Pour en finir avec le syndrome d’imposture, un mal très féminin
Ne pas se sentir légitime dans sa vie professionnelle est un sentiment partagé par de nombreuses femmes, vivant dans le doute, l’anxiété et la peur permanente de l’échec. Sans parler de l’autodévalorisation qu’elles cultivent. Mis en place dès le plus jeune âge via des mécanismes psychologiques et des habitudes sociales, ce syndrome de l’imposture n’est pourtant pas une fatalité.
Le duo Elisabeth Cadoche et Anne de Montarlot – respectivement journaliste et psychothérapeute – nous explique les ressorts de ce mal qui pourrit le quotidien, et ce dès l’enfance, dans leur ouvrage publié aux Arènes, Le syndrome d’imposture, pourquoi les femmes manquent-elles tant de confiance en ellesSur quelque 300 pages, grâce à une combinaison très accessible d’informations, d’études scientifiques, de récits de cas et d’interviews, elles donnent des clés à celles qui se confrontent au quotidien à ce carcan psychologique, afin qu’elles prennent conscience de leur valeur et brisent ce biais cognitif qui freine leurs ambitions. A l’occasion de cette rentrée 2021 synonyme de retour au travail pour un grand nombre d’entre nous, on leur a posé quelques questions.
Comment expliquez-vous que le sentiment de légitimité professionnelle soit défaillant chez les femmes – plus que chez les hommes ?
Pendant longtemps, la sphère professionnelle a été dévolue aux hommes alors que les femmes étaient cantonnées à la sphère privée. Elles n’existaient qu’à travers le mariage et la maternité. Bien sûr, depuis 50 ans, la donne a changé de façon drastique, reste que les femmes ont intégré, presque inconsciemment, tous les clichés véhiculés depuis des siècles et qu’elles ont du mal à s’alléger du poids de l’Histoire. Et également des injonctions sociétales.
Le manque de confiance en soi se traduit-il forcément par un sentiment d’imposture? Sinon, comment définir celui-ci?
On peut manquer de confiance en soi sans éprouver un sentiment d’imposture. Quand on n’a pas confiance en soi, on peut avoir du mal à s’affirmer ou à être dans la lumière sans que cela remette en cause notre légitimité. On sait qu’on est à notre place, c’est juste qu’on a un peu peur de certains défis professionnels, mais en travaillant, on peut tout de même, au final, être fier de ce que l’on a réalisé. Le sentiment d’imposture s’ancre dans le manque de confiance en soi mais génère de l’anxiété et une incapacité à intégrer ses réussites, à intérioriser ses succès. On vit dans la peur d’être démasqué pour incompétence, malgré le succès. Et plus on réussit, plus on doute.
Comment cela se traduit-il ?
Ce sentiment d’imposture se traduit le plus souvent par un comportement perfectionniste à l’extrême, des standards trop élevés et une cadence de travail infernale pouvant mener au burn-out. Ou, à l’inverse, à de la procrastination: puisque je ne vais pas y arriver, je précipite ma chute.
Comment peut-on agir individuellement pour accroître ce sentiment de légitimité, pour faire disparaître ce sentiment d’être une imposteure?
On peut essayer d’apprivoiser le sentiment d’imposture en déconstruisant certaines croyances limitantes sur soi. En essayant d’identifier d’où vient ce sentiment. Souvenez-vous que vous n’êtes pas vos pensées, vous êtes l’observateur de vos pensées. Posez-vous, par exemple, les questions suivantes : en grandissant, quels messages avez-vous reçus sur vos capacités, vos compétences, votre importance ? Quel était le discours familial autour du succès? Et de l’échec ? Etiez-vous étiqueté comme l’enfant beau/ intelligent/ feignant, etc ? Les réponses que vous donnerez à ces interrogations devraient vous mettre sur la voie.
Nous conseillons aussi de noter tous ses succès sur un cahier pour réaliser tout ce qu’on a accompli. Et de le relire dans les moments de doute. De même, apprenez à accepter les compliments avec un simple « merci » plutôt que de minimiser ce que vous avez fait.
Et faites comme les Anglo-saxons qui suivent le mantra « Fake it until you make it ! ». Autrement dit, « Faites semblant jusqu’à ce que vous y arriviez! »…
Enfin, il est bien sûr crucial de bien s’entourer et d’avoir des modèles inspirants.
Et collectivement, que peut-on mettre en place pour enrayer ce mal ?
Les sociétés commencent à prendre la mesure du problème. Et les femmes commencent à investir toutes les forteresses du pouvoir. En mettant de plus en plus de femmes à des postes-clés, on pourra accroître leur représentation et faire en sorte qu’elles se sentent légitimes. Les hommes savent eux aussi parfaitement que lorsqu’on se sent légitimes, qu’on travaille dans un climat de confiance, on est plus performants et tout le monde y gagne.
Quand et comment peut-on agir pour changer cette donne, si profondément inscrite ?
Si l’on veut changer la donne, cela commence par l’éducation des enfants. Evitez les clichés qui consistent à dire d’un petit garçon qu’il est fort et d’une petite fille qu’elle est belle, à élever les filles dans la fragilité, etc. N’hésitez pas à avoir recours à la discipline positive. Et pour ce faire Caroline Pfimlin (coach certifiée et facilitatrice qualifiée en discipline positive, NDLR) livre dans l’un des chapitres de notre livre, ses conseils, à base d’empathie et de respect, ni permissifs, ni autoritaires, basés sur une écoute active, rappelant les vertus du mimétisme et celles de l’encouragement.
Quel parent dois-je être avec ma fille : les 10 commandements
extrait du livre Le syndome d’imposture.
- Montrez-lui que vous l’aimez toujours
- Apprenez à l’écouter
- Soyez empathique
- Ayez une confiance inconditionnelle en elle
- Soyez soutenant, encourageant face à ses actions
- Acceptez ses échecs et aidez-la à accepter ses échecs
- Acceptez-la telle qu’elle est
- Ne la dévalorisez pas
- Soyez à la fois diplomate, pédagogue et coach
- Soyez un modèle de confiance en soi
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