Cuisine indienne: les patrons de Mission Masala nous livrent leurs meilleures adresses à Londres

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Ambassadors Clubhouse à Londres. © Lieven Bulckens

Le tandem à la tête de l’enseigne indienne Mission Masala s’est rendu à Londres pour y goûter les nouvelles tendances culinaires. On s’est joint à la promenade et on a fait le plein de (bonnes) adresses. Est-ce qu’on a eu les yeux plus gros que le ventre? Evidemment.  

Depuis dix ans, Tim Van Den Heuvel et Pavan Bajwa poursuivent une même mission: amener les Belges à s’intéresser à la cuisine indienne. Nous les accompagnons aujourd’hui dans une pérégrination gourmande à travers Londres, où Pavan, anglo-indienne, a grandi. «Quand les Britanniques sortent, ils sortent vraiment. Cette fille là-bas, près du billard, qui danse dans son petit haut léopard? Elle sort pour de vrai, et j’adore ça. J’aimerais qu’on ait ce genre d’endroit en Belgique.» Elle sirote une phed pokati margarita en jetant un regard amusé autour d’elle.

Lieven Bulckens

Ce «genre d’endroit», c’est le Speedboat Bar à Soho. Ce vendredi d’été, il est 22 heures, mais la nuit semble à peine commencer. Des serveurs passent avec des currys parfumés, des nouilles, du poulet frit, des sauces piquantes et acidulées. Les tables sont presque accolées, sur deux étages. Dans un coin, une table de billard très fréquentée; aux murs, des écrans où des speedboats foncent dans les canaux de Bangkok, et dans les enceintes, des tubes des années 1990. Le décor explose de jaune, rouge, vert clair et bleu.

Un marathon culinaire!

C’est déjà le sixième restaurant où nous nous attablons aujourd’hui, en commandant la moitié de la carte. Tim a préparé une tournée de deux jours à travers les restaurants et les échoppes susceptibles d’inspirer ses ambitions, et celles de son épouse, pour leurs établissements Mission Masala en Belgique.

Le duo connaît une ascension fulgurante depuis quelques années: cinq restaurants répartis entre Gand, Bruxelles et Anvers, une cuisine take-away à Anvers et des foodtrucks pendant la saison des festivals. Mais un lieu effervescent comme le Speedboat Bar, où l’on pioche dans l’assiette du voisin en chantant à tue-tête sur Sophie Ellis-Bextor, c’est le rêve de Pavan Bajwa.

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«Nous avons tenté ce concept à Bruxelles, avec l’ouverture de notre Bombay BBQ en 2023. Mais ça n’a pas pris comme ici, confie-t-elle. Rien ne vaut le public britannique, ça se voit aussi aux concerts. Les Anglais s’amusent davantage, même quand la vie n’est pas facile. Et j’adore qu’on m’appelle darling ou love: c’est un réflexe d’hospitalité.»

Ces différences, Pavan ne les a réellement perçues qu’en s’installant à Anvers dans sa vingtaine. Elle pique sa fourchette dans un bol de nouilles tom yam mama, aux calamars, au porc et aux scampis, tandis que Tim a déjà saisi une queue de billard.

La mafia du curry

11h30 et trente-sept plats plus tôt, notre périple avait débuté chez Eat Momo, une petite adresse népalaise près de Borough Market, où l’on sert des momos frais, ces raviolis typiques du Népal, farcis de préparations épicées, cuits à la vapeur ou dorés à la poêle, accompagnés de sauce chili, de dip tomate ou menthe. «En matière de tendances, Londres a toujours une longueur d’avance sur les autres villes européennes, explique Pavan. Le népalais est la hype du moment, aussi bien en gastronomie qu’en streetfood. Nous voulions tester cette adresse car nous cherchons sans cesse de nouvelles inspirations de snacks ou de dips pour nos restaurants.» Tim en goûte deux bouchées: «La sauce chili est sympa, mais les dumplings ne m’impressionnent pas vraiment. C’est typiquement une adresse pour Instagram. Allez, au suivant!»

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Ainsi se déroule le marathon de deux jours. Tim nous emmène d’un bout à l’autre de Londres, entre momos et butter chicken, cocktails et brochettes d’agneau, pendant que Pavan raconte. Elle parle ainsi du livre de recettes Mission Masala, attendu cet automne, qui promet d’être une fête pour les yeux comme pour le palais. Ou encore de leurs tout premiers Gentse Feesten, où son fameux butter chicken avait tourné à cause de la chaleur: son père avait fait le voyage depuis Londres en pleine nuit avec une voiture remplie de sauce préparée en urgence par sa mère, et était arrivé juste à temps pour la deuxième journée du festival. «Depuis, dans la famille, on les appelle la mafia du curry», s’amuse-t-elle.

