Méditation: la pleine conscience mode d’emploi

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Des scientifiques britanniques viennent d’établir que la médiation, plus précisément les thérapies axées sur la « méditation de pleine conscience », s’avérait aussi probante que les antidépresseurs pour éviter les rechutes en dépression. Cette pratique de la pleine conscience, baptisée « mindfulness » outre-Atlantique, s’était déjà imposée, peu à peu, comme la panacée actuelle de la zénitude. Mais est-elle accessible à tous ? Mode d’emploi et témoignages.

« Dans mon iPhone, j’ai vingt et une applis pour méditer. Certaines sont des exercices guidés par un prof, d’autres, juste du silence ou de la musique avec des sons de gongs. Deux fois par jour, je fais une séance de cinq à dix minutes, généralement dans un taxi, c’est mon seul instant libre. Avant, dans ma vie, tout était grave, maintenant j’arrive à débrancher mon cerveau et à faire baisser le niveau de stress », résume Julie, jeune journaliste.

Des monastères bouddhistes, la méditation est entrée dans l’ère 2.0. Pas une semaine ne se passe sans que paraisse un nouvel opus sur cette « muscu » du cerveau, cet « exercice délibéré d’attention à ce qui se passe moment après moment », selon la définition du philosophe Fabrice Midal dans son Que sais-je ? sur la méditation (éditions Puf).

Avant lui, Matthieu Ricard a ouvert la voie des best-sellers sur le sujet, en 2008, en publiant L’art de la méditation (éditions Nil). Le moine bouddhiste fut suivi, en 2011, par le psychiatre Christophe André dont le bouquin Méditer, jour après jour (éditions L’Iconoclaste) dépasse allègrement les 150 000 exemplaires vendus. Depuis avril 2014, les a rejoint un ouvrage venu de la Silicon Valley, Connectez-vous à vous-même (éditions Belfond), apologie futée et pleine d’humour des bénéfices de la mindfulness (attention) sur la créativité et l’empathie chez les cadres surstressés de Google. L’auteur, Chade-Meng Tan, en vante ainsi les bienfaits : « La méditation contribue à améliorer toute une série de fonctions, de l’attention jusqu’à l’activité du cerveau, en passant par l’immunité et les maladies de peau. On croirait presque un bon couteau suisse : utile en toute situation. » Utile… et thérapeutique : dans le sillage de l’hôpital universitaire du Massachusetts, où le psychiatre Jon Kabat-Zinn expérimentait il y a trente ans la méditation contre l’anxiété et les douleurs chroniques, des services hospitaliers partout en Europe l’emploient aujourd’hui pour remplacer les anxiolytiques et les antidépresseurs…

La méditation aurait donc tout bon, à commencer par sa simplicité. Le principe de base tient en quelques mots : porter son attention sur l’instant présent, être à l’écoute de sa respiration et de ses sensations corporelles. Pour s’y mettre, il suffit de s’asseoir, le dos bien droit, de fermer les yeux en s’écoutant respirer et de laisser passer ses pensées comme des « nuages », selon les conseils des moines bouddhistes. Se déroule alors un exercice mental et philosophique de très haut niveau, vanté depuis l’époque d’Epicure, qui consiste à s’ancrer dans le présent au lieu d’avancer en pilotage automatique, noyé dans ses propres ruminations et projections mentales.

Comme l’écrit joliment Fabrice Midal, « méditer, c’est apprendre à laisser se déployer ce qui est. Il ne s’agit donc nullement d’un exercice d’intériorité, mais dans la simplicité la plus grande, d’être ouvert à tout ce qui advient ». L’évidence de ce principe est évidemment trompeuse. Ceux qui en attendent une récré antistress quotidienne ou une variante du yoga seront vite rebutés par l’austérité de l’exercice. « Personne ne s’assoit tous les jours durant une demi-heure sur un coussin pour méditer s’il n’en a pas un vrai besoin », prévient Christophe André, qui conduit depuis dix ans à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, des programmes de méditation adaptés au traitement de la dépression. La motivation tient sur la durée quand elle s’appuie sur une souffrance ou des difficultés émotionnelles – stress professionnel, rupture sentimentale, angoisses, douleurs chroniques, dépression…

Comment commencer?

