Faire régime ne sert à rien - Getty Images
Faire régime ne sert à rien - Getty Images

Faire régime est inutile, et c’est un médecin nutritionniste qui l’affirme

Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Malgré l’injonction à l’acceptation des corps quelle que soit leur forme, les régimes n’ont pas disparu de la conscience collective, au contraire. Et pourtant, leur inefficacité n’est plus à prouver.

Selon les statistiques en vigueur, basées sur le maintien de la perte de poids, les régimes auraient un taux d’échec de… 95% à cinq ans. En outre, 80% des personnes ayant décidé de se mettre à la diète ne parviendraient pas à maintenir une perte de poids de plus de 10% endéans l’année suivant la fin de leur cure d’amincissement. Cela vaut pour votre mère ou votre tante, qui a perdu 15 kilos dans les années 90 en se nourrissant principalement de pamplemousses et de cottage cheese avant de regagner une vingtaine de kilos au cours des décennies suivantes. C’est le cas de votre proche qui vous a vanté les vertus amincissantes de son régime ultra protéiné pour mieux reprendre tous les kilos perdus (et quelques-uns en plus) une fois la réintégration d’autres aliments dans son alimentation. Peut-être avez-vous vu vous-même votre poids descendre sur la balance pour finir par remonter en flèche.

Et pourtant, il suffit de consulter le moindre média, d’ouvrir Facebook ou Instagram voire de lancer une conversation sur le sujet pour constater que cela ne décourage personne de se lancer – au contraire, même. Effet pervers de cet engouement sans faim (et du constat d’échec fait par nombre d’anciens amaigris aigris) les régimes se multiplient, et c’est à celui qui aura l’approche la plus novatrice et la promesse des résultats les plus rapides, quitte à faire entièrement fi des principes élémentaires de nutrition et à bannir des familles d’aliment entières, au détriment de la santé des personnes qui se convainquent que le corps de leurs rêves n’est qu’à quelques semaines de privations près.

En quinze ans de spécialisation en la matière, le Dr Freddy Wuyard, médecin nutritionniste en région liégeoise, a été aux premières loges pour (tenter de) suivre la course folle des régimes, qui se suivent et se ressemblent dans leur construction bancale. « Il y a eu le régime protéiné, le régime paléo, le régime kéto… Ce qui est malheureux, c’est que la plupart des gens avalent bêtement la diète à la mode du moment, alors qu’il s’agit de régimes souvent très restrictifs qui induisent des carences » regrette-t-il. Quant à savoir si, ainsi que de plus en plus de déçus et de scientifiques le dénoncent en choeur, « les régimes ne servent à rien », celui dont la spécialité est pourtant associée à leur suivi dans l’imaginaire collectif n’hésite pas une seconde avant de l’affirmer: c’est bien vrai.

S’affranchir du mythe du poids idéal

Et de se munir d’un dictionnaire pour appuyer son propos.

« Si on regarde dans le Larousse, la première définition du mot régime est « conduite alimentaire caractérisée par les restrictions », lesquelles sont forcément vouées à l’échec sur le long terme. L’autre définition du dictionnaire correspond mieux à l’acceptation que j’en ai, c’est-à-dire « l’ensemble des prescriptions concernant les aliments et destinées à maintenir ou à rétablir la santé ».

Dr Freddy Wuyard

Car pour le Dr Wuyard, qui confie ne pas aimer le mot régime, « parce que cela évoque immédiatement un élément de punition et quelque chose de négatif dans l’esprit des gens », il ne faut pas confondre la nécessité d’adopter une approche raisonnée de son alimentation (et donc, dire adieu aux régimes restrictifs) avec une invitation à se moquer complètement du chiffre qu’indique la balance.

Un esprit sain dans un corps sain

« Ce qui est atroce, c’est que de nos jours, l’image, principalement de la femme, qui est véhiculée, est celle d’une minceur extrême. On voit encore trop rarement des personnes plus corpulentes dans les médias, et la maigreur est élevée au rang de panacée, ce qui est problématique pour de nombreuses raisons » dénonce Freddy Wuyard.

Qui invite toutefois à ne pas confondre acceptation de soi et mise en péril de sa santé.

« C’est important de se sentir bien dans sa peau et de s’accepter comme on est, mais ça ne doit pas se faire au détriment de la santé. Si on se sent bien avec des rondeurs, tant mieux: personne ne doit suivre les diktats de la mode féminine! Par contre, si on a un BMI caractérisé d’obésité morbide, comme le nom l’indique, cela génère toute une série de problèmes de santé. Et le problème est le même si on est trop maigre: une personne dont le BMI est en-dessous de 18 présente aussi un risque accru d’apparition de certaines maladies ».

Oui mais comment veiller à sa santé sans faire régime, alors? D’abord, rappelle le Dr Wuyard, il s’agit de se délester de la chimère du « poids idéal », et de s’intéresser plutôt à son poids de forme, « c’est-à-dire celui auquel la personne se sent vraiment bien, et qu’elle parvient à maintenir sans se priver. Quand on fait une fixation sur le prétendu poids idéal, et qu’on fait tout pour l’atteindre, on n’est pas forcément au mieux de sa forme ».

Et une fois cette distinction faite, alors? « C’est important d’accepter l’idée d’évoluer, soit pas seulement de chercher une solution rapide, mais bien d’essayer de trouver une manière de s’alimenter qui permet d’être dans la meilleure santé possible » assure le Liégeois, pour qui, contrairement aux idées reçues, cela n’implique pas toujours des changements importants, dont la magnitude imaginaire fait office de frein. Et de citer en souriant l’exemple de cette patiente qui avait le réflexe d’ajouter de la mayonnaise dans absolument tout ce qu’elle mangeait. « Je lui ai dit de continuer à manger tout pareil, mais en ayant la main plus légère sur la mayo, et ça a fait des merveilles pour sa santé ». Simple comme bon goût…

Dire adieu aux régimes

« Ce qui compte, si on veut prendre soin de soi, c’est de voir cette démarche comme un changement de mode de vie durable, et l’adoption d’une alimentation plus saine comme quelque chose de positif, qui va faire du bien à notre corps et à notre mental » ajoute encore celui pour qui toute autre approche est forcément vouée à l’échec.

« Quand on veut des effets très rapides, on adopte des conduites très restrictives, qui vont certes entraîner une perte de poids assez impressionnante, mais sans aucune réflexion sur la manière dont la personne s’alimente. Autrement dit, dès qu’on arrête de suivre son régime, on reprend les mauvaises habitudes qu’on avait avant, et surtout, on reprend tous les kilos perdus, voire plus ». Un phénomène de yo-yo pesant dont il est temps de s’affranchir, une bonne habitude à la fois. Parce qu’ainsi que le souligne le Dr Wuyard, tout n’est qu’une question de modération, et manger une poignée de chips ne fait pas plus grossir que croquer dans une pomme ne fait instantanément maigrir.

Lire aussi: Manger ses émotions augmenterait le risque de diabète

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content