La lecture n’est pas un passe-temps, c’est une promesse, celle de voyager dans le temps et l’espace au gré des ouvrages. Ivre de livres, Kathleen Wuyard vous emmène page à page dans ses périples papivores. Son dernier coup de coeur de papier? « Sauvés par la sieste », de Brice Faraut.
Quel est donc le secret de l’apparente jeunesse éternelle de Nicole Kidman? Les mauvaises langues penseront tout de suite scalpels, aiguilles et bistouris. Mais si son allure juvénile était en réalité due à une excellente hygiène de sommeil? «Je suis une fervente adepte de la sieste. Je suis capable de m’endormir partout», assurait récemment l’actrice australienne.
Et elle est en bonne compagnie, puisque au panthéon des siesteurs célèbres, on retrouve Winston Churchill, Albert Einstein, Margaret Thatcher, Léonard de Vinci ou Aristote. Autant de figures illustres qui ne sont pas rentrées dans l’Histoire en raison d’un quelconque penchant pour la fainéantise, et pourtant, dans l’imaginaire moderne, c’est souvent à ce péché que la sieste est associée.
Après tout, à l’ère de l’hyperproductivité, qu’y a-t-il de plus indolent que de s’offrir une étreinte dans les bras de Morphée en pleine journée?
Pas surprenant, donc, que passées la petite enfance et ses plages de sommeil imposées, la sieste soit reléguée au mieux aux vacances et au week-end, quand elle n’appartient pas carrément au passé. Et pourtant, ces quelques minutes de repos grappillées aux heures actives sont tellement précieuses qu’il est presque criminel de s’en priver. Et ce n’est pas (que) une grande amatrice de la lecture à l’horizontale qui vous l’affirme, mais aussi Brice Faraut.
Docteur en neurosciences spécialisé dans les effets de la privation et de la récupération de sommeil chez l’humain, il est l’auteur de Sauvés par la sieste, un traité consacré aux «petits sommes et grandes victoires sur la dette de sommeil» récemment paru chez Actes Sud.
La sieste, remède miracle contre les maux modernes
Si le simple fait qu’un spécialiste du cerveau s’y intéresse n’est pas suffisant pour vous convaincre du bien-fondé de la sieste, les quelque 250 pages de cet ouvrage à la croisée de l’essai et du plaidoyer devraient achever de le faire. Ainsi que de vous donner envie de filer vous allonger.
Les lois de la probabilité étant ce qu’elles sont, il y a fort à parier que vous fassiez partie des 50 à 70% de la population active qui se plaignent de manquer de sommeil. Or, ainsi que le bon docteur Faraut le souligne, quelle culpabilité faudrait-il éprouver à vouloir guérir d’un mal qui nous ronge?
Et pourquoi diable considère-t-on comme normal et même sain de dormir sept à huit heures par nuit, tandis que l’on associe si facilement sieste et paresse?
Cela alors même qu’il est «devenu urgent de lui donner la place qu’elle mérite», c’est-à-dire de la réintégrer dans notre quotidien au même titre que nos repas, notre sommeil ou notre travail, enjoint-il. Pourquoi tant d’enthousiasme? Eh bien parce qu’ainsi qu’on le (re)découvre au gré de ce passionnant traité, le sommeil est notre première médecine, et ce qu’il n’a pas eu le loisir de soigner pendant la nuit, la sieste peut s’y atteler en journée. Ces 10 à 90 minutes de dodo diurne améliorent ainsi les facultés cognitives et le processus d’apprentissage, facilitent la gestion des émotions, stimulent la créativité et relâchent les tensions, entre autres avantages pour la santé.
Si d’aventure, l’un ou l’autre préjugé tenace devait vous empêcher de vous abandonner à votre oreiller, permettez-moi de citer encore Brice Faraut. Qui compare le sommeil à «une mer d’huile» dont la surface inerte cache des profondeurs bouillonnantes de vie, et qui ouvre ainsi un horizon de possibles. Plutôt que l’incrédulité amusée à laquelle doit faire face l’adulte qui annonce qu’il est l’heure de sa sieste, quelle superbe de lâcher soudain en plein milieu d’une journée tout ce qu’il y a de plus banale qu’on «part en mer». Et de répondre à l’entourage interloqué qui demande quoi, comment, pour combien de temps, «je ne sais pas. Je me laisserai porter par les vagues».
Faites de douces mers.
Sauvés par la sieste, par Brice Faraut, Actes Sud.
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