« Un bâtiment n’est jamais juste un bâtiment »: rencontre avec le photographe Iwaan Baan

Le Musée National du Qatar, vu d'en haut par Iwaan Baan - DR
Le Musée National du Qatar, vu d'en haut par Iwaan Baan - DR
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Depuis 2004 et sa rencontre avec Rem Koolhaas, le photographe néerlandais Iwan Baan (49 ans) pose sa lentille sur l’architecture, qu’elle soit signée des plus grands noms ou née de la nécessité. Jusqu’en mars prochain, le Vitra Design Museum, en Allemagne, lui offre sa première grande rétrospective, panorama du monde qui nous entoure et des individus qui l’habitent.

Car pour Iwaan Baan, l’architecture n’est pas juste une question de bâtiments, pas plus que la photographie n’est qu’une poursuite artistique pour lui. Au croisement de l’art, de la sociologie et de la philosophie, rencontre avec un oeil aiguisé.

« ​L’architecture est une fenêtre sur le monde »

Un bâtiment n’est jamais « juste » un bâtiment : qu’il s’agisse de réalisations impressionnantes de détail ou de huttes faites de bric et de broc, chaque construction nous permet de comprendre l’impact de la politique, du climat et du niveau de vie sur un endroit. Avant chaque projet, je m’interroge sur ces thématiques, et même si j’adore photographier de nouveaux buildings d’architectes, rien ne m’intéresse plus que d’observer comment vivent les personnes qui doivent se débrouiller avec des matériaux de première nécessité.

« Dans la vie, les moments charnières nous prennent souvent par surprise »

Pour moi, c’est quand ma grand-mère m’a offert un appareil photo pour mes 12 ans. Je ne m’attendais pas du tout à ce cadeau, mais il a changé ma vie. Ado, je développais mes clichés dans ma propre chambre noire, et c’est tout naturellement que je me suis inscrit dans une école d’art après mes humanités. Mais une fois mon diplôme en poche, il m’a fallu du temps avant de savoir dans quelle direction je voulais orienter mon travail. J’ai essayé plusieurs approches de la photographie, jusqu’à une rencontre fortuite avec l’architecte Rem Koolhaas, et la réalisation que ma vocation se trouvait là.

Iwaan Baan photographié par Jonas Eriksson.

« La photographie est un exercice de lâcher-prise »

Il faut accepter de ne pas tout contrôler et attendre que les bons éléments se présentent naturellement. Mais je suis heureux de ne pas être architecte : quand je vois le temps que durent leurs projets, plusieurs décennies parfois, je n’aurais jamais la patience nécessaire.

« Tout est une question de perspective »

Je suis quelqu’un de plutôt optimiste, et malgré les prédictions effarantes pour l’avenir de la planète, j’ai 
tendance à voir le verre à moitié plein. C’est probablement parce que mon travail m’amène à voir toute l’ingéniosité que l’humain peut déployer pour se loger dans des circonstances parfois très complexes. Les architectes sont par définition optimistes : leur métier consiste à faire quelque chose à partir du néant.

« La foi donne du sens à nos actions »

J’ai grandi avec un père pasteur, et pendant longtemps, je me suis tenu très éloigné de la religion. Mon enfance a été très aimante, mais aussi très cadrée, et très vite, j’ai ressenti un besoin d’ailleurs. Je ne suis pas pratiquant, mais je suis quelqu’un de spirituel. On retrouve certaines idées universelles dans toutes les religions, et elles donnent un sens aux vies des croyants. Leur foi leur sert de fondation pour créer des monuments spirituels incroyables.

« Devenir parent pousse à envisager le monde autrement »

Déjà parce qu’on le voit à nouveau à travers les yeux d’un enfant, avec tout l’émerveillement et la découverte que ça implique, mais aussi parce qu’on porte un autre regard sur le futur. Ça ne suffit pas de s’inquiéter de l’avenir de la planète : on est forcé de se demander comment on peut contribuer à ce qu’il soit meilleur pour eux.

« La reconnaissance a quelque chose de libérateur »

Gagner en renommée m’a permis d’être plus exigeant dans la sélection des projets sur lesquels je travaille. Je peux choisir de ne photographier que des endroits où je sais que ma présence fera une différence, mais aussi de plus pousser mes projets personnels. Cette exposition est une belle reconnaissance de mon travail : montrer mes photos est une manière d’inviter les gens à découvrir comment je vois le monde.

« C’est important d’avoir la patience de ses ambitions »

Même si j’ai su très jeune que je voulais devenir photographe, il m’a fallu des années avant de vraiment trouver ma voie. C’est en essayant plusieurs choses, en ne comptant pas ses heures, mais aussi en se rappelant que tout vient à point à qui sait attendre qu’on y arrive.

« Voyager permet d’élargir son horizon »

Que je sois au Japon, en Inde ou en Afrique : partout où je vais, je prends conscience non seulement de la façon dont les autres vivent, mais aussi de ma propre manière de vivre. En outre, mes voyages me permettent de garder les pieds sur terre, car je me rends compte de la chance que j’ai d’être né ici.

Iwan Baan : Moments in Architecture, jusqu’au 3 mars au Vitra Design Museum, à Weil am Rhein.

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