«Nous n’allons pas visiter uniquement des restaurants indiens, poursuit Tim. Un bar thaï ou un grill peuvent aussi nous inspirer. Que ce soit par les saveurs, le concept, le design de la cuisine ou même les emballages.»

Un rituel bien huilé

À Borough Market, la foule est dense. Mais Tim nous guide droit vers Black Pig. «Ils y vendent 1.200 sandwichs de porc par jour qui, paraît-il, sont les meilleurs de la capitale. Mais ce qui m’intéresse, c’est leur organisation. Douze personnes dans une échoppe! En Belgique, avec nos coûts salariaux, c’est impossible.»

Tim et Pavan scrutent chaque détail. «Regarde, il y a une personne qui ne fait que couper des oignons.» Ils filment aussi un barman qui râpe de la glace d’un bloc géant pour ses cocktails à la mangue.

Chaque année, une partie de l’équipe part en foodtrip. Cette fois, c’est au tour de la cheffe Dafna et de Guido, l’event manager. Le quatuor fonctionne selon une mécanique bien huilée. À chaque adresse, la même routine: étude de la carte, commandes en alternance, partage des plats, analyse du décor et des équipements, et interrogation du personnel sur tel délicieux chutney de mangue ou tel tandoori de saumon.

«Je suis toujours étonnée de voir combien les serveurs londoniens connaissent les secrets de leur chef, et acceptent de les partager, souligne Pavan. Mais pour moi, la cuisine, c’est ça: être ensemble et partager.» Elle se tourne vers le serveur: «Pour rendre les épinards si croustillants, vous les farinez avant de les frire?»

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Après quatre restaurants en six heures, nous comprenons mieux le SMS de Tim avant notre départ: «Prenez du Rennie et du Dafalgan, et mettez un pantalon large!»

Katta sambol (poisson écrasé avec piment, oignon et citron vert), mooli bun kebab (petit pain garni de radis blanc croustillant et de chutney), lasooni salmon tikka (saumon mariné aux épices et cuit au tandoor)… Les plats s’enchaînent, et bien que succulents, trop, c’est trop. L’avantage, c’est que lors d’une prochaine virée à Londres, nous saurons exactement quoi commander chez Berenjak, Rambutan ou Fatt Pundit. Mission Masala aussi semble repartir en ayant fait le plein d’idées. «Ce poireau grillé et ces sardines frites étaient incroyables, déclare Tim. Et si on en inventait une variante bientôt?»

Le plaisir du gras

À noter que beaucoup de plats sont moins relevés que prévu. «Il y a dix ans, la question qu’on nous posait le plus dans les festivals, était si nos plats n’étaient pas trop épicés, raconte Guido. Je répondais qu’ils étaient richement épicés, oui, mais pas forcément piquants. Aujourd’hui, les Belges le tolèrent davantage. Sur un festival moyen, ils versent jusqu’à 150 litres de notre huile chili pickle sur leurs barbecues.»

«Moi, je ne mange pas très piquant, sourit Pavan. Même ma belle-mère en supporte plus que moi désormais.»

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Elle raconte comment ses jeunes parents, originaires du Pendjab, sont arrivés au Royaume-Uni. Elle, née à Londres comme ses sœurs et son frère, a grandi entre deux cultures. «Ça créait des tensions en cuisine. Ma mère préparait des plats forts et authentiques pour mon père, mais nous, les enfants, voulions manger comme nos copains anglais. Elle a donc inventé un entre-deux, qu’elle appelait «la Troisième Cuisine»: une sorte de lieu magique entre l’Inde et l’Angleterre. Les migrants tiennent souvent plus aux traditions que les familles restées au pays, qui évoluent plus vite. J’ai vu ça avec mes parents aussi. Mais aujourd’hui, ma fille Uma et ses cousins forment la troisième génération en Europe: leur goût est bien plus occidental. Je trouve ça passionnant, ce mélange entre Orient et Occident est fertile sur la scène food internationale.»

«Nous aussi, nous proposons des plats qui ne sont pas indiens, mais qu’on adore, comme le fried chicken, ajoute Tim. Le gras est notre plaisir coupable (rires). Tant qu’on y ajoute une touche indienne, ça colle à notre histoire. Notre poulet frit est servi avec une mayonnaise madras au curry et citron vert.»

Table bien garnie

Ceux qui s’imaginent que la cuisine indienne se limite au curry n’ont rien compris. Traditionnellement, un repas se compose de multiples plats colorés servis en même temps: le riz et le pain forment la base, complétés par un dahl (ragoût de lentilles), des légumes, de la viande ou du poisson, des chutneys et dips et souvent un lassi.