Les façons de se lancer pour suivre la tendance sont nombreuses, depuis le « flash » antistress promis par les logiciels sur smartphone, aux retraites de dix jours moyennant de six à huit heures de pleine conscience silencieuse dans les centres de méditation bouddhiste Vipassana, sans parler des stages de Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR), la technique américaine de Jon Kabat-Zinn à apprivoiser en deux mois de formation, à raison d’un cours du soir hebdomadaire et d’une heure de pratique personnelle par jour.

Ceux qu’effraie ce sacerdoce peuvent tester leur motivation avec la « méthode facile » préconisée par Chade-Meng Tan, qui consiste à faire attention à sa respiration, en douceur et sans interruption pendant deux minutes. Ou même sa « méthode plus facile », qui se limite à rester tranquillement assis sans agir, le but de la manoeuvre étant de passer du faire à l’être. Après cette initiation douce, on est mûr pour acquérir le livre-CD Méditer jour après jour de Christophe André, et se laisser voguer au gré des douze excellentes méditations enregistrées.

Cet Everest mental est accessible à tous, à raison d’une demi-heure au minimum d’exercice par jour. A chacun de trouver le moment et le lieu pour ce retour sur soi. Certains le cherchent en faisant sonner le réveil plus tôt, ou l’inverse. « Je médite le soir, assise dans mon lit ou bien dans mon dressing, sur mon petit tabouret, après avoir couché les enfants et fait un petit câlin à mon mari. Mais il m’arrive aussi de pratiquer dans un train, dans un avion, avec des boules Quies », raconte Stéphanie, qui s’est lancée il y a trois ans. Dans la journée, les églises de quartier ou les chapelles des aéroports offrent gratuitement silence et solitude aux brebis égarées des temps modernes.

Les méditants les plus aguerris, pour qui angoisses et paniques incontrôlables sont de lointains souvenirs, peuvent ensuite faire de la mindfulness attitude un mode de vie de chaque instant, comme l’enseigne depuis des décennies le moine bouddhiste Thich Nhat Hanh. Une tactique bien condensée dans son livre Prendre soin de l’enfant intérieur (éditions Belfond) : « Marchant en pleine conscience vers la cuisine pour nous servir un repas, nos habituelles pensées « je dois aller à la cuisine pour prendre de la nourriture » peuvent faire place à une tout autre phrase « je savoure ma marche vers la cuisine ». Chacun de nos pas devient alors un but en soi. Il n’existe plus de distinction entre la fin et les moyens. Il n’y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin. »

Par Nathalie Chahine

Témoignages SYLVIE, 40 ANS, DIRECTRICE DES NOUVEAUX MÉDIAS DANS UN GROUPE DE PRESSE

« Il y a trois ans, j’ai fait un stage de mindfulness, le protocole complet de huit semaines, à raison d’une soirée de cours par semaine et une heure de méditation à pratiquer chez soi. L’enseignante, formidable, a été formée au centre de Jon Kabat-Zinn, aux Etats-Unis. A priori, rester assise dans une pièce ne me ressemblait pas : j’ai plutôt tendance à évacuer mon stress en pratiquant jogging, karaté et randonnée dans l’Himalaya. Lors de ces trois semaines de marche que je fais en vacances, j’atteins un bien-être qui, hélas, disparaît dès le retour dans la réalité quotidienne. Comme il n’est pas possible de sortir son sac à dos dès que surgit un énervement au bureau, j’ai tenté la méditation : cette approche me paraissait susceptible d’apporter le même type de bienfaits que la marche. Il entrait là de la curiosité, favorisée par mon intérêt pour les pays asiatiques, autant qu’une nécessité. A cette époque, ma situation professionnelle m’avait mise à la limite du burn out et amenée à tenter toute une panoplie de solutions, des psychotropes à l’acupuncture. Cette « sortie de route » m’a forcée à mieux me connaître. Méditer est un exercice difficile, proche de l’effort physique en ce qu’il requiert une concentration sur le corps qui libère l’esprit. Le bénéfice en a été immense, même s’il est subtil et difficile à décrire. Moi qui parle beaucoup, j’ai appris à écouter les autres. J’arrive à exprimer des critiques à mes collaborateurs tout en gardant le contrôle de moi-même. Les techniques de respiration, je les emploie souvent en « mode réaction », quand je sens le niveau de stress monter. Une chose entraînant une autre, je me suis mise au tai-chi. Et, chaque matin, je médite avec le disque de Christophe André. »

