Laetitia Bica, artiste visuelle auréolée du prix Changemaker of the Year de nos Belgian Fashion Awards, signe les portraits de l’actrice Daphne Agten, la pochette de la chanteuse Elisabetta Spada, le clip et les photos du groupe Rive. Celle qui, au Brussels Photo Festival, questionne notre perception des corps, répond à nos questions sur le vif.
La question qu’on vous pose le plus souvent?
« Qu’est-ce que tu fais ? De la photo, de la vidéo, où doit-on te caser ? » Et ma réponse : je fais tout, je fais selon ma curiosité et mes rencontres…
La/le photographe de mode qui vous émeut?
Charlotte Abramow, parce qu’elle est jeune, que c’est une femme, qu’elle est super inclusive, elle essaie en tout cas de faire une photo intersectionnelle, ce qui est pour moi une grande qualité et une nécessité dans ce milieu. On peut être fier d’avoir quelqu’un comme elle dans notre paysage belge.
L’endroit dont vous n’êtes jamais revenue?
De l’enfance. Parce que je m’émerveille toujours et que je n’ai jamais fini d’apprendre. Il y a chez moi cette joie enfantine et ces émotions, comme les enfants qui n’ont pas de filtres… Je suis à cette place que je me suis juré de ne jamais quitter. S’émerveiller de tout, c’est une arme puissante pour pouvoir vivre dans cette société et faire face au monde, au désastre…
La star avec qui vous aimeriez dîner?
Isabelle Stengers, mais je préfèrerais une bouffe de groupe, on pourrait carrément faire une fête avec toutes les intellectuelles féministes, de tous les milieux.
Le plat qui vous ramène en enfance?
La pasta faite par la mamma. Je ne sais pas comment elle fait mais tu prends une bouchée et tu es directement dans son cœur.
Un vêtement pour sauver les jours tristes?
Un pull, quelque chose de coloré, de doux et de fun, qui vous fait sentir et ressortir votre personnalité. Du rouge, parce que je trouve qu’il me va trop bien et m’empouvoire.
La chose la plus folle que vous ayez faite?
Mon voyage avec ayahuasca. Je n’y ai pas trouvé d’idées miraculeuses ou de réponses mais plutôt des affirmations. Cela m’a renforcé dans ma façon de procéder et sur ma manière de percevoir les choses…
Un métier que vous auriez pu exercer?
J’aurais bien voulu étudier la sociologie, il n’est pas trop tard. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai fait de la mode : elle est sociologique par excellence, elle parle de nos sociétés, d’époques et de révolutions corporelles.
La mode doit-elle être « green »?
Evidemment. C’est cela qui est beau dans le mouvement écologique : il est indissociable de la lutte sociale. Le red flag est hissé depuis longtemps, la conscientisation est là, mais il faut tendre vers plus d’actions.
Ce qui vous saoule vraiment?
L’inaction. Quand on me dit « c’est le système, on ne peut rien y faire ». On peut déjà commencer par soi, refuser ce qu’on nous impose, tout ce qui n’a pas de sens.
L’appli de votre smartphone qui est le plus souvent ouverte?
Instagram. C’est souvent la première chose que je regarde quand j’ouvre les yeux et la dernière, quand je les ferme… C’est là que j’ai un maximum de contacts avec le monde extérieur, avec d’autres artistes, d’autres structures.
Un mot pour vous décrire?
Super sensible. J’aime bien et en même temps, c’est très difficile à gérer.
Votre achat le plus bizarre?
Une paire de talons, à chaque fois j’essaie au magasin, je me laisse convaincre et je ne les mets jamais parce que j’ai mal et l’impression que cela m’empêche de marcher, c’est un non-sens si je n’arrive pas à être libre dans mes mouvements.
Ce que vous aimeriez faire, là, tout de suite?
Aller travailler sur ce que je vais présenter à l’exposition. Des portraits imprimés sur du tissu, j’essaie de faire un drapé et de jouer sur la transparence avec superpositions, c’est très délicat et poétique, j’ai envie de l’appeler « Abandon ».
Corpus| Corpus, exposition collective dans le cadre du Photo Brussels Festival, chez Kult XL, 23, rue Wiertz, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 2 mars. @laetitiabica
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