Chez Mission Masala, une box repas pour deux inclut deux currys, quatre accompagnements – comme du chou-fleur mariné, du riz, du pain paratha et deux sauces dip. «Masala signifie mélange d’épices, rappelle Pavan. Chaque plat est épicé d’un mix de coriandre, cumin, cardamome et/ou poivre noir… La composition dépend toujours de la région et du plat. Avec nos établissements, notre objectif est de montrer aux Belges la diversité de la cuisine indienne.»

À Londres, il n’est plus nécessaire, depuis longtemps, d’expliquer ce qu’est un dahl ou un dosa. «Des adresses branchées comme Dishoom ont fait connaître ces plats. Et puis, l’Inde est immense: au Sud, la cuisine est plus légère que celle du Nord, plus riche et consistante, avec laquelle mes parents ont grandi.»

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«Je me souviens encore de la première fois que Pavan m’a préparé des œufs épicés, confie Tim tout sourire. Avec du cumin, du gingembre, de l’ail, du chili, de la coriandre, un peu de yaourt et du concombre… J’ai été bouleversé: pourquoi ne pas toujours manger mes œufs comme ça? À l’époque, j’organisais le festival gantois de musiques du monde Polé Polé, mais j’ai décidé de lancer un festival de food trucks, Barrio Cantina. J’ai encouragé Pavan, alors styliste chez Lee, à lancer un food truck indien. C’est comme ça que tout a commencé.»

Leur incontournable, après dix ans de métier? «C’est le butter chicken curry, répond Guido. En festival, il représente 80% de nos ventes. Mais on a parfois des surprises. Au Down The Rabbit Hole, notre mushroom roll a cartonné. Le public y est déjà très branché végétarien, et quand les influenceurs s’en mêlent, la demande explose le lendemain. Il faut savoir réagir vite.»

Un art que maîtrisent Tim et Pavan. «Nous employons plus de 60 personnes, sans compter les étudiants, dit Tim. La plupart de nos restos sont ouverts 7 jours sur 7. Nous n’avons jamais eu de businessplan détaillé, seulement de la passion et de l’enthousiasme. Parfois, la simplicité de mes années de DJ me manque (rires). Mais j’adore recevoir à minuit, après une longue journée de travail, un message d’un membre de l’équipe qui propose une nouvelle idée de plat.»

Faim de conquête

En rentrant à l’hôtel vers minuit, on imagine l’équipe de Mission Masala en train de se coucher enfin. Erreur! Le lendemain matin, notre téléphone regorge déjà de vidéos du quatuor sirotant des margaritas pimentées. «Work hard, play hard», plaisante Tim en nous retrouvant au Tamil Prince, un resto indien en vue du nord de Londres. Au menu: frites d’okra, curry et channa bhatura – un pain frit doré. Pavan file en cuisine pour filmer la préparation.

Lieven Bulckens

Nous sautons dans le London Overground pour rejoindre Acme Fire Cult, un grill installé sur un ancien parking à Hackney. «Ça me rappelle nos débuts: quelques grillades, et c’est parti, dit Tim. Et je trouve ça génial de voir ici des jeunes familles côtoyer des retraités.»

Pavan sort de son sac quelques autocollants Mission Masala ornés de leur tigre emblématique. «Notre fille de 4 ans les colle partout. Tout Anvers, où nous habitons, en est tapissé. On commence ici notre conquête de Londres!»

missionmasala.be

Les bonnes adresses de cuisine indienne à Londres testées et approuvées

Eat Momo. Momos tibétano-népalais, servis avec des dips rafraîchissants, dans un décor sans chichi. eatmomo.uk

Berenjak. Cuisine iranienne décontractée composée d’ingrédients locaux. Des classiques comme le houmous aux grillades raffinées, c’est un hommage aux kebabs de Téhéran. Trois adresses à Londres. berenjak.com

Rambutan. Inspirations sri-lankaises, avec d’irrésistibles sardines frites, poireaux grillés et brochettes d’agneau. S’installer au comptoir pour un spectacle garanti. rambutanlondon.com

Ambassadors Clubhouse. Restaurant indien raffiné avec une cuisine du Pendjab. Tandoori de saumon exceptionnel et bar spectaculaire avec DJ sets et excellents cocktails. ambassadorsclubhouse.com

Fatt Pundit. Cuisine indo-chinoise dans une ambiance animée. À goûter absolument: frites d’okra, épinards croustillants, momos et scampis chili. fattpundit.co.uk

Speedboat Bar. Bar effervescent inspiré du Chinatown de Bangkok. Currys parfumés, nouilles relevées, poulet frit. speedboatbar.co.uk

The Tamil Prince. Resto indien tendance installé dans un ancien pub. Idéal aussi au petit-déjeuner avec crêpes indiennes, dosa et beignets de légumes. thetamilprince.com

Acme Fire Cult. Restaurant grill sur un parking réaménagé, avec viandes locales et impressionnant éventail de légumes grillés. Pain croustillant au pecorino à ne pas manquer. acmefirecult.com

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