ESTELLE, 48 ANS, ASSISTANTE DANS UNE MAISON D’ÉDITION

« II y a cinq ans, j’ai passé plusieurs mois dans une clinique pour une maladie de Crohn. Plus aucun aliment ne passait, mon tube digestif était comme brûlé. Je suis tombée à 42 kg, j’étais prête à me réincarner ! Pendant que j’étais clouée au lit, des séances de relaxation m’ont mise sur la voie. Si le tube digestif est notre deuxième cerveau, selon la conception orientale, la méditation pouvait ouvrir une piste valable. Après avoir tenté sans succès de méditer seule, avec le support d’un livre, j’ai fait la rencontre d’un professeur qui anime des cours une fois par semaine. Méditer en groupe est très enrichissant, aide à avancer. Durant les séances, on parle aussi de nos ressentis, du chemin spirituel sur lequel nous avançons, car, pour moi, c’est de cela qu’il s’agit. Le plus difficile ? Arriver à trouver une heure pour pratiquer tous les jours ce que je fais le soir avant de dormir, et parfois aussi la nuit quand je me réveille. L’exercice procure des sensations extraordinaires, comme si mon corps se libérait et que je n’étais plus qu’une âme, cela pourrait presque devenir une drogue. Prendre du recul et ne pas me laisser déborder par mes émotions a eu un impact très net sur mon transit intestinal, à tel point que mon médecin envisage à présent de suspendre le traitement à base de cortisone. Moi qui m’étais toujours sentie comme une petite chose, je suis devenue costaude. J’ai retrouvé de l’énergie, me suis mise au yoga. Au travail, mes relations avec les autres ont aussi beaucoup changé : quand vous êtes plus fort, on ne vient plus vous agresser. Je détestais chanter, à présent j’adore ça : certains verrous imposés par mon éducation ont sauté. C’est comme si je maîtrisais ma boussole intérieure. Et ce n’est que le début d’un long chemin. Méditer est la plus belle chose qui me soit arrivée. »

SÉBASTIEN, 40 ANS, CHEF D’ENTREPRISE (*)

« Après mes études en commerce, j’ai traversé une période de questionnement intérieur. Je ne me voyais pas faire du business as usual, fondé sur le seul profit et, à l’époque, les entrepreneurs en quête de sens ne couraient pas les rues. La graine de la méditation a sans doute été plantée lors d’un long séjour que j’ai fait au Japon, à l’âge de 20 ans, pendant lequel j’ai été initié par des moines. Mais c’est seulement des années plus tard, pendant une période difficile, que j’ai commencé à utiliser cette technique pour amener un retour au calme. Cela fait douze ans que je médite, tous les jours je mets le réveil une demi-heure plus tôt le matin, et je fais des petites pauses dans la journée pour recentrer mon attention, n’importe où, dans une gare, un avion, un train. Les bienfaits vont au-delà de la technique antistress. La méditation nourrit ma capacité d’aimer mes proches, ma volonté de m’engager dans la société, ma créativité. Me relier à « plus grand que moi » m’a amené à repenser l’action, selon d’autres priorités, et finalement à changer de vie professionnelle. Il y a deux ans, j’ai vendu la société que j’avais créée en Asie pour développer des programmes de coaching en mindfulness auprès de chefs d’entreprise. »

(*) A lire : Ces décideurs qui méditent et s’engagent, par Sébastien Henry, Dunod.

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