Twelve, whisky issu de « l’une des distilleries françaises les plus qualitatives et prometteuses du moment »
Entre murs de basalte et rocs de granit dispersés sur un plateau où affleure de loin en loin le noir profond des tourbières, l’Aubrac, dans le sud de la France, rappelle les Highlands; s’y ajoute désormais un whisky, issu du rêve de douze copains.
« Avec des amis d’enfance, nous nous baladions un 1er de l’An sur l’Aubrac. L’un d’eux lance alors que ce serait génial d’y faire un whisky car rien ne ressemble plus à l’Ecosse que l’Aubrac! », raconte Christian Bec, co-fondateur et directeur de la distillerie Twelve, à Laguiole.
Né à l’aube de 2014, dans l’euphorie d’un lendemain de réveillon à quelque 1.000 mètres d’altitude, le projet, dont le nom évoque le numéro 12 du département et le nombre de comparses, « a démarré petit ». Il faudra six ans pour que les trois premiers whiskies Twelve voient le jour.
Parmi eux, l’assemblage Basalte est d’entrée qualifié de « meilleur whisky français de l’année » 2020 par l’experte Christine Lambert de Whisky Magazine. Elle conseille de « se bouger » pour avoir la chance d’y goûter, seulement 2.200 bouteilles étant alors en vente.
« Nous étions hyper fiers! », s’exclame en riant Christian Bec, 57 ans. « Nous pensions faire un whisky de garage entre potes pour notre plaisir, en vendant un peu pour payer les frais. Mais on s’est pris au jeu ».
L’artiste
Le « fantasme » de la distillerie prend corps avec l’acquisition du presbytère des Anges, vestige d’un fort de plus de trois siècles. Puis l’ancien couvent voisin, belle maison de basalte toute tarabiscotée, deviendra chai de vieillissement.
Mais pour passer du rêve à la réalité, il fallait « l’artiste ». Si les fondateurs, dont trois femmes, ont « une carrière réussie et de quoi investir » – ils sont cadres de l’aéronautique, chirurgien, juriste, astrophysicien, commerciaux, etc-, aucun n’a jamais élaboré d’alcool.
Le déclic sera, au hasard d’une virée chez un caviste en Normandie, la rencontre avec Florent Caston, jeune sommelier passionné de whisky, dont le grand-père distillait du calvados.
Son premier distillat sortira mi-2017. Il l’affinera trois ans pour créer notamment le Basalte, issu de quatre fûts de xérès Pedro Ximenez (PX), vin rouge, rhum et chêne neuf, assemblés ensuite en fûts de sauternes pendant un an.
Chaque matin, ce maître de chai de 31 ans mêle eau et malt (céréale germée) pour brasser dans de hautes cuves d’acier la bière, base de tout whisky.
« Nous travaillons uniquement de l’orge pour garder un goût précis (…) Dans le monde du whisky, on peut trouver jusqu’à 13 céréales: mil, sorgo, épeautre, seigle, maïs… Mais plus il y en a, plus les empâtages sont compliqués », explique-t-il sur fond de glouglous émis par l’échappement du dioxyde de carbone.
« Faire un whisky juste dans du chêne neuf ne donnerait que du jus de planches »
Brasser, distiller, affiner
Après la brasserie, il rejoint la distillerie, gros cube d’acier installé au flanc de la bâtisse, où trône un Stupfler de cuivre rutilant. Sept-cents litres de bière sont chargés quotidiennement dans cette « Rolls Royce des alambics », et transformés en 70 litres d’alcool à 70%.
Ce « blanc » donnera les différents whiskies Twelve, qui produit aujourd’hui 100.000 bouteilles par an et emploie six salariés, pour un investissement avoisinant les trois millions d’euros.
Twelve « est l’une des distilleries françaises les plus qualitatives et prometteuses du moment », affirme à l’AFP Anne-Sophie Bigot, auteure d’ouvrages spécialisés et du blog « The Whisky Lady« , qui a eu un coup de cœur pour l’Albariza.
Ce single malt aux arômes d’épices douces a été affiné dans deux fûts successifs de xérès; d’autres le sont dans des barriques ayant contenu uniquement du rhum, du vermouth ou du cognac, etc. « Faire un whisky juste dans du chêne neuf ne donnerait que du jus de planches », précise Florent, le regard plein de malice.
Quant à un whisky tourbé, Twelve envisage de fumer l’orge par déchets de bois dégradé. « Extraire de la tourbe n’est pas du tout écologique et les tourbières d’Aubrac sont protégées », argue Christian Bec, en détaillant les prochains projets, dont une malterie. « Nous voulons nous approvisionner auprès de cultivateurs d’orge locaux, produire notre malt », souligne-t-il.
Rêvant de « goûter à un Twelve de 40 ans avant de mourir », il admet que créer de zéro une distillerie de whisky n’est pas rentable à court terme. « C’est comme planter une forêt, pour nos enfants voire nos petits-enfants! »
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