences dans la vie de celles qui y font face.

Diplômée d’un master en Psychologie et actuellement étudiante en master en Sociologie de l’UCL, Roxane Lejeune a publié un rapport sur la situation de la précarité menstruelle en Belgique au printemps 2021 (dans le cadre stage pour le Centre permanent pour la Citoyenneté et la Participation). Elle y rappelle quelques faits :

  • En Belgique, l’ensemble des femmes entre 13 et 51 ans (celles qui ont leurs règles) correspond à environ 2,7 millions personnes, soit 23,5 % de la population belge inscrite au registre national.
  • Une femme aura en moyenne 500 cycles au cours de sa vie
  • Elle paiera en moyenne entre 1500 et 2000 euros pour se protéger au cours de sa vie.
  • Selon les estimations du quotidien Le Monde, une femme dépense en moyenne 7,50 euros pour ces mêmes raisons, par cycle.
  • Le taux de risque de pauvreté chez les femmes belges se situe aux alentours 17 %. On estime à 350.000 le nombre de femmes vivant actuellement sous le seuil de pauvreté en Belgique.
  • Le nombre d’étudiant·e·s en situation de précarité en Belgique est estimé à 80.000, selon la Fédération des étudiant·e·s francophones (FEF).
  • En 2017, la Belgique franchissait une étape dans le bon sens en diminuant le taux de TVA de 21 à 6% pour les protections hygiéniques, les assimilant ainsi à des produits de première nécessité.
  • La pauvreté conduisant à la précarité menstruelle à de nombreuses conséquences. D’abord la honte et l’inconfort. Mais aussi l’exclusion sociale. Les femmes et filles qui en sont victimes ne se rendent pas à l’école ou au travail pendant leurs règles, favorisant le décrochage scolaire d’une part et le manque d’opportunités professionnelles de l’autre. Côté sanitaire, car décider soit de ne pas changer leur tampon ou serviette, soit de les fabriquer soi-même avec du papier journal, des essuie-tout, des chaussettes, voire en transformant des bouteilles d’eau en coupe menstruelle peut conduire à des complications, des infections, voire un syndrome du choc toxique.
  • La précarité menstruelle est donc un enjeu d’ordre social important, mais il est également d’ordre sanitaire.
  • Des associations belges luttent activement contre cette précarité menstruelle, en interpellant les politiques (Belges et culottées) mais également en distribuant des protections hygiéniques (BruZelles).
 
 
 
 
 
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  • Le 2 septembre 2020, Ludivine Dedonder, députée socialiste (actuelle ministre de l’Intérieur) déposait une proposition de résolution à la Chambre visant à assurer la gratuité des protections hygiéniques. Les objectifs de cette proposition consistent alors à combattre la précarité financière liée aux règles, à permettre un meilleur accès à la santé et finalement renforcer les droits des femmes en luttant contre une discrimination liée au pouvoir d’achat.
  • Le 17 décembre 2020, le cdH et Défi ont ainsi déposé une proposition de résolution au parlement de la communauté française, visant « la mise à disposition de protections périodiques dans l’enseignement obligatoire »
  • Le 25 janviers 2021, au cours de la conférence interministérielle Droits des Femmes, Christie Morreale et Antonios Antoniadis déclaraient « l’accès à des protections hygiéniques pendant les règles doit être considéré comme un droit fondamental pour toutes les femmes. »
  • Le 24 mars 2021, un texte est adopté en séance plénière. Il y est question d’offrir également un accès gratuit aux protections périodiques aux étudiantes du supérieur. Une extension qui n’est pas anodine au vu de la pauvreté qui touche le monde étudiant.

BruZelle, contre le sang tabou

Le mot de la fin reviendra à BruZelle, asbl très active pour lutter concrètement contre ce fléau, en distribuant des trousses – contenant 20 serviettes menstruelles chacune. L’association nous rappelle qu’en 2020, ce sont 17.000 trousses (soit 340.000 serviettes) ont été distribuées, sur 12 mois.
Depuis le 1er janvier 2021, soit sur les cinq premiers mois de l’année, elle a distribué 15.300 de ces trousses (soit 306.000 serviettes). Des chiffres qui rappellent l’urgence qu’il y a à agir. Politiquement, et directement, par des dons, possible dans l’un des 131 points de collectes.

Pour prendre exemple sur nos voisins

En Ecosse depuis 2018, les protections étaient déjà accessibles dans les établissements scolaires et universités. Depuis novembre 2020, les protections menstruelles sont accessibles gratuitement à toutes.

La Nouvelle-Zélande et la France vont également mettre à disposition gratuitement tampons et serviettes hygiéniques dans les écoles et universités, notamment par le biais de distributeurs.

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